Bien plus que des illustrations : les sources iconographiques
Depuis la fin du XIXe siècle, les évolutions technologiques permettent de toujours mieux capter les sons et les images, offrant parfois l’illusion de pouvoir représenter le réel. De nombreux chercheurs ont en effet longtemps affirmé que ces différents supports deviendraient, à terme, des sources définitives, et permettraient de supplanter le travail des historiens. En immortalisant des instants éphémères, la photographie a très largement contribué à forger cette croyance. Pourtant, plus d’un siècle après son développement, elle demeure une source comme une autre qui doit être soumise à un rigoureux travail critique.
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A Vannes, en 1932, lors du 400e anniversaire de la Bretagne à la France. Gallica/BNF: Meurisse, 95424 A. |
Avec les négatifs, les plaques de verres et autres cartes postales, les clichés photographiques constituent indéniablement un formidable témoignage pour écrire l’histoire du XXe siècle. Paradoxalement, les historiens contemporains entretiennent un rapport complexe avec ces images, certains les cantonnent à de simples illustrations alors que d'autres les considèrent comme une source à part entière. Dans un article publié en 2001, Ilsen About et Clément Chéroux tentent d’expliquer les raisons de ce désintérêt. Selon eux,
« il est probable que l'apparition, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, du cinéma et de la photographie de reportage vint, pour un temps, complexifier le rapport des historiens aux images et peut-être même induire une certaine méfiance des premiers à l'égard des secondes. »1
Dans leurs conclusions, les deux auteurs regrettent qu’à la différence des archives cinématographiques, les photographies soient encore peu utilisées en tant que sources. Sans aucun doute, leurs manipulations à des fins de propagande maintiennent la suspicion des chercheurs, même s’il peut, là aussi, s’agir d’un excellent terrain d’enquête.
En effet, d’une certaine manière, toutes les photographies résultent d’une mise en scène. Pour des raisons esthétiques, le photographe impose inévitablement son regard sur l’objet qu’il immortalise. De son côté, le modèle, par sa posture ou par son choix vestimentaire, ne montre finalement qu’un aspect de lui-même : celui que lui demande d’incarner le photographe, ou ce qu’il souhaite lui-même laisser à la postérité. Existe-t-il d’ailleurs une photographie que l’on pourrait qualifier de « vraie » ? Nous sommes d’autant plus en droit de nous le demander alors que la plupart des clichés sont aujourd’hui retouchés, pour en améliorer la luminosité, pour la recadrer, voire pour en corriger les imperfections. La photographie n’enregistre pas la réel, loin de là, et son utilisation par l’historien nécessite un travail minutieux qui implique nécessairement de croiser les sources.
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Le Benjamin Franklin, en 1927, sortant des chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire. Europena. |
De nombreux fonds iconographiques concernent la Bretagne contemporaine. Les collections nationales, notamment celles numérisées sur les sites internet tels Gallica et Europeana, constituent un point de départ incontournable. Plus localement, les services d’archives (départementales et municipales), disposent également de fonds iconographiques plus ou moins riches, certains étant partiellement numérisés. Les fonds privés, classés en série J aux Archives départementales, proposent également de nombreuses photographies. La recherche y est malheureusement plus aléatoire puisqu’elle nécessite un dépouillement attentif et parfois fastidieux de chaque boîte. D’autres institutions mettent également à disposition leurs collections, parfois directement en ligne. On pense alors aux collections du musée de Bretagne, à celles du Conservatoire Régional de la Carte Postale de Baud, à celles de Dastum, ou encore à celles du diocèse de Quimper. Enfin, les collections les plus accessibles, les plus riches et les plus diversifiées, sont certainement celles qui se trouvent dans les greniers des particuliers.
Yves-Marie EVANNO
1 ABOUT, Ilsen, et CHEROUX, Clément, « L'histoire par la photographie », Études photographiques, novembre 2001, en ligne. |