Le Mémorial Museum de Mons

La Belgique est une terre de combats à part pour les Bretons de la Première Guerre mondiale, on pense notamment à la bataille de Charleroi au mois d’août 1914. Mais on pourrait également évoquer Messin, Dixmude ainsi que le secteur d’Ypres. En Grande-Bretagne, c’est la ville de Mons qui tient une place particulière dans la mémoire de ce conflit. C’est en effet là que le premier soldat britannique – le Private John Parr – meurt au combat le 22 août 1914. Quatre années plus tard, alors que l’armistice est sur le point de faire sortir l’Europe de cette guerre mondiale, c’est à nouveau à Mons que tombent sous les balles les derniers soldats de l’Empire britannique, dont le Canadien Georges Price mort à 10h58 le 11 novembre 1918, soit deux minutes seulement avant l’entrée en vigueur de l’armistice…

De superbes collections. Cliché: T. Perrono.

L’événement Mons 2015, capitale européenne de la culture, ainsi que le tourisme de mémoire engendré par les commémorations du centenaire du conflit, ont incité la municipalité du chef-lieu de la province du Hainaut à refondre son musée d’histoire militaire en un remarquable Mons Memorial Museum : des batailles de Louis XIV jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, il est vrai que la région est le théâtre de nombreux affrontements. Mais, plus que tout autre conflit, c’est la Grande Guerre qui tient une place centrale dans le musée.

Autant le dire clairement, la muséographie est particulièrement réussie et permet au visiteur – habitant de Mons ou non, passionné d’histoire ou non – de se plonger dans les « parcours de mémoire » qui lui sont proposés. Ici, aucun bavardage inutile, un court texte parfaitement ciselé permet de replacer le contexte historique de chaque thème abordé dans les vitrines. Un discours simplement complété par des témoignages de protagonistes de tous horizons : belges, britanniques, allemands… La force de ce musée réside dans la variété des objets mis à notre disposition : notamment de nombreux uniformes, une impressionnante collection d’affiches, mais aussi, plus insolite, un morceau de pain conservé depuis 1914, lors de l’occupation de la ville par les troupes allemandes.

La fabrique de l'histoire sur écrans tactiles. Cliché: T. Perrono.

Le musée montois n’oublie pas non plus d’être un outil du XXIe siècle, par l’intégration de l’outil numérique. Des tablettes tactiles accrochées aux murs permettent d’approfondir le parcours de plusieurs acteurs de l’histoire de la ville : des portraits hi-tech en somme. De plus, de grands écrans tactiles offrent au visiteur la possibilité de se plonger dans une belle collection de documents d’archives. Ces derniers sont à chaque fois contextualisés et souvent complétés par du son et/ou de la vidéo. Ce qui permet à tout un chacun de goûter à l’archive, d’avoir accès à la « fabrique de l’histoire ».

L’originalité du musée se ressent également dans la façon de questionner la part irrationnelle, mystique des combats. La légende des « Anges de Mons »,  est ainsi abordée par un film d’animation à l’esthétique raffinée, qui donne à ressentir la guerre au plus près du soldat. Le choix du dessin animé est dans ce cas particulièrement judicieux, car il stimule l’imaginaire, rend perceptible cette « hallucination collective » des combattants britanniques qui ont cru voir Saint-George accompagné d’archers, arrivés à leur secours pour leur permettre d’effectuer une retraite au soir du 23 août 1914, alors que les troupes allemandes les menaçaient d’encerclement.

Du point de vue du visiteur breton, la longue évocation de l’occupation militaire de la ville par les troupes allemandes tout au long de la Grande Guerre, permet une mise en perspective de notre regard sur les deux conflits mondiaux. Puisqu’à Mons, malgré l’éloignement de la zone des combats entre la fin 1914 et 1918, la population vit sous un régime d’occupation, une situation inconnue alors en Bretagne. L’autorité militaire dirige d’une main de fer la vie de la cité belge et réprime durement tout acte de résistance. Lors de la Seconde Guerre mondiale, indépendamment de la dimension idéologique propre à ce conflit, la situation est différente car une grande partie de la population évacue la ville sous la pression des troupes de la Wehrmacht, et seulement une soixantaine d’Allemands restent pour occuper Mons, s’appuyant alors d’avantage sur les autorités locales.

Dans une salle consacrée à l'entre-deux-guerres. Cliché: T. Perrono.

Au final, ce tout nouveau Mons Memorial Museum est « fort » agréable à visiter – en utilisant les expressions locales ! On se surprend à y passer de nombreuses heures sans voir le temps passer. Les concepteurs du musée ont clairement rejeté – à notre plus grande satisfaction – la tentation d’une histoire spectacle et victimaire, au profit d’une histoire faite de questionnements, notamment autour des enjeux de mémoires. Bref, pour tous les Bretons, et non-Bretons, qui comptent se rendre sur les champs de batailles de Charleroi ou de Dixmude, le détour par cette charmante ville de Mons vous est plus que conseillé !

Thomas PERRONO