Dans la Chambre claire d’Alexandre Mounicot. Réflexions barthiennes sur un fonds de photographies privées de la Grande Guerre.

 

Alors que l’image est désormais une source communément employée par la recherche historique, la tentation est de plus en plus grande d’opposer aux photographies « officielles » de la Grande Guerre les clichés produits par les poilus eux-mêmes. Mais cette archive a sa logique propre et il n’est pas dit qu’elle permette de venir au plus près de ce que fut l’expérience combattante. C’est en tout cas ce que suggère l’exceptionnelle collection de l’artilleur Alexandre Mounicot.

Par Erwan LE GALL

 

En janvier 1917, L’Ouest-Eclair commence la publication en feuilleton d’En suivant nos gars de l’Ouest, témoignage du docteur Veaux, médecin du 41e régiment d’infanterie de Rennes1. L’historiographie de la Première Guerre mondiale, depuis Jean Norton Cru jusqu’aux années 2000, place ce type de sources au cœur de vastes débats méthodologiques2. Pour certains, un témoignage tel que celui de Georges Veaux est inutilisable car publié pendant la guerre dans un journal soumis à la censure. L’Ouest-Eclair ne s’en cache d’ailleurs nullement et explique même à ses lecteurs avoir dû retarder d’un an cette publication à la demande du ministère de la Guerre3. Mais pour d’autres, les desseins du diariste combattant peuvent parfaitement rejoindre ceux d’Anastasie sans qu’aucune pression ne soit exercée, la presse étant, après tout, également le reflet de l’opinion.

Pièces de 75 en batterie. Photographie d'Alexandre Mounicot. Collection privée Etienne Grandchamps.

Il ne nous appartient pas d’entrer ici dans ce débat. Pour autant, il est frappant de voir que de telles réflexions épistémologiques, au demeurant essentielles, ne se focalisent que sur un type de témoignages combattants, à savoir leurs écrits. Pourtant, la photographie peut aussi constituer pour l’historien de la Grande Guerre, un terrain de réflexion extrêmement fertile4. En effet, au printemps 1915, Paris comprend le rôle et la force de l’image dans la guerre en cours. La France se dote ainsi d’une Section cinématographique de l’Armée et d’une Section photographique de l’Armée (SPA), deux institutions qui fusionnent, en 1917, en une seule et même Section photographique et cinématographique de l’Armée (SCPA), ancêtre de l’actuel Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD)5. Dès mai 1915, le Grand quartier général fixe très précisément les attributions de la toute nouvelle SPA. Celle-ci est chargée de prendre des clichés intéressants « au point de vue historique, au point de vue de la propagande par l’image dans les pays neutres, au point de vue des opérations militaires, pour la constitution des archives documentaires du ministère de la Guerre »6. On voit donc que l’action des opérateurs de la SPA s’intègre dans un véritable système d’information, oscillant « entre censure et propagande » pour mobiliser les opinions.7 Dès lors, considérés en tant que source, ces clichés ne peuvent que trancher singulièrement avec les photographies privées effectuées sur le front par les poilus, à l’aide notamment du fameux vest-pocket de Kodak, appareil pouvant tenir dans la poche de la capote. Tel est par exemple le cas du commandant Alexandre Mounicot, chef d’escadron du 7e régiment d’artillerie de campagne(RAC), une unité que nous connaissons bien puisque nous disposons par ailleurs des carnets de Charles Oberthür et des mémoires de Jean Leddet8. Né à Rennes en 18689, cet officier de carrière constitue entre août 1914 et juillet 1916, date de son décès dans la Meuse, un album de près de 400 clichés. Ce corpus exceptionnel, qui indiscutablement contribue à une meilleure connaissance de la 60e division d’infanterie (DI), et plus particulièrement du groupe du 7e RAC constituant l’artillerie divisionnaire, nous est connu par l’intermédiaire d’Etienne Grandchamps, à qui ces albums ont été confiés par la petite-fille d’Alexandre Mounicot10.

Pour autant, reproduire l’opposition entre sources officielles et non-officielles nous parait ici constituer un écueil épistémologique à éviter. En effet, là encore, rien ne dit que l’intention photographique des opérateurs ne rejoint par les desseins du Grand quartier  général (GQG) lorsqu’il crée la SPA. Pour ne citer qu’un exemple, lorsqu’Edmond Famechon fixe sur la pellicule le 25 septembre 1918 une Bretonne en coiffe et un marin américain en train de converser sur le port de Brest11, aucun élément nous interdit de penser qu’il n’est pas lui aussi frappé par cette scène incongrue qui parait être une magnifique illustration de l’amitié qui semble unir Washington et Paris. En d’autres termes, cette photographie est aussi un témoignage. Celui d’un opérateur de la SPCA certes, mais un témoignage tout de même.

Plus encore, c’est la nature de l’image qui rend une telle distinction entre clichés officiels et non-officiels non opérante. Dans La Chambre claire, Roland Barthes s’oppose ainsi à l’idée, pourtant communément admise au XIXe siècle et pendant la Grande Guerre, que des photographies prises sur le vif disent « vrai »12. Pour le philosophe français, la photographie est en effet une triple action : il s’agit de faire (c’est le rôle du photographe aussi appelé pendant la Grande Guerre opérateur), de subir (c’est le rôle du photographié qui pose devant l’objectif) et bien évidemment de regarder. Dès lors, aussi perfectionné que puisse être ce procédé (ce qui est encore plus le cas aujourd’hui à l’heure du numérique et des logiciels de retouche), une photographie ne peut pas prétendre à l’objectivité. Elle ne peut être considérée comme une retranscription totalement fidèle du réel. Par la simple présence du photographe, le sujet, s’il se sent photographié, change d’attitude, et donc de réalité pour devenir celui que l’opérateur veut qu’il soit. De plus, des notions plus techniques comme le cadrage ou la lumière transforment profondément l’objet ou le sujet immortalisé. Pour Roland Barthes, la photographie ne peut être tenue pour l’expression de la vérité puisque percevoir le sens d’une photographie n’est pas forcément chose aisée. C’est d’ailleurs ce qui explique que certaines images « ne nous disent rien ».

Panache de fumée, sans lieu ni date (détail). Photographie d'Alexandre Mounicot. Collection privée Etienne Grandchamps.

Mais dans le cadre d’un fond de photographies telles que celles prises par Alexandre Mounicot, la signification photographique, pour reprendre les termes de Roland Barthes, est d’autant plus difficile à retrouver qu’il s’agit d’analyser des clichés vieux d’un siècle, pris lors d’un conflit que l’on a longtemps cru perdu à la compréhension13. Aussi est-il nécessaire d’aborder quelques points de méthode avant d’examiner les forces et les faiblesses de ce fonds d’archives, et plus généralement de la photographie privée de guerre, comme source pour dire l’histoire.

 

Appréhender la photographie privée de guerre  

Longtemps délaissée par les historiens, la source iconographique ne se laisse pas, il est vrai, appréhender facilement. Tel est d’ailleurs encore plus le cas lorsque l’on se retrouve confronté à des photographies privées de guerre, sources offrant de multiples possibilités d’analyse mais méthodologiquement très contraignantes. Non seulement ces clichés nécessitent un référencement extrêmement rigoureux mais, de surcroît, la nature du champ de bataille sur lequel évolue l’opérateur amateur ainsi que le niveau socio-culturel de ce dernier ne sont pas sans influer sur leur signification.

Référencer les sources

Qu’il soit privé ou non, un cliché, en temps de guerre, comme en temps de paix du reste, doit être accompagné d’un minimum d’informations pour pouvoir être exploité. Comme le rappelle très justement L. Van Ypersele,

« une photo brute sans indication n’est guère utilisable par l’historien. Il faut la dater et identifier le lieu, les personnages, l’événement représenté. »14

Or, ce référencement est bien souvent absent des collections de photographies privées de la Grande Guerre, dimension qui les distingue assurément du travail des opérateurs de la SPCA15 et qui renvoie par ailleurs à l’une de leur fonction essentielle. Bien souvent, les portraits qui sont faits des poilus au front sont envoyés par les combattants à leur famille dans un but évident : rassurer, preuve par l’image à l’appui. La photographie privée est alors indissociable de son intention. Le miroir se fait en conséquence beaucoup plus déformant pour l’historien, pas loin de considérer ces photographies comme étant « trop belles pour être vraies », au sens où elles sont trop ostensiblement posées pour être conformes à la réalité16.

Alexandre Mounicot n’échappe à ce constat et nombre de ses photographies se trouvent être des portraits qui, en réalité, masquent mal l’intention de leur commanditaire. Les sujets sont parfois pris en train de fièrement monter leur monture, de tenir un fusil tout en arborant un air martial, de nonchalamment fumer la pipe… Certaines photographies sont des portraits réalisés par des compagnons d’armes et dévoilent l’officier du 7e RAC sous des poses avantageuses, faussement détendues. On le voit ainsi assis sur une chaise, les jambes croisées, vêtu d’un uniforme impeccable rehaussé de la Croix de guerre ou encore debout, décoration pendante sur une tenue immaculée. Comme une mise en abîme, Alexandre Mounicot immortalise une de ces mises en scène qui révèle tout l’ambiguïté de la photographie privée de guerre : authentique, cette image n’en est pas pour autant totalement vraie, ce sans compter que l’on ignore où et quand elle est prise ainsi que qui elle figure. D’autres clichés montrent encore des ensembles restreints de combattants, que l’on imagine pouvoir assimiler au groupe primaire17 mais qui, en définitive, se révèlent inutilisables faute de pouvoir identifier les individus. Enfin, certaines images sont plus difficiles à interpréter tant on ne sait si l’intention photographique première est de conserver la mémoire de compagnons d’armes ou de lieux particuliers, comme avec cette photographie prise devant une maison démolie que l’on imagine sans mal être le poste de commandement du groupe d’artillerie d’Alexandre.
En d’autres termes, pour pouvoir être complet, le référencement d’une photographie privée de guerre devrait indiquer la date et le lieu de la prise de vue, le sujet immortalisé ainsi que l’intention de l’auteur et, pour être complet, sa réception par les personnes ayant pu voir le cliché en question. Bien entendu, tout ceci est chimérique et souligne bien combien la photographie privée est une source délicate à employer pour l’historien.ne.

Les limites technologiques

Ces considérations sont d’autant plus importantes que les caractéristiques techniques des appareils utilisés par les poilus imposent à l’opérateur amateur des contraintes qui ne sont pas négligeables. Pour immortaliser sa guerre, Alexandre Mounicot utilise un Vest pocket de chez Kodak. Plusieurs modèles de cet appareil existent, dont une déclinaison autographic apparue en janvier 1915 qui permet à l’opérateur de griffonner sur la photo quelques petits mots au moyen d’un stylet métallique, au travers une trappe située au dos de l’appareil18. Mais, à en juger par le peu de clichés annotés à notre disposition, Alexandre Mounicot utilise la version standard.

Vestpocket autographic. Wikicommons.

Le Vest pocket est un appareil assez commun dans les tranchées, malgré l’interdiction formelle édictée par le commandement de prendre des photos par crainte – bien compréhensible d’ailleurs – d’espionnage19. Sa popularité est telle – de même que l’impuissance des autorités à lutter contre la photographie privée – que le catalogue Photo-Plait – un distributeur renommé de l’époque – le présente en 1916 comme « le Kodak du soldat », un appareil idéal pour illustrer ses « impressions personnelles de la grande guerre » :

« Le Vest pocket Kodak autographic vous donnera des souvenirs durables qui seront d’une valeur inestimable, non seulement pour vous-même, mais le seront pour vos enfants et les leurs, car aucun carnet de notes personnelles n’est plus intéressant ni plus convaincant. Vos petites vues du Vest pocket Kodak aideront l’histoire et deviendront littéralement historiques. Quand vos enfants et petits-enfants vous demanderont le rôle joué par vous dans la Grande Guerre, vous pourrez ouvrir votre album Kodak et leur conter l’histoire saisissante de chaque page. Chaque scène, depuis celle des premiers jours de la mobilisation jusqu’à la conclusion de la paix restera vive et frappante comme la réalité. » 20 

Très incisif, cet argumentaire commercial doit toutefois être pondéré par les caractéristiques techniques de l’appareil, qui ne permettent pas tout. Certes, il s’agit d’un appareil compact, léger et au final assez pratique pour l’époque puisque la visée en mode « sport » permet de se tenir debout, en maintenant l’appareil sur le ventre21. Pour autant, il n’en demeure pas moins que les temps de pose sont encore assez conséquents puisque l’obturateur n’offre des vitesses  comprises qu’entre 1/25e et 1/50e. Sans entrer dans des considérations trop techniques, rappelons que la vitesse d’obturation, qui s’exprime en fractions de secondes, est le temps pendant lequel le capteur de l’appareil est exposé à la lumière. Concrètement, ceci signifie que les caractéristiques techniques du Vest Pocket ne permettent quasiment pas à l’utilisateur de ce type d’appareil de saisir des scènes en mouvement, sous peine d’obtenir des clichés extrêmement flous.

On voit donc que les performances de l’appareil sont une restriction essentielle du discours commercial développé par Photo-Plait. Certes le Vest Pocket permet d’immortaliser des scènes de la Grande Guerre afin de pouvoir, plus tard, en témoigner mais à la condition absolue que celles-ci soient fixes ou, tout du moins, assez peu mouvantes. Ces considérations technologiques sont importantes en ce que ces facteurs qui, assurément, sont autant de limites à l’action photographique ne font, encore une fois, qu’en souligner une dimension essentielle. Toute image est par définition une construction en ce que l’intention photographique de l’auteur détermine une certaine mise en scène du réel22. Or prendre une photo en 1914-1918 n’est pas aussi aisé – et sans doute pourrions-nous écrire anodin – qu’aujourd’hui. Le temps de pose, les conditions de lumière mais aussi le coût unitaire du cliché ou le nombre de photographies possibles par  film – dimensions primordiales lorsque comparées à la révolution du numérique – sont autant de facteurs à absolument prendre en considération. Aussi, les photographies d’Alexandre Mounicot sont moins une représentation de son expérience de guerre que ce qu’il a bien voulu et pu en montrer.

Le prisme social

Cette dimension est d’autant plus fondamentale que la photographie, si elle s’est considérablement popularisée à la Belle époque, demeure pendant la Première Guerre mondiale une pratique relativement onéreuse. C’est d’ailleurs ce que montre A. Lafon à propos des photographies d’Henri Despeyrières, fantassin du 14e régiment d’infanterie de Toulouse issu d’une famille assez aisée23. Il est vrai que cette activité réclame un matériel important (pellicules, plaques de verre, cartes papier…) qu’il n’est de surcroît pas nécessairement évident de trouver en temps de guerre. Le Vest pocket d’Alexandre Mounicot coute aux environs de 65 francs de l’époque ce qui, compte tenu de l’érosion monétaire due à l’inflation revient aujourd’hui à environ 210 euros, une somme qui sans être inabordable demeure assez conséquente24. Sans doute est-ce pourquoi à l’automne 1915, Georges Tardy – un Drômois mobilisé d’abord dans l’infanterie puis versé dans le génie – se trouve au cœur d’une véritable économie parallèle puisqu’il indique vendre ses tirages 2 francs les 6, chose qui, selon lui, « fait plaisir à pas mal de gens »25.

Portrait de groupe. Photographie d'Alexandre Mounicot. Collection privée Etienne Grandchamps.

Rien n’indique qu’Alexandre Mounicot se soit livré à de telles transactions. Pour autant, force est d’admettre qu’il correspond en tous points au portrait social du combattant photographe. Officier de carrière diplômé de l’Ecole militaire de l’artillerie et du génie de Fontainebleau, fait chevalier de la Légion d’honneur en 1913, il parait représentatif de ces militaires parvenus à un certain niveau de fortune à la Belle-époque ainsi qu’à une certaine forme de notabilité26. Si cette catégorie de fonctionnaires intermédiaires nous est encore trop largement méconnue27, on peut néanmoins en déduire une certaine aisance si on se fie à l’exemple du 47e régiment d’infanterie (RI), unité tenant garnison à Saint-Malo, c’est-à-dire à quelques dizaines de kilomètres seulement du lieu de résidence d’Alexandre Mounicot. Si l’on se réfère aux adresses portées dans l’annuaire du département d’Ille-et-Vilaine en 1914, ce ne sont pas moins de quinze officiers du 47e RI qui habitent une des luxueuses villas qui se construisent alors le long du Sillon, sur le front de mer28. Alexandre lui-même ne semble pas faire exception à ce portrait global puisque ce même annuaire nous apprend qu’il réside au 126, route de Nantes, à Saint-Jacques de la Lande, à quelques kilomètres des casernes de Guines et du Colombier29.

Or nombreuses sont les photos d’Alexandre nous laissant entrapercevoir certaines de ses cagnas. Cabanes au toit de tôle que l’on imagine bien perméables aux vents et à la pluie, abri troglodyte émergeant vaguement de la terre, amas disparate de planches et de branchages, ces refuges nous paraissent aujourd’hui bien dérisoires face aux horreurs de la guerre et en comparaison des cossues demeures bourgeoises qu’occupent ces officiers avant-guerre. Mais qu’en est-il en ce qui concerne les soldats de deuxième classe terrés dans leurs gourbis de première ligne, paysans sous uniforme ayant quitté en août 1914 leur ferme à la pièce unique et au sol en terre battue ?

Cette aisance est assurément un prisme qu’il ne faut pas négliger, de même que le solide esprit de corps caractérisant le groupe social auquel appartient Alexandre, celui des officiers. Certes, à la Belle époque, pour reprendre le cas du 47e RI voisin, tous ne jouissent pas d’une semblable situation de fortune. Si certains sont les produits d’une pure hérédité sociale, étant fis d’avocat, de professeur ou encore d’officiers, d’autres témoignent en réalité d’une réelle ascension sociale en étant fils de laboureur ou de journalier30. Alexandre parait d’ailleurs être la parfaite synthèse de ces deux tendances. Son choix du métier des armes ne s’inscrit en effet que pour partie au sein d’une certaine tradition familiale puisqu’il est le petit-fils d’un laboureur et que son père est maréchal des logis au moment de sa naissance, ce qui suggère une carrière radicalement différente. En effet, là où le statut d’officier subalterne n’est pour Alexandre qu’un commencement, au sortir de l’école d’artillerie, il est pour son père l’aboutissement d’états de services sans accrocs31. Pour autant, il n’en demeure pas moins que quelle que soit son hétérogénéité sur le plan social, le groupe des officiers est mû par un esprit de corps qu’il convient de ne pas négliger en ce qu’il s’accompagne de tout un ensemble de représentations mentales, notamment en ce qui concerne la guerre, qui lui sont propres.

Aussi les photographies d’Alexandre révèlent avant tout le regard d’un homme aisé et, plus encore, d’un officier sur le conflit dont il est un des innombrables acteurs. Elles résultent donc d’un regard doublement dominant, celui de l’homme appartenant à une catégorie sociale privilégiée situé, de surcroît, en position de commandement au sein de l’institution militaire. Pour autant, malgré les réserves techniques et sociales qui s’imposent, il serait hasardeux d’en conclure que bien qu’incomplètement référencée, une photographie ne peut pas être utile à l’historien. Prise en Champagne en 1915, ce portrait de trois hommes revêtant la très rare – et incongrue – tenue de camouflage Corbin le rappelle aisément32.

 

La photographie : témoin de l’extraordinaire

Ce faisant, se dévoile avec ce cliché une autre fonction de la photographie privée de guerre, celle qui entend immortaliser ce qui relève de l’extraordinaire, pour pouvoir en attester et, plus tard, en témoigner. Cité plus haut, l’argumentaire commercial des magasins Photo Plait pour le Vest Pockect ne dit d’ailleurs pas autre chose. Au final, peu importe que l’on ne sache pas exactement quand et où est prise cette photo – le référencement demeure en effet assez vague – ni qui elle figure. Ce qui compte c’est qu’elle nous montre cette tenue de camouflage et, par la même occasion, qu’elle nous dise combien elle est rare.

Une source essentielle

L’un des points qui frappe quiconque a la chance de contempler les photos d’Alexandre Mounicot est incontestablement le nombre de clichés qui figurent des avions, abattus ou non, et des ballons captifs. Cette fascination pour l’aérostation et l’aviation qui est alors, rappelons-le, une activité relativement nouvelle, fait sans doute écho à sa pratique photographique, discipline elle aussi assez récente. En effet, celle-ci s’intègre dans ce que nous dénommerions aujourd’hui les « nouvelles technologies » et parait traduire un certain attrait pour le progrès. En immortalisant d’ailleurs un groupe de camarades munis de jumelles et scrutant le ciel, Alexandre Mounicot nous rappelle que son attrait pour l’aéronautique n’est à l’époque nullement exceptionnel. Si elles résultent d’une fascination ordinaire pour l’époque, ces photographies disent non seulement l’attrait de cette génération pour ces engins, et par conséquent leur admiration pour les As, mais aussi combien cette vision est inédite, pour ne pas dire incongrue. C’est bien cet extraordinaire qui, ici, justifie l’intention photographique.

Photographie d'Alexandre Mounicot. Collection privée Etienne Grandchamps.

En cela, la photographie privée est une source essentielle pour l’historien.ne de la Grande Guerre en ce qu’elle permet d’accéder à des réalités parfois peu présentes dans les archives. Alexandre Mounicot n’échappe pas à ce constat et les clichés qu’il prend de « sa » guerre sont un matériau indispensable pour quiconque s’intéresse à l’artillerie. Nombreuses sont en effet les photographies qui figurent ses pièces et constituent, de ce fait un témoignage précieux. Il est possible d’y identifier de nombreux types différents de canons : 75, 80 de montagne, 155 longs et courts… Certains affuts sont même posés sur une plate-forme circulaire mobile  dans le cadre de la défense contre avions. Quelques clichés de la collection d’Alexandre Mounicot figurent des mortiers Cellerier, artillerie de tranchée réalisée de bric et de broc et à l’efficacité assez aléatoire33, ou des Minenwerfers allemands. Dans la mesure où ce type d’engins n’est pas utilisé au sein de la batterie d’Alexandre, leur portée n’étant pas suffisamment importante, tout porte à croire que ces clichés résultent d’échanges et renvoient à une caractéristique essentielle de la photographie privée – que nous aborderons ci-dessous – à savoir sa dimension ludique, dérivative. Mais, en définitive, il n’en demeure pas moins que ces clichés privés, qu’ils soient ou non réalisés par Alexandre, offrent un panorama assez vaste de l’artillerie pendant la première partie de la Grande Guerre, qu’elle soit de campagne ou de tranchée.

Certaines photographies de la collection Mounicot permettent également de voir les pièces en action, notamment pendant l’attaque du 25 septembre 1915 . Le journal des marches de l’artillerie de la 60e DI laisse entrevoir une intense activité lors de cette attaque. La préparation débute le 22 septembre et mêle des tirs de brèche par des pièces de 75 et de 90 en complément de tirs de destruction effectués par l’artillerie lourde35. Les photographies d’Alexandre Mounicot se révèlent dès lors très utiles en ce qu’elles permettent de voir notamment l’action des servants et pourvoyeurs qui s’affairent autour du canon. Ce faisant, on réalise combien le fonctionnement d’une pièce d’artillerie nécessite une bonne cohésion de la troupe qui y est attachée, ce d’autant plus que les conditions de « travail » des canonniers sont dantesques. Une splendide photographie en témoigne parfaitement : prise juste au moment de la détonation d’une grosse pièce, qui semble être du 210, elle montre dans un subtil effet de contre-jour les volutes de fumée dégagées par le canon. Même le bruit, assourdissant et probablement effrayant, parait perceptible puisque l’on distingue très précisément, au premier rang du cliché, un de ces servants se boucher les oreilles, preuve d’un niveau sonore réellement élevé36.

Mais, aussi riches et intéressantes que puissent être ces photographies, elles ne sont pas sans interroger celui qui les admire. En effet, toutes paraissent autant de témoignages de l’extraordinaire campagne de leur auteur. Plusieurs photographies qui, d’après les uniformes des servants de batterie, paraissent dater de la période été 1914 – été 1915 montrent des pièces de 75 parfaitement camouflées alors que les règlements de l’époque ne l’exigent pas encore37. De même, on sait que lors de l’attaque du 25 septembre, le groupe commandé par Alexandre Mounicot reçoit l’ordre de « battre le terrain entre le petit chemin de fer, le boyau de Thuringe et le boyau de Taunus mais de ne pas tirer sur le chemin de fer »38. Pour autant, aucune photographie ne nous permet de savoir si, effectivement, ces batteries touchent ou non au but dans les limites imparties par les instructions. De plus, ces clichés ne peuvent offrir qu’un regard partiel, et donc nécessairement trompeur sur le champ de bataille. Les photographies de l’attaque du 25 septembre 1915 en sont un bon exemple puisqu’en ne montrant que l’action des pièces d’artillerie, elles en oublient de facto une composante essentielle, à savoir sa liaison avec l’infanterie. Or le rédacteur du journal des marches et opérations de l’artillerie de la 60e DI rappelle bien que l’infanterie devant sortir des lignes à 9 heures 15, les batteries cessent le tir en l’absence de « fusée demandant l’intervention de l’artillerie »39.

Photographie d'Alexandre Mounicot. Collection privée Etienne Grandchamps.

En revanche, d’autres clichés, moins techniques, plus anecdotiques, nous permettent d’en savoir plus sur la campagne d’Alexandre Mounicot en ce qu’ils sont les témoins de l’extraordinaire. La photographie figurant trois poilus pendant l’hiver 1914-1915 vêtus d’un manteau de fourrure assez incongru semble bien témoigner du froid que ressentent les combattants. Le portrait de groupe où les hommes portent des masques à gaz prouve que de tels équipements ne sont pas ordinaires et rappelle bien combien cette arme est un seuil supplémentaire franchi dans la mort de masse, industrielle.

Une pratique du temps de guerre ?

Toutefois, si une constante dans la pratique photographique d’Alexandre doit être stipulée, c’est moins son attrait pour le portrait que son aptitude à photographier des canons puisque, dès la Belle époque, il immortalise des pièces de 75. La photographie privée intéresse en effet l’historien de la Première Guerre mondiale en ce qu’elle résulte d’une démarche singulière de l’individu qui les prend, désireux de fixer sur le papier des évènements qu’il pressent comme extraordinaires. Autrement dit, cette guerre est tellement « grande », qu’elle justifie la prise de plume de l’écrivant combattant et le déclenchement de l’objectif par l’opérateur amateur. Les clichés réalisés par Alexandre Mounicot sont en cela très intéressants en ce qu’ils suggèrent que le conflit ne modifie en rien les intentions photographiques de l’auteur. En effet, les quelques images prises par Mounicot avant l’été 1914 que nous connaissons nous paraissent relever d’une stratégie en tous points analogue.

On se rappelle que l’officier d’artillerie est sensible – et en cela il ne semble pas se distinguer grandement de ses contemporains – aux progrès aéronautiques. Or l’un de ses clichés, probablement pris lors d’une manœuvre au camp de Coëtquidan, montre très clairement l’ascension d’un ballon captif, évènement probablement jugé suffisamment hors du commun pour qu’il soit considéré comme digne d’être immortalisé. Cette image est à assurément rapprocher de la série qu’il effectue pendant le conflit sur ce que les poilus dénomment des saucisses, l’intention photographique étant ici clairement la même. Mieux encore, Alexandre Mounicot parvient à se procurer, vraisemblablement par une de ses connaissances, quelques photographies aériennes. Peu importe à ce propos que ce ne soit pas l’officier de l’artillerie de la 60e DI qui appuie sur le déclencheur de son Vest pocket pour prendre ces clichés, ce qui est riche de sens est que ces images soient insérées par Mounicot dans sa collection personnelle40.

Au final, assez rares sont les scènes classiques de la vie militaire de la Belle-Epoque. Si un cliché montre des chevaux s’abreuver dans une rivière lors de ce qui pourrait s’apparenter à une manœuvre, c’est sous un château et ce dans une évidente intention esthétique. Exceptionnelle est à cet égard la photographie montrant, dans ce qui doit être la cour de la caserne du Colombier à Rennes, le matériel de sellerie rangé par des conscrits en tenue de jour. Une scène qui rappelle combien l’armée française de 1914 est hippomobile. Plus délicates à analyser sont la photographie montrant des officiers prenant des notes sur un calepin et celle figurant un exercice de brancardier. De même celle, absolument sublime, montrant des militaires en pleine discussion au bord d’une allée arborée, sous le regard de civils qui paraissent assister à un spectacle. Toutes, relativement anodines dans ce qu’elles immortalisent, sont visiblement prises pendant des périodes de manœuvres qui, justement, correspondent – avec le 14 juillet – à l’un des grands temps forts de la vie militaire de la Belle époque et ne peuvent, à cet égard, être considérées comme des témoignages sur la vie de caserne ordinaire, quotidienne.

Ainsi, les corvées ne sont quasiment pas jugées dignes d’être photographiées si ce n’est, une fois, le déblayage de la cour de la caserne du Colombier à Rennes, par temps de neige. Les conditions météorologiques exceptionnelles fournissent d’ailleurs le matériau d’un bon nombre de clichés réalisés par Alexandre à la Belle époque, trahissant ainsi son intention d’immortaliser des scènes insolites. Il en est ainsi de quelques images prises lors d’inondations, photographies qui datent peut-être de la grande crue de 1910. Comme pendant la Première Guerre mondiale, les photographies d’Alexandre Mounicot comportent un certain nombre de portraits qui, tous ou presque, présentent les individus qu’ils figurent sous un jour assez valorisant. On pose ainsi à cheval, bien droit sur sa monture  ou en groupe, en uniforme rutilant et en arborant une certaine nonchalance qui parait très étudiée. Seule différence frappante avec les photos de guerre, personne n’arbore de décorations si ce n’est, une fois, la Légion d’honneur.

La photographie, un dérivatif41

Mais ce qui frappe en regardant les photographies qu’Alexandre Mounicot prend à la Belle époque c’est de constater combien nombreux sont les clichés présentant les à-côtés de la vie militaire. Fréquents sont les clichés d’Alexandre Mounicot à nous montrer les moments de détente entre officiers. Ce sont des militaires qui pêchent d’une barque sur un étang, des images de baignade au bord de la mer ainsi que de nombreuses scènes de repas. Toutes nous renvoient à une fonction essentielle de la pratique photographique qui, lorsqu’elle est privée, et là est une différence essentielle avec les opérateurs professionnels, est avant tout une activité de loisir. Autrement dit, si les images que prend Alexandre Mounicot à la Belle époque nous montrent d’abord les à-côtés de son métier d’officier, c’est avant tout parce qu’il sort son appareil pendant ses moments de loisir.

Photographie d'Alexandre Mounicot. Collection privée Etienne Grandchamps.

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale ne change pas grand-chose à cet aspect de la pratique photographique et il est à cet égard frappant de voir combien les clichés d’Alexandre nous montrent ses temps morts, ses instants de détente. On dispose ainsi grâce à cette collection de photographies des voitures de ravitaillement en viande fraîche et du camion bazar de la IVe armée, images qui peuvent paraître anodines mais qui sont une source très intéressante pour l’historien. Il est d’ailleurs frappant de constater que rares sont les clichés d’Alexandre pris à l’été 1914, le rythme échevelé des premières semaines du conflit ne laissant en effet pas aux photographes amateurs le loisir d’immortaliser leur expérience de guerre. L’entrée en guerre, fantastique moment d’accélération du temps42, se révèle encore une fois une période moins visible dans les collections photographiques. Il est vrai que cette pratique exige des temps de pose qui sont incompatibles avec les exigences du champ de bataille d’alors. Aussi est-ce pourquoi la guerre que photographie Alexandre Mounicot est avant tout celle de positions, celle qui résulte de l’enlisement mutuel des belligérants dans les tranchées.
Nombreux sont les clichés pris par Alexandre Mounicot qui nous dévoilent des scènes anodines, presque en dehors de la guerre : des hommes jouent aux cartes, un poilu est rasé par un barbier, un autre prépare le frichti sur un réchaud de fortune … Il s’agit là de moments bucoliques, qui pourraient presque faire penser aux bienfaits de la vie en plein air. Emblématique est à cet égard une série d’instantanés pris le 14 juillet 1915 pris lors des « jeux inter-canonniers ». On découvre des hommes souriants, parfois même hilares, jouant à la course en sac ou aux brouettes. On les sent détendus, en pleine force de l’âge, heureux d’être ensemble, survivants. En réalité, ces photographies d’Alexandre Mounicot paraissent fonctionner à la manière d’un négatif et nous montrer tout ce que la guerre n’est pas : un moment de plaisir, une partie de rigolade… Ce sont parce qu’ils sont hors du commun des combattants, extraordinaires au sens premier du terme, que ces moments justifient la prise de vue photographique.

Pour autant, aussi extraordinaires qu’ils soient, ces clichés ne parviennent pas à se départir du double prisme social lié à la condition d’Alexandre. Il est en effet un artilleur et sans doute est-ce que certaines scènes feraient sourire des fantassins en première ligne puisque, la chose est bien connue, on est toujours à la guerre l’embusqué de quelqu’un d’autre. Il est d’ailleurs assez intéressant de remarquer que certains clichés montrent ces tranchées de première ligne, comme si l’artilleur avait voulu lui aussi, à son tour, les connaître et en conserver le souvenir. En réalité, ces clichés proviennent d’échanges qu’Alexandre effectue avec d’autres opérateurs amateurs, confirmant tout à la fois la pratique photographique dans sa dimension documentaire et dérivative.

Enfin, Alexandre Mounicot est un officier de carrière, dimension qui le renvoie à un certain rang social qui, assurément, transparait dans ses photographies. On retrouve ce prisme social en observant les bouteilles qui sont bues lors des repas immortalisés par l’officier du 7e RAC: ce n’est pas du pinard de trouffion mais bien du vin fin. Sur certains clichés, on semble même distinguer des bouteilles de Champagne. Or, à en croire Louis Maufrais, médecin aide-major de 2e classe affecté alors au 40e RAC, si l’alcool est une constante de la Première Guerre mondiale, sa consommation relève pour les poilus de pratiques socialement distinctes :

« Le lendemain, nous revenons chez le lieutenant de ravitaillement avec un fourgon, et il nous dit de faire notre choix. Nous prenons des cortons à deux francs cinquante la bouteille, des pommards, de magnifiques eaux-de-vie à cent sous le litre, du château-yquem à trois francs et tout à l’avenant. Il termine en expliquant que, malheureusement, ce genre de marchandise ne convient pas aux troupes, qui aiment la quantité.
- Et des vins pareils, ça les soûle trop vite commente-t-il. »43

 

Le problème de la violence

Extraordinaires, les photographies prises par Alexandre Mounicot pendant la Première Guerre mondiale le sont assurément. Pourtant, elles ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes lorsque vient le moment de rendre compte de la mort sur le champ de bataille, domaine où, assurément, ce conflit sort de l’ordinaire. L’historiographie s’attache en effet à voir, depuis un certain nombre d’années, la Grande Guerre comme un moment de basculement dans l’évolution de la pratique guerrière, et particulièrement de la mort de masse44. Certains auteurs, tels G. L. Mosse, vont même jusqu’à évoquer une brutalisation des sociétés européenne qui prendrait sa source dans les tranchées de 14-1845. Pourtant, aussi précieuses soient-elles, les photographies d’Alexandre Mounicot peinent à rendre compte de cette évolution.

Témoigner de la mort reçue

Cette dimension est d’autant plus paradoxale que l’officier de l’artillerie de la 60e DI n’élude pas la violence de son propos photographique. Nombreuses sont ainsi les images de cadavres, plus ou moins identifiables, plus moins en train de se décomposer dans la glaise. Alexandre Mounicot prend également de nombreux clichés d’abris, complètement mutilés par les obus, vastes enchevêtrements de tôles, d’arbres abattus et, imagine-t-on sans peine, de chair humaine. Ici, les portraits se font plus justes, moins posés. L’intention photographique parait plus d’ordre documentaire, moins centré sur un message destiné à rassurer la famille. Ce sont alors les immenses fatigues des hommes qui peuvent se deviner, à l’instar de ce magnifique portrait d’un fantassin assis sur un banc, sac affreusement lourd et volumineux au dos, le regard perdu, la cigarette à la bouche, les souliers boueux. C’est aussi le dégout profond que trahissent le visage des hommes chargés d’assainir le champ de bataille, véritable fossoyeurs de cette Grande Guerre. Les sujets ne posent pas et sont, pour tout dire, moins beaux46. Certains grimacent, d’autres portent des uniformes que l’on devine très sales, les traits sont tirés et l’on sent sans trop de peine la lassitude  des combattants.

Photographie d'Alexandre Mounicot. Collection privée Etienne Grandchamps.

Dans le même ordre d’idée, une attention toute particulière doit être accordée aux photographies de chevaux blessés et morts. La société française qui part en guerre en 1914 entretient en effet des liens avec les équidés qui sont sans commune mesure avec ce qui peut prévaloir de nos jours. L’artillerie est de surcroit une arme qui accorde une grande place au cheval. Pour s’en convaincre, il convient de se référer aux manuels d’instruction qui comportent tous une partie dévolue à « la plus belle conquête de l’homme »47. A ce propos, il n’est sans doute pas anodin que Jean Leddet, lui aussi officier au 7e RAC, confesse dans ses carnets choisir l’artillerie parce que, féru d’équitation, c’est l’arme où il y a le plus de chevaux48. Dès lors, les photographies de blessures de chevaux prises par Alexandre Mounicot doivent sans doute être comprises dans le sillage des portraits à cheval qu’il prend à la Belle époque. En ce sens, ils témoignent probablement du caractère extraordinaire d’une guerre qui s’en prend même aux chevaux.

Essentiels, ces clichés paraissent être un miroir plus vrai de la Grande Guerre car moins déformé par une intention photographique rassurante. Bien au contraire, un certain nombre de photographies prises par Alexandre Mounicot figurent des obus – de préférence de gros calibre – non explosés. De telles images sont bien évidemment très signifiantes en ce qu’elles suggèrent la peur rétrospective des combattants qui, pris sous un tel projectile, aurait pu y laisser leur vie s’il avait fonctionné correctement. Si de tels clichés ont sans doute aux yeux de leurs auteurs pour fonction d’exorciser le danger, il n’en demeure pas moins que dans les mains de l’historien, ils peinent à traduire la réalité de la violence de guerre et, tout particulièrement, la brutalité des bombardements d’artillerie.

En effet, on est même semble-t-il en droit de se demander si la photographie la plus forte du corpus, du point de vue de ce qu’elle montre de la violence de guerre, n’est pas celle qui nous présente le cercueil d’Alexandre Mounicot porté par ses camarades, lors de ses obsèques, en juillet 1916. Pour autant, en ce qui concerne les autres clichés, et ce indépendamment de leur incontestable valeur documentaire, que peuvent-ils nous dire de l’odeur du champ de bataille, saturé de feuillées et de corps en décomposition, du bruit assourdissant des bouches à feu, du sifflement strident des obus qui tombent, de la terre tremblant sous les projectiles et, last but not least, de la peur insaisissable pour qui n’a jamais vécu telle situation ?

Témoigner de la mort donnée

Mais la violence du champ de bataille de la Première Guerre mondiale n’est pas faite que de mort reçue. Contrairement à un discours commémoratif qui tend à uniquement considérer les poilus sous un angle victimaire, force est d’admettre que ceux-ci tuent également, comme en attestent d’ailleurs parfaitement l’ampleur des pertes allemandes. Or les photographies d’Alexandre Mounicot rendent très mal compte de cet aspect de son expérience de guerre. Et d’ailleurs comment les pourraient-elles ? Le cas de Charles Oberthür, officier du 7e RAC qui lui aussi dispose d’un appareil photographique ne peut à cet égard qu’interpeller. En effet, lorsqu’il veut témoigner de la destruction d’un Zeppelin par la DCA française en 1916, dans le secteur de Revigny (Jura), c’est avec ses pinceaux qu’il le fait, au travers une série d’aquarelles49.

Plus moderne que la peinture, la photographie n’en est pas nécessairement plus évocatrice. Les caractéristiques techniques du Vest pocket qu’utilise Alexandre Mounicot ne lui permettent pas de photographier les effets dévastateurs des obus de 75 que ses pièces peuvent projeter jusqu’à une dizaine de kilomètres. Non seulement il ne dispose pas d’objectif suffisamment puissant pour photographier à une telle distance mais, là encore, l’image fixe est sans doute moins évocatrice que le film qui peut montrer les ravages des obus en train de se produire. Les quelques clichés où Alexandre Mounicot tente d’immortaliser la mort qu’il inflige se réduisent à des plans lointains où l’on distingue un panache de fumée, image en vérité à la fois peu évocatrice du point de vue de la mort infligée et en même temps terriblement riche de sens. La violence perpétuée par Alexandre est en effet assez impersonnelle, éloignée des premières lignes et, pour tout dire, quelque peu virtuelle. Le journal des marches et opérations du 4e corps d’armée montre bien, grâce à de minutieux relevés effectués lors de reconnaissance aériennes, que les pièces d’artillerie allemandes se trouvent, lors de cette attaque du 25 septembre 1915, à plusieurs kilomètres du no man’s land et il en est d’ailleurs de même pour les pièces d’Alexandre Mounicot50. Son expérience de guerre est en cela bien différente de celle d’un Louis Barthas, habitué aux heures de veille passées au petit poste51. Sa guerre se résume elle, du point de vue de la mort infligée, à des monceaux de douilles vides, résultats de bombardement méticuleux opérés par ses pièces mais sans effet qui puisse être immortalisé par l’objectif du Vest pocket.

Photographie d'Alexandre Mounicot. Collection privée Etienne Grandchamps.

La représentation de la mort qui émane des photographies prises par Alexandre Mounicot pendant sa Première Guerre mondiale ne doit donc pas induire en erreur. Si ces clichés participent assurément d’un mouvement de déréalisation de la guerre, en éludant tout un pan de la violence infligée, elles reflètent néanmoins bien l’expérience vécue qui se caractérise par une mort donnée de manière très impersonnelle.

Une représentation personnelle de la violence ?

Pour autant, et c’est sans doute un point qui contribue grandement à estomper la dichotomie entre photographie privée et publique de guerre, il y a lieu de se demander si Alexandre Mounicot n’est pas influencé, de manière plus ou moins inconsciente, dans sa manière de représenter la guerre. En d’autres termes et pour reprendre les termes de L. Capdevila, il y a lieu de se demander si ces clichés ne sont pas co-produits par l’espace social ce qui renverrait, d’une certaine manière, une certaine « extimité »52. Il est en effet frappant de constater combien certaines compositions de cette collection semblent peu originales, tant elles paraissent renvoyer à maints clichés publiés dans la presse.

Quiconque s’intéresse à la captivité de guerre sait combien la capture est un moment crucial, d’une rare violence symbolique. De plus, l’historiographie a bien établi comment les prisonniers deviennent pendant le premier conflit mondial un enjeu politique dans lequel les médias jouent une partition très contrôlée : chacun proclame sa propre vertu et, bien entendu, vilipende les mauvais traitements infligés par l’ennemi53. On ne compte plus les photographies dans les illustrés français montrant, au milieu de gardes favorablement disposés à leur égard, des prisonniers de guerre allemands bien portants, presque souriants et contents que leur guerre s’achève ainsi. Or un certain nombre de photographies prises par Alexandre Mounicot reproduisent le même schéma. Particulièrement symptomatique est à cet égard le cliché figurant des prisonniers allemands mangeant, entourés de soldats français. La scène se déroule dans une forêt, probablement dans la zone des étapes, et ne parait pas avoir été posée mais prise sur le vif. Si ce n’était le contexte militaire, on pourrait presque penser à une sorte de pique-nique. Mais comment ne pas rapprocher une telle photographie d’une certaine culture de guerre propre à l’époque, culture qui fait de l’allemand un combattant affamé, trop heureux d’être capturé par les troupes françaises pour pouvoir, enfin, manger à sa faim ?

Encore une fois, il est sans doute présomptueux d’affirmer en l’état actuel de nos sources que les photographies d’Alexandre Mounicot sont inspirées par celles qu’il peut voir dans les illustrés. Néanmoins, on ne peut que relever la communion des intentions photographiques qui président à la réalisation de nombreux clichés, élément qui nous semble de nature à considérablement atténuer la frontière entre photographie privée et publique de guerre. Or, si l’on s’attache à une culture de guerre qui se définirait comme un « corpus de représentations du conflit cristallisé en un véritable système donnant à la guerre sa signification profonde »54, alors une telle similarité des intentions photographiques, qu’elles soient privées ou publique, prend tout son sens. Aussi est-ce sans doute pourquoi certains clichés d’Alexandre Mounicot paraissent conformes aux canons de la culture de guerre, y compris dans ce qu’ils ont de plus caricaturaux. Edifiante est à ce propos la représentation de la mort qui émane de ce corpus, regard qui parait régi par une profonde dichotomie nationale : là où les victimes françaises sont figurées inhumées, les allemandes gisent à même la terre, en état de putréfaction. Les uns peuvent parfois être identifiés grâce aux inscriptions portées sur la croix, les autres se décomposent anonymement. Doit-on pour autant considérer que ces clichés témoignent d’un processus de déshumanisation de l’ennemi à l’œuvre chez Alexandre Mounicot ? Vaste question à laquelle il est bien difficile de répondre sans se référer à sa correspondance ou aux éventuels carnets qu’il aurait pu tenir pendant le conflit.

Photographie d'Alexandre Mounicot. Collection privée Etienne Grandchamps.

Pour autant, une telle interrogation définit bien le statut de la photographie privée de guerre pendant le premier conflit mondial. A la fois témoignage extraordinaire des à-côtés de l’hécatombe, elle n’est néanmoins pas sans poser un certain nombre de problèmes méthodologiques qui rendent son emploi difficile, notamment lorsqu’il s’agit de la violence. La pensée de Roland Barthes se révèle à cet égard une précieuse alliée et l’historien.ne ne saurait analyser un corpus de photographies tel que celui produit par Alexandre Mounicot sans séjourner auparavant, au moins quelques instants, dans sa Chambre claire.

Mais il est tout aussi impératif de savoir s’extraire de cet espace clos s’apparentant, par bien des égards, à la voie sans issue d’un photographic turn. En effet, c’est bien dans une impasse que se situerait l’historien.ne qui chercherait à trop scrupuleusement respecter les préceptes du philosophe. N’en déplaise à Roland Barthes, aucun fonds d’archives ne rend compte de l’intention photographique de l’opérateur, fut-il amateur, et encore moins de la manière dont ces clichés sont reçus par celles et ceux qui les regardent. Or si l’on souhaite que l’image demeure une source exploitable et que l’histoire puisse continuer à être écrite, il n’est d’autre choix que de passer outre et de faire sans ces informations. Autrement dit, il faut sortir de la Chambre claire tout en la gardant en vue…

Erwan LE GALL

Doctorant, Arènes UMR 6051

 

 

 

1 Cet article est tiré de notre communication « L’album photo d’un artilleur rennais : le capitaine Alexandre Mounicot » lors de la journée d’études Sur le Vif ? Guerres et images amateurs de 1914 à nos jours organisée à Rennes le 12 novembre 2013. Nos plus sincères remerciements vont à Didier Guyvarc’h, Yann Lagadec, Bernard Corbé, Anaïs Soulard et Maïwenn Bourdic qui ont tous contribué à la présente étude. Une mention toute particulière doit être adressée à l’ami Etienne Grandchamps : sans toi, la communauté historienne n’aurait jamais eu connaissance de ces photographies d’Alexandre Mounicot, et j’ai la faiblesse de croire que cela aurait été très dommage. Alors à toutes et tous, merci.

2 NORTON CRU, Jean, Témoins : Essai d’analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français de 1915 à 1928, Paris, Les Etincelles, 1929 et ROUSSEAU, Frédéric, Le procès des témoins de la Grande Guerre : l’Affaire Norton Cru, Paris, Seuil, 2003. Parmi de très nombreuses références et sans prétendre aucunement à l’exhaustivité on mentionnera : GRANDHOMME, Jean-Noël, « Les Carnets et souvenirs de combattants de la Grande Guerre. Autour de trois publications récentes », in HENRYOT, Fabienne (dir.), L’historien face au manuscrit. Du parchemin à la bibliothèque numérique, Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 2011, p. 305-329 ; HEIMBERG, Charles, ROUSSEAU, Frédéric et THANASSEKOS, Yannis (dir.), Témoins et témoignages. Figures et objets dans l’histoire du XXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2016 ; LACOSTE, Charlotte et VEDRINES, Bruno, « Du témoignage. Autour de Jean Norton Cru », En Jeu. Histoire et mémoires vivantes, n°6, décembre 1915, p. 7-94. Pour élargir chronologiquement la question et profiter d’une réflexion particulièrement stimulante on renverra également à CARRARD, Philippe, Nous avons combattu pour Hitler, Paris, Armand Colin, 2011 ainsi qu’au classique WIEVIORKA, Annette, L’Ere du témoin, Paris, Hachette, 1998.

3 « En suivant nos régiments de l’Ouest », L’Ouest-Eclair, n°6275, 5 janvier 197, p. 1.

4 Pour un exemple récent se rapporter à BEURIER, Joëlle, Photographier la Grande Guerre. France-Allemagne. L’Héroïsme et la violence dans les magazines, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.

5 ROBIC-DIAZ, Delphine, Du SPCA à l’ECPAD, un siècle de productions audiovisuelles militaires, Paris, Bibliothèque d’information du film, 2008 ; GUILLOT, Hélène, « La section photographique de l’armée et la Grande Guerre. De la création en 1915 à la non-dissolution », Revue historique des armées, n°258, 2010, p. 110-117 et  « Le métier de photographe militaire pendant la Grande Guerre », Revue historique des armées, n°265, 2011,  p. 87-102.

6 « Rapport sur la création, le fonctionnement, et les résultats de la section photographique de l’armée », 10 octobre 1917, Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, ministère de la Culture, p. 21. Cité in GUILLOT, Hélène, « La section photographique de l’armée et la Grande Guerre… », art. cit.

7 FORCADE, Olivier, « Information, censure et propagande », in AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane et BECKER, Jean-Jacques (Dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918, Paris, Bayard, 2004, p. 451-466.  Du même auteur et pour une mise en perspective on se rapportera à La Censure en France pendant la Grande Guerre, Paris, Fayard, 2016. Sur le sujet, on pourra également consulter MAURIN, Jean-Louis, Combattre et informer. L’Armée française et les médias pendant la Première Guerre mondiale, Talmont Saint-Hilaire, Editions CODEX, 2009.

8 OBERTHÜR, Charles (édition présentée et préparée par CORBE, Bernard et LAGADEC, Yann), Lettres de guerre (1914-1918), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016 et LEDDET, Jean (Capitaine), commenté par SCHIAVON, Max, Lignes de tir, un artilleur sans complaisance, carnet de guerre 1914-1918, Parçay-sur-Vienne, Anovi, 2012.

9 Arch. Nat. : LH/1952/47, acte de naissance.

10 Une sélection peut être consultée sur le forum pages 14-18 : http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Pages-d-Histoire-Artillerie/Artillerie/capitaine-mounicot-batterie-sujet_1351_1.htm Les illustrations accompagnant cet article proviennent du forum, avec l’accord d’Etienne Grandchamps.

11 GOLOUBINOFF, Véronique et SBRAVA, David, « Images de la Bretagne et des soldats bretons dans la Grande Guerre. Le travail de la Section photographique et cinématographique de l’Armée (1915-1919) », in BOURLET, Michaël, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan (dir.), Petites patries dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 109.

12 BARTHES, Roland, La Chambre claire, notes sur la photographie, Paris, Gallimard, 1980.

13 AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane et BECKER, Annette, 14/18, retrouver la guerre, Paris, Folio, 2003 et PROST, Antoine, « La guerre de 1914 n’est pas perdue », Le Mouvement social, n°199, avril-juin 2002, p. 95-119.

14 VAN YPERSELE, Laurence, « La photographie comme source pour l’historien », Recherches en communication, n°27, 2007, p. 136. 

15 Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les fiches de présentation extrêmement détaillées des collections de l’ECPAD.

16 LINSOLAS, Jean-Marie, « La photographie et la guerre : un miroir du vrai ? », in RASMUSSEN, Anne et PROCHASSON, Christophe, Vrai et faux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2004, p. 96-111.

17JANOWITZ, Morris & SHILLS, Edward, « Cohesion and Disintegration in the Wehrmacht in World War II », Public Opinion Quaterly, Volume 12, Issue 2, Summer 1948, p. 280-315.

18 [http://www.collection-appareils.fr/x/html/appareil-309.html consulté le 19 décembre 2016]

19 Linsolas, Jean-Marie, « La photographie et la guerre … », art. cit., p. 104.

20 [http://www.collection-appareils.fr/gestion_catalogue/html/affichage_un_catalogue.php?nom=Photo-Plait&annee=1916 consulté le 19 décembre 2016]

21 [http://www.parlonsphoto.com/ftopic2585-kodak-vest-pocket-autographic.html consulté le 19 décembre 2016]

22 MATARD-BONUCCI, Marie-Claire, « Usages de la photographie par les médias dans la construction de la mémoire de la Shoah », Le Temps des médias, n°5, 2005/2, p. 9-26.

23 LAFON, Alexandre, « Autour de la pratique photographique au front. Etude de la collection d’Henri Despeyrières », Annales du Midi, n°275, juillet-septembre 2001, p. 394-399.

24 [http://www.caverne-du-dragon.com/actualites/objetDuMois.aspx?PRO_CODE=50 et https://www.insee.fr/fr/information/2417794 pages consultées le 19 décembre 2016]

25 LAFON, Alexandre, « Autour de la pratique photographique… », art. cit.

26 LE GALL, Erwan, « De la prosopographie dans le cadre d’une monographie régimentaire : l’exemple du 47e régiment d’infanterie pendant la Première Guerre mondiale », in BOUGEARD, Christian et PRIGENT, François (dir.), La Bretagne en portrait(s) de groupe. Les enjeux de la méthode prosopographique (Bretagne, XVIIIe - XXe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 303-314.

27 Sur cette question on renverra aux travaux de LE BIHAN, Jean, « La catégorie de fonctionnaires intermédiaires au XIXe siècle. Retour sur une enquête », Genèses, n°73, 2008-4, p. 4-19 et Au service de l’Etat, les fonctionnaires intermédiaires au XIXe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008.

28 LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre. Le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo au combat (août 1914 – juillet 1915), Talmont-Saint-Hilaire, éditions CODEX, 2014, p. 34-36.

29 Arch. Mun. Rennes : 1 Fi 108 ; Arch. Mun. Saint-Jacques de la Lande : acte de mariage du 27 février 1913. Malheureusement, des recherches approfondies dans les matrices cadastrales n’ont pas permis d’obtenir plus de renseignements quant à la nature exacte du logement d’Alexandre Mounicot. Etienne Grandchamps indique sur le forum pages 14-18 que son logement est dénommé « villa du Lapin blanc » ce qui laisse augurer d’une demeure d’un certain standing. [http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Pages-d-Histoire-Artillerie/Artillerie/capitaine-mounicot-batterie-sujet_1351_1.htm page consultée le 19 décembre 2016] Néanmoins, un certain nombre d’éléments nous font penser qu’il y a certainement une confusion avec le lieu-dit Pigeon blanc, à Saint-Jacques de la Lande.

30LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre…, op. cit., p. 30-36.

31 Arch. Mun. Rennes : 2 E 76 ; Arch. Dép. Pyrénées -Atlantiques : Etat-civil Mautaut, 1831 ; Arch. Dép. Loiret : 2 Mi 6253.

32 La preuve en est que GUYVARC'H, Didier et LAGADEC, Yann, Les Bretons et la Grande Guerre. Images et histoire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 62 publient ce cliché.

33 Le jugement des rédacteurs des AFGG sur « l’appareil Cellerier » est ainsi assez sévère. Ministère de la Guerre, Etat-Major de l'Armée - Service historique, Les Armées françaises dans la Grande Guerre, Paris, Imprimerie Nationale, 1931. Tome 2e – 1er volume, La stabilisation du front, les attaques locales, 14 novembre 1914 – 1er mai 1915, p. 41. 

34 A propos de cette dernière, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Autour de l’offensive du 25 septembre 1915. En tranchées avec le 47e régiment d’infanterie », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°6, été 2015, en ligne.

35 SHD-DAT : 26 N 378/8, journal des marches et opérations de l’artillerie de la 60e division d’infanterie, 22-25 septembre 1915.

36 Sur la question de la transgression sonore que représente l’artillerie pendant la Première Guerre mondiale on renverra notamment à GETREAU, Florence (dir.), Entendre la guerre. Sons, musiques et silence en 14-18, Paris, Gallimard / Historial de la Grande Guerre, 2014.

37 Manuel du gradé de l'artillerie de campagne à l'usage des sous-officiers, brigadiers, et élèves brigadiers, des élèves officiers de réserve et des candidats à l'école militaire de l'artillerie, Paris, Henri Charles-Lavauzelle, 1915. Le mot camouflage ne figure pas dans cet ouvrage.

38 SHD-DAT : 26  N 378/8, journal des marches et opérations de l’artillerie de la 60e division d’infanterie, 25 septembre 1915.

39 Ibid.

40 Sur ce point, il est à noter que la mise en album, processus très riche de sens, distingue probablement la photographie privée de guerre de son homologue « publique ». A ce sujet, on renverra à VERRAY, Laurent, « Les albums photos des soldats de la Grande Guerre : images de soi, images de l’histoire, histoire de soi », in DELPORTE, Christian, GERVEREAU, Laurent et MARECHAL, Denis, Quelle est la place des images en histoire, Paris, Nouveau-Monde éditions, 2008, p. 408-427.

41 Nous reprenons l’expression à LAFON, Alexandre, « Autour de la pratique photographique au front… », art. cit.

42 LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre…, op. cit.

43 MAUFRAIS, Louis, J’étais médecin dans les tranchées, Paris, Pocket, 2008, p. 340.

44 AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane, Combattre, une anthropologie historique de la guerre moderne, (XIXe – XXIe siècle), Paris, Seuil, 2008.

45 MOSSE, George Lachmann, De la Grande Guerre au totalitarisme, la brutalisation des sociétés européennes, Paris, Hachette Littératures, 1999.

46 Au sens où l’entend LINSOLAS, Jean-Marie, « La photographie et la guerre… », art. cit.

47 Manuel du gradé de l'artillerie de campagne à l'usage des sous-officiers, brigadiers, et élèves brigadiers, des élèves officiers de réserve et des candidats à l'école militaire de l'artillerie, Paris, Henri Charles-Lavauzelle, 1915, p. 123 et suivantes : « principes généraux d’équitation ».

48 LEDDET, Jean (Capitaine), commenté par SCHIAVON, Max, Lignes de tir…, op. cit.

49Guyvarc’h, Didier et Lagadec, Yann, Les Bretons et la Grande Guerre..., op. cit., p. 54-55. Se rapporter également à OBERTHÜR, Charles (édition présentée et préparée par CORBE, Bernard et LAGADEC, Yann), Lettres de guerre (1914-1918), op. cit.

50 SHD-DAT : 26 N 109/2, JMO 4e CA, 22-27 septembre 1915.

51 BARTHAS, Louis, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918, Paris, La Découverte, 1997.

52 CAPDEVILA, Luc, « L’expérience de guerre d’un combattant ordinaire. Une histoire de la souffrance et de la résignation à partir des sources privées (France 1914-1918 », Modern & Contemporary France, vol. 11, n°1, 2003, p. 57-67.

53 RICHARD, Ronan, « La question des prisonniers de guerre allemands dans l’Ouest de la France », Bretagne 1914-1918, Recherches et études historiques sur la vie des Bretons dans la Grande Guerre, Bulletin de liaison et d’information de l’association, n°33, juin 2005, p. 2-4 et « Etrangers et indésirables en temps de guerre. Représentations, politiques et pratiques à l’égard des populations nouvelles dans l’Ouest de la France en 1914-1918 », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n°109-4, 2002, p. 147-161.  

54 AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane et BECKER, Annette, 14-18, retrouver la guerre, op. cit., p. 145.