Alex Thépot, gardien de but de l’équipe de France… et douanier

13 juillet 1930, 15 heures, l’Estadio Pocitos de Montevideo en Uruguay accueille le premier match de l’histoire de la Coupe du Monde de football. L’équipe de France affronte celle du Mexique. A la 19e minute de jeu, Lucien Laurent reprend de volée un centre en retrait d’Ernest Libérati et catapulte le ballon dans les filets adverses. Les Français viennent d’inscrire le tout premier but de cette compétition destinée à devenir au fil des décennies l’un des événements sportifs majeurs aux côtés des Jeux olympiques. Pourtant la joie des Tricolores est de courte durée. Sept minutes  plus tard, Alex Thépot, leur gardien de but est mis KO après  un choc  contre un adversaire  mexicain et doit laisser sa place au milieu Augustin Chantrel, les remplaçants n’étant pas autorisés à cette époque. Malgré ce handicap, les Français marquent trois buts supplémentaires pour remporter 4-1 le match d’ouverture de la compétition.1 Bien que largement tombés dans l’oubli, un certain nombre de ces joueurs ont pourtant mené une belle carrière footballistique. C’est notamment le cas, d’Alex Thépot – Alexis de son prénom de naissance –, ce gardien de but né le 30 juillet 1906 à Brest.

Alex Thépot sous le maillot de l'Equipe de France, en 1934. Soccernostalgia.

Au début des années 1920, ce fils de marin de la Royale devient le gardien des cages de l’Armoricaine de Brest, l’équipe de football issue du patronage Saint-Louis et fondée en 1903. En 1924, il est le gardien titulaire de l’équipe première du club de la cité du Ponant. En janvier 1927, il joue un 16e de finale de Coupe de France face aux parisiens du Club Français, perdu 2-1. Mais son excellente prestation lui permet d’être sélectionné dans l’équipe de France militaire, alors qu’il est également sous les drapeaux à Guingamp. Cette même année, il se marie avec une jeune fille originaire de la cité trégorroise. Toutefois, à une époque où le football professionnel n’en est qu’à ses balbutiements, Alexis assure son avenir professionnel en réussissant le concours des douanes en 1925. C’est ainsi qu’à l’issu de son service militaire, il est nommé contrôleur-adjoint des douanes à  Paris. Il va alors mener de front une double carrière de footballeur-douanier.

Lors de sa première saison parisienne en 1927-1928, il porte les couleurs du Football Étoile Club de Levallois. La saison suivante, la carrière sportive de Thépot prend une nouvelle dimension. En effet, il a la lourde tâche de succéder à l’inamovible gardien du Red Star – et de l’équipe de France –, Pierre Chayriguès, qui vient de prendre sa retraite. Le club de Saint-Ouen est l’un des tous meilleurs dans les années 1920, et remporte notamment quatre Coupe de France. Pour autant, ce statut ne lui permet pas de consacrer tout son temps à la  pratique du football. Il ne s’entraîne que deux fois par semaine, après ses journées de travail dans l’administration des douanes. Cette même année, âgé seulement de 21 ans, il devient le gardien de but des Tricolores. Malgré une première sélection face à l’Angleterre, le 26  mai 1927 au stade Yves-du-Manoir de Colombes, qui tourne au fiasco pour le Breton, puisqu’il encaisse six buts ; il conserve son poste et est sélectionné pour les Jeux olympiques de 1928 à Amsterdam. En 1930, obligé de prendre un congé sans solde de deux mois, il participe donc à la première Coupe du monde en Uruguay. Quatre ans plus tard, il est de nouveau le gardien de l’équipe de France lors du mondial italien. Mais les Français sont éliminés au premier tour face aux redoutables Autrichiens. Sa carrière internationale prend fin l’année suivante, à l’issue d’une défaite 3-1 contre l’Allemagne, au cours d’un match joué au  Parc des Princes.

Par la suite, sa carrière de footballeur continue de suivre celle de fonctionnaire. Il est muté en 1935 à Dunkerque où il joue une saison pour le club local de l’Union sportive du littoral de Dunkerque. En 1937,  dix ans après sa première sélection en équipe de France, il retrouve la Bretagne au gré d’une nouvelle mutation à Saint-Malo. Il cumule alors les casquettes de gardien, capitaine et entraîneur de l’US Servannaise. Sous ses ordres, le club malouin décroche par deux fois le titre de champion de l’ouest de division d’honneur en 1939 et 1944.

L'équipe du Red Star au début des années 1930. Alex Thépot est au premier rang, premier à droite. Collection particulière.

Cette même année, celle de la Libération, sa carrière sportive touche à sa fin, alors  que sa carrière professionnelle prend une nouvelle envergure puisqu’il est nommé inspecteur des douanes à Paris. Malgré tout, à partir de 1954, l’équipe de France croise à nouveau le chemin du gardien de but retraité. En effet, il intègre le comité de sélection de l’équipe nationale,  à une époque où il n’y avait pas de sélectionneur unique. Il participe ainsi à l’aventure suédoise de la Coupe du monde 1958, qui voit les Tricolores terminer à une inédite troisième place,  grâce notamment aux 13 buts de Just Fontaine – record inégalé à ce jour ! – et aux exploits du madrilène Raymond Kopa ou du rémois Roger Piantoni. Il quitte ses fonctions de sélectionneur en 1960, avant de prendre également, en 1968, sa retraite professionnelle. Il revient alors dans sa région natale, à Quiberon, où il décède en 1987, âgé de 81 ans.

Thomas PERRONO

 

 

1 La France perd par la suite ses deux matchs  de poules contre l’Argentine – future finaliste – et le Chili, à chaque fois sur le score de 1-0. Elle ne participe donc pas  aux phases finales, qui voient s’imposer l’Uruguay, pays hôte de la compétition.