Nantes et les bombardements de septembre 1943

Pour les Nantais, la mi-septembre est une période un peu plus sombre que les autres. La raison n’en est point le cafard résultant de la rentrée, de la chute des feuilles, des jours qui raccourcissent et des températures qui baissent mais l’omniprésent souvenir de deux bombardements survenus les 16 et 23 septembre 1943.

Dès 1940, les Nantais, et les Bretons de manière plus générale, ne sont pas sans ignorer les dangers de la guerre aérienne. Les alertes sont fréquentes et les habitants se familiarisent avec les préceptes de la Défense passive, comme le rappelle une très belle séquence de l’exposition En GuerreS visible actuellement au Château des Ducs de Bretagne. Et c’est peut-être dans cette sorte d’accommodation au danger que réside une des explications du terrible bilan (les Archives municipales de Nantes mentionnent près de 1 500 victimes) de ces deux attaques. En effet, au moment où les alarmes commencent à retentir, la population n’y prête qu’une attention modérée, étant habituée depuis plusieurs mois aux fausses alertes.

C’est aux alentours de 16 heures que les avions surgissent, en trois vagues qui survolent notamment la gare et le quartier de la Roche Maurice. En une quinzaine de minutes, plusieurs centaines de bombes sont larguées sur la ville, dévastant le quartier Sainte-Thérèse, les célèbres places Royale et du Commerce…

Encore groggy par le choc reçu le 16 septembre, la ville revit le même cauchemar le 23 lorsqu’à 9h15 puis à 18h50, de nouveaux bombardiers se présentent dans le ciel Nantais. Là encore, le bilan est effroyable et les destructions se comptent par centaines.

Pour Vichy, de telles opérations aériennes sont une aubaine et les deux bombardements de Nantes ne dérogent pas à la règle. Le Matin, qui prétend être « le mieux informé des journaux français », glose sur ces « libérateurs » qui ne seraient que des « pirates anglo-américains ».

Un point toutefois doit être noté. Les actualités filmées – sous contrôle des services de l’information de Vichy – avancent que ces bombardements ne peuvent être justifiés, Nantes ne présentant aucun intérêt stratégique.

Or rien n’est plus faux puisque l’objectif des escadrilles américaines est la destruction du port et des chantiers navales ainsi que de l’aéroport voisin de Château-Bougon.

Affiche de propagande vichyste publiée en 1943. Les bombardements de Nantes y sont explicitement mentionnés. Arch. Nat. 72 AJ 1107.

Pour les actualités filmées de Vichy, les bombardements sont un sujet important, et pour tout dire quasi récurent1. Ils sont l’occasion de déverser une propagande offensive, dans le but de rallier une opinion traumatisée par les destructions. Célèbre est à cet égard l’affiche publiée en 1943 proclamant : « en six mois, l’aviation anglo-américaine a tué… ».

Aujourd’hui encore ces bombardements sont une plaie encore vive pour les Nantais et constituent un élément essentiel de la mémoire collective d’une ville qui, de nouveau, sera durement éprouvée en 1944, dans le cadre d’opérations connexes du débarquement de Normandie. A la fin de la guerre, ce sont ainsi plus de 60 000 habitants sinistrés qu’il faut reloger. 2 000 bâtiments sont détruits et 6 000 sont inutilisables, ce qui dit bien l’ampleur du défi qu’est la reconstruction dans la préfecture de Loire-Inférieure.

Erwan LE GALL

1 PEVSNER, M., « Les actualités cinématographiques de 1940 à 1944 », Revue d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, n°64, 1966, p. 88-96.