L’OFPRA : protecteur des réfugiés et de leur(s) histoire(s)

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est chargé d'assurer l'application de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève1. L’institution instruit toutes les demandes d’asile (plus de 100 000 en 2017) et met en œuvre la protection juridique des personnes ayant obtenu le statut de réfugié. Mais il n’y a pas que cela. L’OFPRA s’est également lancé dans une véritable politique de valorisation de ses archives, afin de susciter des recherches historiques sur un sujet qui demeure encore largement à explorer. Cela s’est traduit par le lancement, en février 2018, d’un portail en ligne dédié.

Le site n'est malheureusement accessible qu'après une inscription préalable en ligne.

Pour le moment, les archives disponibles à la consultation concernent les fonds les plus anciens, antérieurs à la création de l’OFPRA en 1952. Il s’agit de fiches nominatives des réfugiés ou apatrides protégés entre 1924 et 1952, dans le cadre des accords Nansen, soit principalement des Russes, Arméniens et Géorgiens. Ce fond mis à notre disposition est conséquent puisqu’il ne représente pas moins de 252 boites d’archives, soit 213 272 documents en format image. La recherche dans cette masse est facilitée au moyen d’un cadre de classement par organisme producteur (Office des réfugiés russes, Bureau chargé des intérêts des apatrides [BCIA]…) et par ordre chronologique d’instruction du dossier. La majeure partie des documents sont des certificats de réfugié-apatride ayant pour fonction de prouver l’identité, la nationalité et le statut du demandeur. Parfois, l’on trouve adjoints des documents produits par les réfugiés eux-mêmes : des correspondances, des attestations de travail, des copies de titre de séjour, des passeports etc.

Pour le moment, seuls les fonds de l’Office géorgien, de l’Office arménien et du BCIA sont indexés. Le plus important (216 boîtes), celui de l’Office russe ne l’est que partiellement. C’est ainsi que sur le modèle du portail Mémoires des hommes, un module d’indexation collaborative a été mise en place. Il est bien entendu difficile d’être catégorique quant à l’apport de ces archives à l’histoire contemporaine de la Bretagne mais cette documentation ne demande qu’à être testée. A moins qu’une initiative sur le modèle d’1 jour 1 Poilu ne voit le jour, il paraît toutefois assez difficile de pouvoir cibler les réfugiés par lieu de résidence ce qui constituerait, admettons-le, un outil d’un grand intérêt.

Il faut également souligner que la mission Histoire & archives de l’OFPRA ne s’arrête pas à la mise en ligne de ce portail. Le reste des fonds, notamment pour les archives de la période postérieure à la création de l’Office, sont consultables en salle de lecture, en tenant compte bien entendu des inévitables délais de communicabilité. Cette salle de lecture est aussi un centre de ressources sur l’histoire des réfugiés, avec la mise à disposition de travaux universitaires (thèses, mémoires), de monographies, ainsi que d'une vidéothèque. La mission Histoire & archives organise régulièrement des expositions, des rencontres et des débats et bien entendu des manifestations du type journées d’études et colloques universitaires. D’ailleurs, les actes d’une de ces journées sont parus aux  Presses universitaire de Rennes en 2017, sous le titre Réfugiés et apatrides. Administrer l'asile en France (1920-1960)2.

Passeport de Tahmazian Vartanoush. Archives de l’OFPRA : PAS01, 189779.

Dans cette période troublée de crise politique sur les questions migratoires, il est salutaire de voir une institution comme l’OFPRA mettre en œuvre une politique volontariste pour améliorer la connaissance historique autour des questions de l’asile et des réfugiés. Gageons que ce portail d’archives en ligne soit appelé à se développer. Un bel outil qui valorise l’OFPRA en tant que protecteur de chacune des histoires de celles et ceux qui ont obtenu le statut de réfugié en France.

Thomas PERRONO

 

 

 

 

 

1  La Convention de Genève de 1951 stipule dans son article premier que « le terme réfugié s'appliquera à toute personne […] qui craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

2 ANGOUSTURESAline, KEVONIAN, Dzovinar et MOURADIAN, Claire (dir.), Réfugiés et apatrides. Administrer l'asile en France (1920-1960), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.