Le Courrier des Campagnes : un journal catholique en terre blanche

Le Courrier des Campagnes n’est certainement pas le journal le plus célèbre du Morbihan, contrairement à son concurrent Le Nouvelliste du Morbihan. Pourtant, avec 2 135 numéros publiés entre 1872 et 1917, l’hebdomadaire constitue une incontournable mine d’informations pour celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Bretagne au tournant du XXe siècle.

Carte postale. Collection particulière.

Le Courrier des Campagnes paraît pour la première fois le 19 mai 1872. A cette époque, alors que la France se remet à peine de la terrible défaite contre la Prusse, le pays se déchire politiquement. D’un côté, les républicains tentent de s’imposer au sein d’une République qui peine à s’affirmer ; de l’autre, les royalistes sont divisés entre légitimistes et orléanistes. Le Courrier des Campagnes annonce très clairement son positionnement en faveur de la monarchie et du comte de Chambord1. Ainsi, il s’adresse à une large part de l’électorat morbihannais qui, à l’époque, accorde sa confiance aux députés royalistes, à l’image de l’incontournable Alain de Rohan-Chabot qui accède aux bancs de l’Assemblée nationale en 1876.

Au début du XXe siècle, alors qu’une restauration semble de plus en plus improbable, le journal recentre progressivement son combat sur la question religieuse. L’actualité offre en effet de nombreuses occasions de livrer de nouvelles batailles : laïcité, lois scolaires… sont tout autant de combats auxquels se livre l’hebdomadaire. Pendant la crise des Inventaires, particulièrement tendue dans le Morbihan, Le Courrier des Campagnes s’oppose ainsi avec virulence aux « défroqués », « crocheteurs » et autres « Francs-Maçons » qu’il accuse d’être à l’origine des maux de la société2.

Après quatre décennies d’existence, la Première Guerre mondiale fragilise définitivement l’hebdomadaire. En raison du départ des hommes sur le front, les rédactions du Courrier des Campagnes et de son homologue Le Morbihannais décident rapidement de mutualiser leurs efforts. Elles publient dès la fin de l’année 1914 un contenu identique même si les deux journaux gardent leurs titres respectifs. La ligne éditoriale ne subit cependant aucune modification et, le 17 janvier 1915, le journal profite d’une initiative de L’Action française pour adresser ses vœux au duc d’Orléans dont les ancêtres, « pendant dix siècles », ont assuré « la grandeur » de la France3.

Carte postale. Collection particulière.

Le 21 décembre 1917, Le Courrier des Campagnes tourne sa dernière page. Sa publication est en effet suspendue « par suite des circonstances » 4. George Loire se charge alors de rédiger un émouvant hommage au journal  qui « n’a jamais eu d’autres ennemis que ceux de l’Eglise, de la France, de nos droits, de nos libertés, de nos autels, de nos foyers »5. Un message dont l’amertume rappelle combien l’Union sacrée censée alors régner en France doit être nuancée…

Yves-Marie EVANNO

 

1 « Royalistes, prenez garde à vous ! », Le Courrier des Campagnes, 9 juin 1872, p. 1.

2 « N’achetons rien aux Francs-Maçons », Le Courrier des Campagnes, 11 mars 1906, p. 1.

3 « Hommages et vœux au duc d’Orléans », Le Courrier des campagnes, 17 janvier 1917, p. 1.

4 « Adieux aux lecteurs », Le Courrier des Campagnes, 21 décembre 1917, p. 1.

5 « Adieux aux lecteurs », Le Courrier des Campagnes, 21 décembre 1917, p. 1.