Vers une internationale numérique ? Une mine de photographies en ligne
C’est une chose que l’on a bien souvent tendance à oublier dans les humanités digitales tant les historiographies sont encore très nationales. Heureusement, Europeana nous rappelle pourquoi le web est dit « world wide » en mettant en ligne plus de 2 300 000 photographies sur son site, incroyable gisement venant d’une cinquantaine d’institutions de 34 pays différents. Conjugué de la sorte, le numérique est définitivement un internationalisme, ce dont on ne peut que se féliciter.
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| Une interface moderne pour une recherche aisée. |
Il faut bien admettre qu’il y a encore une cinquantaine d’années, la science historique regardait avec circonspection l’image. Tout juste bonne à illustrer un volume, la photographie n’acquière droit de citer dans les corpus archivistiques que par l’attention que lui portent d’autres disciplines, à commencer par l’ethnologie. Aujourd’hui, tel n’est plus le cas et l’analyse iconographique est un genre à part entière, comme le rappellent par exemple les récents travaux de Joëlle Beurrier1. La compréhension de cette archive, sa logique interne et la méthodologie d’emploi qu’elle exige, a considérablement progressé2. Il est donc logique de la voir de plus en plus présente sur le web et, de ce point de vue, la collection Europeana photography récemment mise en ligne ne peut être accueillie qu’avec satisfaction.
Disons-le de suite, le fonds est immense et il ne peut pas être présenté dans l’espace qui ici nous est imparti. Nous nous limiterons à avancer qu’il y en a pour quasiment tous les goûts de celles et ceux qui s’intéressent à la période 1870-1940 : sports, paysages, conflits, arts, coutumes et traditions… Historien.nes mais aussi généalogistes trouveront assurément de quoi illustrer leurs travaux, voire même matière à forger de nouvelles réflexions. Les autres périodes sont, elles, moins fournies. Comme d’habitude chez Europeana, la navigation est fluide et la recherche se fait par mots clés, ce qui laisse entrevoir l’immensité du travail nécessité par l’indexation d’une telle collection.
La Bretagne est bien évidemment présente dans ces très riches collections et nombreuses sont les images particulièrement intéressantes que nous avons pu trouver. Touchantes sont par exemple celles qui montrent les recherches entreprises dans la Loire, pour retrouver en juin 1931 les victimes du naufrage du Saint-Philibert. Les collections des agences photographiques Rol et Meurisse sont ici largement mises à profit et se laissent passionnément découvrir au fur et à mesure des clics. Seul bémol, le mot-clef Rennes ne fonctionne pas idéalement, renvoyant à de nombreux items lettons.
A l’opposé du mille-feuille numérique que l’on tend parfois à rencontrer sur le web, cette collection Européana est une excellente nouvelle pour toutes celles et ceux qui pratiquent l’histoire et/ou la généalogie sur la toile. Il y a là un site de référence, un outil incontournable, que l’on n’hésitera pas à placer dans les favoris de son navigateur web. On attirera néanmoins l’attention des lecteur.rices sur le fait que tous les clichés présentés en ligne ne sont pas libres de droits et que certains, même, présentent des restrictions d’usage. D’ailleurs, à l’inverse de ce qui se pratique par exemple sur le site de la Bibliothèque du Congrès, les clichés ne sont disponibles qu’en résolution écran. L’internationale numérique a encore quelques progrès à faire pour que la révolution du libre accès soit complètement en marche mais gageons que Europeana photography constitue un jalon des plus intéressants.
Erwan LE GALL
1 BEURIER, Joëlle, Photographier la Grande Guerre. France-Allemagne. L’Héroïsme et la violence dans les magazines, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.
2 Sur cette question on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Dans la chambre claire d’Alexandre Mounicot. Réflexions barthiennes sur n fonds de photographies privées de la Grande Guerre », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°9, hiver 2017, en ligne. |
