Le vendredi 13, être ou ne pas être superstitieux ?

Pour paraphraser Shakespeare, être ou ne pas être superstitieux, telle est la question qui se pose chaque vendredi 13. Si un certain nombre de personnes considère que cette date annonce un jour de chance, d’autres, les paraskevidékatriaphobes1 – c’est pas faux ! –, redoutent que leurs superstitions ne leurs jouent de mauvais tours. Enfin, n’oublions pas non plus ceux pour qui cette date n’est finalement que le lendemain d’un jeudi 12 et la veille d’un samedi 14…

Carte postale. Collection particulière.

Tout comme pour la tradition du poisson chaque Premier avril, les origines des superstitions autour du vendredi 13 sont multiples et obscures. Elles font aussi bien référence à la Cène, le dernier repas que prit le Christ avec ses douze apôtres, qu’à l’arrestation des Templiers par le roi Philippe Le Bel le vendredi 13 octobre 1307. Si cela nous importe finalement peu, il est en revanche plus intéressant de constater que ces superstitions occupent déjà largement les esprits des contemporains de la première moitié du XXe siècle. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les pages du quotidien régional L’Ouest-Eclair.

En 1926, l’édition du 13 août du quotidien rennais relève que le « calendrier de 1926 [ne] compte qu’un vendredi 13 ». Ce qui est un minimum, puisque la récurrence de cette date est de un à trois par année. Le journaliste poursuit en suggérant que cette rareté devrait « inciter certains à tenter aujourd’hui une chose difficile, tandis que d’autres s’abstiendront ». Pour autant, aucune célébration d’une quelconque fête ne vient rythmer le vendredi 13. Ce sont uniquement les superstitions que l’on attache à cette date qui lui donne son importance. On est bien ici dans le domaine d’étude de l’histoire des mentalités.

Ces croyances peuvent être matérialisées par des « amulettes », du plus simple « trèfle à quatre feuilles », jusqu’à l’exotique « griffe de tigre indochinois », en passant par des « pierres du Nil fabriquées à Manchester » (sic). Tout comme elles peuvent s’incarner dans des rites à respecter, comme le fait de ne pas croiser de « chat noir », de faire attention « à ce que deux couteaux ne se mettent pas en croix », de ne pas « renverser la salière lorsque vous serez à table », ou bien de ne pas « passer sous une échelle en passant près d’un chantier en construction ».

Au-delà de ces multiples croyances, il est intéressant de noter que les superstitieux sont capables de considérer autant le vendredi 13 comme un jour positif, comme nous le rappelle L’Ouest-Eclair du 13 janvier 1933 : « les uns sortiront joyeux de leur demeure et profiteront de l’occasion pour se livrer à toutes les excentricités » ; que comme un jour négatif : « d’autres n’oseront à peine sortir de leur lit et sous aucun prétexte ne mettront un pied dans un chemin de fer, une automobile. Un accident, un déraillement est toujours à craindre ». Mais on peut également lire dans ce quotidien proche des milieux catholiques, un rejet de ces superstitions : « que voulez-vous qu’il vous arrive de plus aujourd’hui qu’hier ou que demain ? » En 1915, L’Ouest-Eclair avait d’ailleurs déjà mis en garde les Poilus contre les superstitions qui affirment que de rédiger son testament porte malheur.

Carte postale. Collection particulière.

Il n’en demeure pas moins que les superstitions forment déjà un formidable terreau commercial. C’est ainsi que l’on voit fleurir, dans les éditions des années 1930-1940, des encarts publicitaires pour la Loterie nationale, créée par le décret du 22 juillet 1933, pour notamment venir en aide aux invalides de guerre. On peut lire dans l’édition du 13 août 1937 que « le vendredi est déjà un jour très favorable pour l’achat de billets de la Loterie nationale mais [que] le vendredi 13 l’est encore davantage ». Toutefois la dimension bienfaitrice n’est pas écartée comme, à l’occasion du 13 décembre 1942 : « Vendredi 13. Achetez aujourd’hui votre billet de loterie nationale. Une bonne affaire. Une bonne action. Tirage dans 4 jours ». Pour ou contre les superstitions du vendredi 13 ? Faites vos jeux !

Thomas PERRONO

 

 

 

1 La paraskevidékatriaphobie est la phobie du vendredi 13.