Des urnes aux Archives : des sources pour une histoire des élections

Quel que soit le scrutin, les élections suscitent toujours un vif intérêt de la part des Français. Durant de longues semaines, les analyses partisanes s’imposent dans les conversations, bien souvent au détriment de toute objectivité. L’argument historique, jugé imparable pour bon nombre d’électeurs, est arboré comme une preuve absolue, au son des « je me souviens que… », « à l’époque… », « c’est bien connu que… », « de Gaulle disait que… »…  Pourtant, la plupart du temps, ces analyses reposent sur de vagues souvenirs ou sur des approximations entendues au hasard d’une conversation ou d’une émission télévisée. A l’heure où le fact-checking s’impose dans tous les médias, il est possible pour les curieux d’aller mesurer par eux-mêmes la véracité des références historiques en consultant les archives. Faisons ici un tour d’horizon des sources disponibles en Bretagne.

Carte postale. Collection particulière.

Le premier réflexe doit être de consulter la presse. Si les collections antérieures à 1945 sont souvent disponibles en ligne directement sur son ordinateur, il faut en revanche se déplacer pour consulter les éditions suivantes1. De la même manière qu’au XXIe siècle, la presse du XXe permet de découvrir les candidats, leurs déplacements, leurs discours, leurs programmes et les débats auxquels ils prennent part. Les réflexions des éditorialistes permettent également de mieux saisir les enjeux du scrutin. Regard précieux sur la campagne électorale, la presse permet enfin de consulter avec exactitude les résultats, notamment à l’échelle fine de la commune.

Evidemment, les journaux se montrent plus ou moins impartiaux selon les époques et selon les lignes éditoriales. A ce titre, le seul dépouillement de la presse s’avère insuffisant. Il est en effet indispensable de croiser cette précieuse source avec celles conservées aux Archives départementales. Les documents produits par la préfecture sont bien évidemment les plus nombreux dans la mesure où cette administration a la charge d’organiser localement les scrutins. Si avant 1940 ils sont classés en sous-série 3 M, après cette date, il faudra en revanche consulter soigneusement les inventaires de la série W. Dans les deux cas, on trouve dans les cartons les listes électorales, les résultats, les dossiers consacrées à chaque élection (professions de foi des candidats, affiches, tracts, coupures de presse…) ou encore les dossiers individuels des élus. Sur internet, le Centre de recherche politique de Science Po expose en ligne de nombreuses affiches et professions de foi relatives aux élections législatives. Pour affiner ses recherches, le lecteur consultera enfin les archives communales. Ces dernières disposent en effet de dossiers spécifiques puisque ce sont les municipalités qui accueillent les électeurs le jour du vote (procès-verbaux des opérations électorales…).

Pendant la campagne présidentielle de 1981. Carte postale. Collection particulière.

Pour étudier l’évolution de l’opinion, le chercheur consultera avec attention les rapports mensuels du préfet et ceux des commissariats de police, conservés en série M, ainsi que les rapports des renseignements généraux, conservés en série W. Enfin, il conviendra d'étudier les inventaires des archives privées, en série J, qui révèlent parfois de véritables pépites. En effet certains élus décident de déposer leurs documents personnels aux Archives départementales une fois leur carrière achevée, tel l’ancien ministre Raymond Marcellin dans le Morbihan2. Attention toutefois à ne pas perdre de vue que ces archives ont été soigneusement triées par les donateurs… C’est le prix de la postérité.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

1 Sauf exceptions payantes, les journaux doivent être consultés dans des institutions spécialisées comme la BNF ou les archives départementales.

2 Archives départementales du Morbihan, 128 J, fond Raymond Marcellin.