Le Nouvelliste du Morbihan : l’incontournable de la presse morbihannaise

Sans avoir l’envergure régionale de L’Ouest-Eclair, Le Nouvelliste du Morbihan n’en demeure pas moins l’un des principaux périodiques bretons de la première moitié du XXe siècle. Avec 60 000 pages publiées entre 1883 et 1944, le journal offre un regard unique pour celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire de ce département.

Au fond, les bureaux du Nouvelliste. Carte postale. Collection particulière.

Lancé à Lorient le 25 mars 1883, Le Nouvelliste du Morbihan se fait rapidement une place dans le monde concurrentiel de la presse locale. Pour s’assurer une large audience, le jeune hebdomadaire privilégie son indépendance politique et précise « qu’il n’a pas de parti ou d’amis à soutenir », tout en assurant qu’il « ne mentira pas au peuple qu’il veut non pas séduire par de fallacieuses promesses, mais éclairer et instruire »1. Son propriétaire, Alexandre Cathrine, remporte vite son pari. En absorbant l’un de ses concurrents, Le Courrier de Bretagne, le journal profite de la notoriété et des 28 années d’expérience de sa rédaction. Toutefois, pour ne pas s’exposer à d’éventuelles polémiques, il décide de conserver l’appellation de Nouvelliste du Morbihan  parce que ce dernier « n’a point été mêlé aux violentes polémiques qu’a soutenu en ces derniers temps le Courrier de Bretagne »2. Selon G. Van Meeuwen, le périodique véhicule en effet une image brouillée depuis qu’il a soutenu successivement les Bonapartistes, les Républicains puis, récemment, Georges Boulanger3.

Devenu un bihebdomadaire, Le Nouvelliste du Morbihan rencontre rapidement son lectorat. En 1898, Alexandre Cathrine investit dans une rotative Marinoni qui permet d’imprimer jusqu’à 12 000 exemplaires par heure. Six ans plus tard, en 1904, les employés du journal s’installent dans de nouveaux locaux, place Bisson à Lorient. Dix ans plus tard, le 2 août 1914, la publication devient enfin quotidienne. La guerre aurait pu briser cet élan sans l’abnégation d’Alexandre Cathrine. En 1917, alors qu’une réglementation contraint son journal à n’être publié que deux fois par semaine, il décide de lancer deux autres titres complémentaires. Ce subterfuge permet d’assurer une rotation qui offre l’illusion d’une publication quotidienne : les lundis et jeudis le journal sort sous le nom de L’Ouest Maritime, les mardis et vendredis sous le titre du Nouvelliste de Lorient, et les mercredis et samedis sous l’appellation originale du Nouvelliste du Morbihan4.

A la fin de la guerre, ce journal s’impose comme l’un des titres phares du département et devient rapidement le titre le plus lu après L’Ouest-Eclair5. Alexandre Cathrine fils succède à son père en novembre 1920, suite au décès brutal de ce dernier. Le jeune héritier poursuit la modernisation du quotidien. En 1925, l’acquisition d’une nouvelle rotative permet désormais de tirer à 36 000 numéros par heure. Le journal lorientais lance également un supplément hebdomadaire illustré dont le premier numéro sort le 26 février 1928. Chaque semaine les lecteurs y trouvent « les reproductions photographiques des principaux événements locaux et régionaux ». Mais le format peine à trouver son public et la formule disparaît le 28 avril 1929. Ce premier véritable échec ne remet pas en cause l’audience du journal. Elle parvient même à se maintenir face l’offensive de son concurrent, L’Ouest-Eclair, qui propose désormais une édition morbihannaise. Mais si Le Nouvelliste du Morbihan résiste bien jusqu’à la fin des années 1930, il doit néanmoins se résoudre à favoriser l’information de la région lorientaise, là où se limite réellement son lectorat6.

La une du dernier numéro du Nouvelliste du Morbihan. Archives départementales du Morbihan.

Sous l’Occupation, Le Nouvelliste du Morbihan décide de maintenir sa publication quotidienne. En 1943, suite aux bombardements sur la région lorientaise, la rédaction quitte la place Bisson et trouve refuge à Vannes. Le journal disparaît finalement à la Libération, en août 1944. Il est remplacé par Le Morbihan Libéré, qui prend rapidement le nom de La Liberté du Morbihan, quotidien dont la direction est confiée à l’un des héros de la Résistance morbihannaise : Paul Chenailler.

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 « A nos lecteurs », Le Nouvelliste du Morbihan, 25 mars 1883, p. 1.

2 « A nos lecteurs », Le Nouvelliste du Morbihan, 30 décembre 1883, p. 1.

3 VAN MEEWEN, Gil, L’aventure du Nouvelliste du Morbihan, Lorient, Université de Bretagne Sud, mémoire de maîtrise, sous la direction de Estienne, René, 2001, p. 26.

4 Arch. dép. du Morbihan, M 4786, le commissaire central de Vannes au préfet du Morbihan, 27 septembre 1917.

5 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le Centre d’information du Morbihan au Commissariat général, 25 septembre 1939.

6 En 1942, un rapport du commissariat de Vannes confirme qu’avec 1 500 lecteurs dans la région de Vannes, Le Nouvelliste du Morbihan est largement dominé par L’Ouest-Eclair qui séduit quotidiennement 15 000 lecteurs. Arch. dép. du Morbihan, 1526 W 213, nombre et qualité des lecteurs des différents journaux lus dans le secteur du commissariat spécial de Lorient, 23 novembre 1942.