Une institution exemplaire de la rééducation professionnelle des mutilés de guerre : l'école Jean Janvier de Rennes dans l'entre-deux-guerres

Si la question des mutilés de la Grande Guerre, qui imprègne toutes les années 1920 et 1930, nous est connu dans ses grandes lignes par les travaux d’A. Prost et de J.-F. Montès, beaucoup reste à dire à ce sujet. Revenant sur l’exemple de l’Ecole de reconversion professionnelle Jean Janvier de Rennes, Clément Collard montre combien la rééducation est une phase essentielle du retour à une vie « normale », consubstantielle à l’idée de travail.

Par Clément COLLARD

 

 

En 2018, place Édouard-Vaillant à Rennes, se dressent encore les bâtiments de l’école de rééducation professionnelle Jean Janvier. Les locaux actuels ont été gracieusement offerts par la ville en 1937, afin que l’école née avec la Grande Guerre puisse s’agrandir. La double tutelle de la ville et de l’Office national des mutilés (désormais Office national des anciens combattants1) est en réalité une constante depuis 1916, date à laquelle l’école pour mutilés de Rennes est créée sous l’égide du service de santé puis de l’office national, mais avec un soutien croissant de la municipalité radicale socialiste. Ce lien est symboliquement scellé en 1922, lorsque cette structure prend le nom d’ « école Jean Janvier »2, du nom du maire de Rennes3.

L'Ecole de rééducation professionnelle Jean Janvier de Renes. Carte postale. Collection particulière.

La longévité de l’école témoigne de l’évolution de la rééducation professionnelle française, et sa progressive démilitarisation. En 2013, un seul des 200 élèves de l’école était un ancien militaire. Toutefois, le lien avec la genèse de l’œuvre, durant la Grande Guerre, n’est pas rompu et c’est toujours l’Office national des anciens combattants qui administre cette école. De 100 % de mutilés de guerre jusqu’en 1919 à près de 100 % d’invalides civils en 2013, l’école Jean Janvier témoigne des mutations d’un système créé spécifiquement pendant la guerre et progressivement étendu à l’ensemble des victimes de guerres puis des infirmes. En cela, elle est une institution exemplaire de politiques publiques visant l’insertion professionnelle des handicapés.

C’est à cette genèse que nous souhaitons nous intéresser, soit aux années courant de 1916, date de la création de l’école, à 1940. Cette périodisation obéit à une volonté de suivre la génération du feu, celle des invalides de la Première Guerre mondiale jusqu’à la fin des années 1930, le déclenchement de la Seconde Guerre bouleversant le fonctionnement de l’école. Par ailleurs, elle épouse un biais archivistique ; la principale source qui nous permet en effet d’étudier le fonctionnement interne de l’école, mais surtout le profil de ses élèves, est conservée dans une petite armoire en fer, au sous-sol de l’école Jean Janvier ; celle-ci renferme les près de 3 500 dossiers des élèves passés par l’école entre 1919 et 1940. Avant cette date, les informations sont extrêmement rares. Les documents disponibles aux archives municipales de Rennes et départementales d’Ille-et-Vilaine sont à peine plus diserts. Outre les archives de l’école, et les renseignements d’ordre général fournis par les sources imprimées traitant de la rééducation professionnelle, nous sommes donc conduits à mobiliser une documentation moins systématique, moins institutionnelle, mais néanmoins précieuse car elle permet de couvrir une assez large période ; il s’agit de la presse locale, qui s’intéresse régulièrement à cette question, et tout particulièrement de l’édition de Rennes du quotidien breton L’Ouest-Éclair4.

À travers ces sources, nous entendons étudier comment se constitue l’école Jean Janvier de Rennes, laquelle est paradigmatique de la rééducation professionnelle des mutilés de la Grande Guerre : du centre d’appareillage et du modeste centre de rééducation adossés à l’hôpital militaire de la région vers une école aux moyens conséquents et à l’attractivité indéniable et jamais démentie durant l’entre-deux-guerres. L’enjeu de cet article est tout à la fois d’analyser l’implantation spécifique de la rééducation professionnelle en Bretagne, avec son contexte économico-social propre, et de dégager les invariants, les éléments structurels de la rééducation des mutilés telle qu’elle est pensée et édifiée dans la France de l’après-guerre.

 

L’école de Rennes dans la rééducation professionnelle française

Retour à la terre et décentralisation

Le 16 décembre 1914 est créée à Lyon, dans un appartement de la rue Rachais, la première école de rééducation professionnelle française. Cette initiative relativement modeste du maire Édouard Herriot inaugure l’action en faveur des mutilés en France, dans le but de leur retour au travail. L’œuvre lyonnaise se développe rapidement, jusqu’à apparaître comme un modèle à imiter et à généraliser à l’ensemble du territoire. Selon les pouvoirs publics, et notamment le service de santé des armées tel qu’il est dirigé par Justin Godart – un autre acteur fondamental de la vie politique lyonnaise – les institutions visant à procurer aux mutilés de guerre une profession compatible avec leur état physiologique doivent se développer à l’échelle de la France, afin d’opérer un maillage strict de l’espace national. De 1915 à 1919, œuvres de bienfaisance privée, organismes internationaux de charité et structures professionnelles (syndicats, chambres de commerce, institutions d’enseignement technique) sont mis à contribution afin de réaliser cet objectif de développement relativement uniforme de la rééducation professionnelle.

L'Ecole des mutilés de Lyon. Carte postale. Collection particulière.

Cette ambition repose sur deux facteurs complémentaires. Les principaux experts édictant les principes de la rééducation française préconisent de concilier de manière optimale le traitement médical puis physiothérapeutique des blessés et leur réadaptation au travail. Cela implique de réduire les distances et les frontières entre les hôpitaux militaires dans lesquels sont traités les blessés et les institutions de rééducation professionnelle. Des partenariats s’établissent, ainsi des écoles lyonnaises qui accueillent les mutilés évacués dans les hôpitaux de la région du Rhône, et vont parfois jusqu’au jumelage et la superposition des institutions de traitement, de convalescence, d’appareillage et de rééducation professionnelle des blessés de guerre. Ainsi de l’hôpital militaire installé depuis 1915 au Grand-Palais à Paris qui se dote rapidement d’un centre de physiothérapie puis d’une école de rééducation professionnelle, installée dans le même bâtiment, et financée par l’Union des colonies étrangères en France. Les hôpitaux militaires étant répartis sur l’ensemble de la France, l’implantation des centres de rééducation suit subséquemment cette logique de décentralisation et de couverture du territoire national5

Cette coordination des efforts obéit en outre à un objectif fondamental assigné à la rééducation professionnelle ; il ne s’agit pas de construire celle-ci autour de grands centres drainant un grand nombre de mutilés de tous horizons, de les réunir dans une institution réalisant l’essentiel de la rééducation professionnelle nationale, comme on peut l’observer aux États-Unis à travers le cas de l’hôpital Walter Reed6. Au contraire, le retour au travail des mutilés de guerre est pensé comme la condition privilégiée de leur démobilisation et donc de leur réinsertion civile. Ainsi, la réintégration professionnelle ne doit pas se faire aux dépens d’une continuité avec la condition du conscrit avant-guerre. Cette continuité est un des nombreux arguments en faveur du « retour à la terre » des mutilés français. Le déracinement est un risque inhérent au changement de métier potentiel induit par la rééducation professionnelle, qu’il s’agit de minimiser. Le développement d’une multitude d’écoles pour mutilés et leur répartition dans l’ensemble de la France doivent permettre de satisfaire cette exigence et de combiner rééducation professionnelle – donc apprentissage d’un métier – et retour au foyer. Ceci est clairement explicité dans une circulaire publiée quelques mois après la loi du 2 janvier 1918 sur la rééducation professionnelle7 : « Si la loi s’est si nettement référée au domicile du demandeur, c’est pour que le mutilé conserve le plus possible de liens avec son ancien foyer familial. Le déracinement, que les bouleversements de la guerre rendent si facile, doit être évité à tout prix. »

C’est en ce sens qu’une histoire locale – ou à tout le moins régionale – de la rééducation professionnelle est riche de perspectives8. Il n’est pas seulement question d’étudier une institution parmi d’autres, mais de décrire les mécanismes et les modalités selon lesquelles une volonté nationale s’impose aux territoires, et comment les départements et surtout les communes se saisissent d’un tel enjeu afin d’organiser, à leur échelle, le retour et la réintégration professionnelle de « leurs » mutilés. En somme, l’intérêt d’une telle démarche est d’analyser comment une politique publique décidée à l’échelle des institutions étatiques – en l’occurrence le service de santé puis l’Office national des mutilés9 – se confond avec des problématiques locales et comment différentes strates décisionnelles se coordonnent afin de réaliser une œuvre reconnue comme procédant de l’intérêt supérieur de la nation, en guerre comme en paix.

Le premier emplacement de l'Ecole de rééducation professionnelle de mutilés de Rennes. Carte postale. Collection particuière.

L’idéologie qui sous-tend ce processus est par ailleurs durablement incorporée par des acteurs locaux, comme en témoigne une tribune que font paraître sept députés bretons dans l’Ouest-Éclair, le 2 mars 1919. Dans cet article, éloquemment titré « Revenez à la terre », Charles Baudet, Paul Le Troadec, Eugène Mando (radicaux), Gustave de Kerguézec, Louis de Chappedelaine, Charles Meunier (Action Libérale Populaire) et Pierre Even (radical-socialiste) exhortent les mutilés bretons à accomplir leur rééducation professionnelle dans leur région d’origine, et de ne pas céder aux sirènes d’une embauche rapide et en apparence plus aisée à Paris. L’article se conclut avec cette péroraison emblématique du discours sur le retour au « pays » d’origine :

« Vous savez ce que donne la terre. Savez-vous ce que vous réserve le tourbillon de la ville ? […] La terre de France est bonne, elle est généreuse. Vous l’aimez, vous l’avez sauvée. Vous ne la laisserez pas mourir délaissée […]  Ne l’abandonnez pas ! »10

Et la tribune des députés des Côtes-du-Nord de citer en exemple les résultats déjà probants de l’école de rééducation professionnelle de Rennes, qui aurait permis à plus de deux cents mutilés de guerre bretons de retrouver une place au sein de leur terre natale.

La naissance tardive de la rééducation professionnelle bretonne et rennaise

En dépit de ces principes, la rééducation professionnelle s’édifie lentement en Bretagne, et ne devient un sujet d’importance qu’à partir de 1916, lorsque les premières réalisations voient le jour. La presse locale se fait l’écho de cette préoccupation croissante pour le problème des mutilés. Ainsi, l’édition rennaise de l’Ouest-Éclair ne fait aucune mention de la rééducation professionnelle durant l’année 1914. En 1915, cette question est traitée – de manière assez générale et informative – six fois. Toutefois, le 12 octobre 1915, paraît un papier intitulé « La rééducation professionnelle des mutilés », lequel est un véritable plaidoyer en faveur de ce processus. Le journal prend position et déplore que le traitement des mutilés en Bretagne repose jusqu’alors exclusivement sur l’initiative privée, qui plus est dans un souci d’assistance plus que de réhabilitation durable des invalides. L’article reproche notamment aux départements leur inaction, en remarquant que les conseils généraux n’ont voté aucun crédit en faveur de la rééducation professionnelle. Il qualifie cet immobilisme de coupable et cite les nombreuses villes qui ont déjà engagé des efforts en ce sens : « Lyon, Tours, Montpellier, Toulouse et dix autres villes ont établi en hâte leurs écoles de rééducation ». C’est surtout l’exemple de la Haute-Garonne qui retient l’attention du rédacteur, dans la mesure où c’est le préfet Lucien Saint qui est ici à l’initiative du développement d’une école à Toulouse. Or l’affectation précédente de Lucien Saint – jusqu’en 1915 – n’était autre que l’Ille-et-Vilaine. L’article en conclut à une mauvaise volonté des responsables politiques locaux, alors même qu’ils disposaient jusqu’alors d’un administrateur favorable au développement rapide de la rééducation professionnelle.

En 1916, la presse locale se saisit encore plus fréquemment de cette question, puisque quatorze articles s’y consacrent. Tous témoignent d’une sensibilisation locale croissante à ce problème. Dans un article du 23 février 1916, on apprend ainsi que le cinéma Pathé de Rennes diffuse durant une semaine un film intitulé « La rééducation professionnelle des grands blessés », un documentaire montrant des mutilés en plein travail dans des centres de la région parisienne. Le 1er mars 1916, est annoncée la création à Rennes d’un comité d’assistance aux mutilés de la guerre sous la forme d’une association loi 190111. Celle-ci est dominée par des acteurs économiques locaux ; son secrétaire général est Charles Oberthür, président de la Chambre de commerce de Rennes et le trésorier est J. Juillet12, président du tribunal de commerce. Les pouvoirs publics s’associent cependant à cette œuvre, puisque le maire de Rennes Jean Janvier prend la présidence de l’association. L’article précise que c’est l’édile lui-même qui est à l’initiative de cette création. Plus important, l’objectif affiché de cette structure ne relève plus d’une assistance aux mutilés, dont les contours sont souvent mal définis, mais elle vise essentiellement à la rééducation professionnelle des mutilés du département et à leur placement dans des emplois compatibles avec leurs infirmités. Aucun centre de rééducation professionnelle n’est cependant édifié en Ille-et-Vilaine et la solution privilégiée est celle d’un apprentissage chez le patron et notamment d’une reprise par les industriels et artisans des mutilés qu’ils employaient avant la guerre.

Carte postale. Collection particulière.

Dans les autres départements bretons, les initiatives se développent plus précocement. Le 6 mars 1916, s’ouvre une école à Lorient13, au sein d’un immeuble appartenant à la municipalité14. Trente mutilés sont déjà inscrits dès l’ouverture. Cette école est dirigée par le docteur Waquet, directeur du bureau municipal d’hygiène. Cependant, les articles ultérieurs consacrés à cette œuvre témoignent de son caractère modeste, ou du moins d’une participation assez faible du pouvoir municipal, la dotation de la ville ne s’élevant qu’à 300 francs15. En comparaison, c’est le montant qui est alloué deux ans plus tard par la ville de Rennes, à l’association musicale des mutilés de l’école de rééducation. Les mutilés du Finistère disposent également de leur école de rééducation, à Brest16, créée en 1915, par la municipalité, avec le concours du ministère du Commerce17. Les deux écoles fonctionnent selon le même système : quelques dizaines de places internes complétées par un nombre plus important de places externes, soit des partenariats avec des patrons qui acceptent d’accueillir des mutilés dans leurs ateliers et industries, moyennent le versement d’une taxe d’apprentissage par l’école. Ce système mixte, où la rééducation professionnelle n’est pas tout entière concentrée dans une institution fermée, témoigne du tâtonnement de ce processus pendant la guerre, ce qui conduit à des solutions hybrides, alors même que la rééducation chez le patron, à l’atelier est majoritairement condamnée par les experts de la rééducation professionnelle.

D’une école municipale modeste à un centre modèle dans l’entre-deux-guerres

Il faut attendre la fin de l’année 1916 pour qu’une école de rééducation professionnelle soit créée à Rennes.  Celle-ci obéit à la norme des structures publiques nées pendant la guerre, sous l’impulsion du service de santé ; elle prend place au sein de l’hôpital complémentaire n°115, lui-même situé au collège Saint-Vincent. La source principale pour envisager cette phase de la rééducation professionnelle est là encore un article de L’Ouest-Éclair, soit un reportage au sein de l’école de rééducation, paru en septembre 191818. Il s’agit d’une école placée sous la hiérarchie militaire, ainsi que le signale sa direction, composée des médecins-majors Trèves et Lefeuvre. On y enseigne les petits métiers artisanaux typiques de cette rééducation professionnelle qui met l’accent sur le retour au pays natal, au village, et qui obéissent à la vision partagée tant par le radical-socialisme (dont le maire de Rennes Jean Janvier est un porte-drapeau) que par l’Église, omniprésente en Bretagne : l’éloge de l’artisanat indépendant et de condamnation du travail salarié et industriel ; y sont formés des vanniers, des cordonniers des tailleurs, des coupeurs en chaussure pour la cordonnerie, des bourreliers, des relieurs, des horlogers, des sabotiers et galochiers, des staffeurs-ornemanistes, des menuisiers, des ferblantiers19 et des étameurs. Ces ateliers sont dirigés par des maîtres-ouvriers spécialistes, soit des hommes rompus à la formation technique des ouvriers et disposant de tout l’outillage nécessaire, non seulement à la pratique de chaque métier artisanal, mais surtout adapté à des travailleurs qui nécessitent bien souvent un appareillage.

Au-delà de cet apprentissage technique, l’école dispense des formations générales ; cette « section scolaire » est dirigée par des instituteurs et professeurs de lycée, qui préparent les mutilés aux brevets élémentaire et supérieur, ou encore aux examens des emplois réservés, soit les postes de la fonction publique spécifiquement dédiés aux mutilés de la Grande Guerre20. À ce dessein, l’école dispose d’une bibliothèque richement garnie, de machines à écrire et d’un appareil télégraphique destiné à écrire en alphabet Morse, grâce à des dons de la Croix-Rouge américaine. Cette formation générale obtient des résultats satisfaisants : entre 1916 et 1918, trois mutilés sont reçus au brevet supérieur et deviennent instituteurs ; seize (sur vingt-deux candidats) obtiennent leur brevet élémentaire, ce qui leur permet d’occuper des positions de comptables, d’employés de commerce et de banque, de facteurs ou encore de secrétaires de mairie. Enfin, dix-sept mutilés (sur vingt candidats) réussissent les examens des chemins de fer et sont placés dans les gares de Paris, Chartres, Le Mans, Laval et Rennes. Il faut noter qu’il ne s’agit pas simplement de formations scolaires classiques, les enseignements étant adaptés au public particulier que représentent les mutilés : outre l’apprentissage du Morse pour les aveugles, des cours d’écriture de la main gauche pour les amputés du bras droit sont également dispensés.

Billet de loterie. Collection particulière.

Si les résultats semblent – à en croire la presse locale – probants dès les premières années, l’école de rééducation professionnelle de Rennes prend sa véritable dimension après la guerre, et notamment à partir de 1919. À cette date, en effet, l’Office national des mutilés et réformés, modifie radicalement sa politique ; il n’est plus question pour lui d’organiser tant bien que mal la nébuleuse de la rééducation née de la guerre, qui se partage entre œuvres privées, participation des institutions de formation technique ou créations étatiques et municipales. L’objectif est désormais de resserrer l’effort – et le budget – sur quelques grands centres de rééducation. Il s’agit donc d’une rationalisation de la rééducation, afin, non plus de mailler le territoire français à une échelle fine, mais de professionnaliser une œuvre hétérogène et épars, tant au niveau des types de structures que du point de vue des principes qui l’animent. L’heure est à une reprise en main par l’État de la rééducation des mutilés, autour de quelques fleurons. Les effets se font rapidement sentir et le nombre d’institutions de rééducation diminue drastiquement en 1919, lorsque l’Office national choisit de réserver ses financements à un petit nombre d’écoles. Les chiffres sont difficiles à établir précisément, mais les travaux les plus complets quant au dénombrement de ces structures21 montrent que des 200 unités environ existant pendant la guerre, moins de vingt subsistent après 1919.

C’est le cas de l’école de rééducation rennaise, vouée à devenir le centre d’attraction régional dans ce domaine. Mais cela se fait au prix d’une réorganisation drastique. Cela se lit dans une lettre envoyée par le ministre du Travail, Pierre Colliard, au maire de Rennes, Jean Janvier, le 22 octobre 191822. En qualité de ministre, mais surtout de président de l’Office national des mutilés et réformés23, Colliard écrit à Jean Janvier pour lui préciser les attentes de l’Office quant à l’offre de rééducation rennaise qu’il juge insuffisante mais surtout inadaptée au contexte de l’après-guerre qui s’annonce. Les enjeux de la démobilisation induisent une rupture telle que le ministre écrit en substance que, s’agissant du reclassement professionnel des mutilés de guerre, une période faste se termine. Cette période était celle des emplois disponibles en abondance dans les usines de guerre, qui assuraient aux mutilés une rémunération avantageuse contre des efforts mesurés, et un besoin tout relatif de compétence, tant la main-d’œuvre – qualifiée ou non – faisait défaut. « Que va devenir dans cette tourmente, la catégorie la plus intéressante peut-être de toutes celles du monde ouvrier : les invalides de la guerre ? » écrit Colliard qui s’inquiète particulièrement du devenir de ces blessés qui sont devenus « de simples manœuvres, gardiens, veilleurs de nuit, etc. : c’est-à-dire sans profession aucune ». Cette lucidité quant au caractère transitoire de la situation des mutilés pendant la guerre implique que les écoles qui doivent prendre le relais des multiples œuvres de guerre et incarner seules la rééducation professionnelle après 1919, comme celle de Rennes, ont à intégrer cette dimension dans leur travail. L’exigence pour la rééducation d’après-guerre est donc de donner aux mutilés un apprentissage suffisamment complet pour que la situation professionnelle à laquelle ils pourraient prétendre à leur sortie de l’école soit durable et leur permette d’affronter un marché du travail plus tendu que ce qu’ils ont connu pendant la guerre. Pour le ministre, l’hôpital militaire dans lequel était organisée la rééducation professionnelle pendant la guerre a rendu de fiers services mais l’œuvre rennaise doit désormais acquérir une autre dimension.

Cela se traduit par un changement de structure, guidé par un événement contingent. En 1919, en effet, un incendie ravage le collège Saint-Vincent et rend les locaux de l’hôpital militaire inutilisables. Cela explique par ailleurs pourquoi les archives disponibles sur l’école pour la période 1916-1919 sont si rares. La rééducation professionnelle rennaise migre donc vers une ancienne abbaye bénédictine, située place Saint-Mélaine. Les capacités d’accueil sont considérablement augmentées et l’école accueille dans les années 1920 près de 300 élèves par an. Ce changement de dimension est indéniable ; alors même que la guerre est terminée, et qu’on pourrait donc penser la nécessité de la rééducation professionnelle pour des mutilés déjà rendus à la vie civile moins évidente, l’école accueille chaque année un nombre d’élèves supérieur à l’ensemble de ceux qui sont passés entre ses mains durant les trois années de son fonctionnement pendant le conflit. La mutation, de petit centre de rééducation professionnelle adossé à un hôpital militaire à institution majeure de reclassement des invalides, s’effectue rapidement si bien qu’en 1920 un rapport d’inspection de l’Office national se félicite des efforts entrepris à Rennes et de la nouvelle dimension acquise par l’école24. La carte ci-dessous montre notamment que la capacité d’attraction de l’école– conçue pendant la guerre comme devant avoir un rayonnement au mieux départemental – s’étend bien au-delà de l’Ille-et-Vilaine, signalant ainsi qu’elle joue bien le rôle de grand centre de rééducation régional que l’Office national lui avait confié en 1918.

Origine géographique des élèves de l'école de Rennes (1919-1940).

Au-delà de cette attractivité, la transformation de l’école rennaise correspond également à la démilitarisation de la rééducation professionnelle, qui se traduit par un changement d’encadrement. Le 1er juin 1919, l’école passe officiellement sous le giron exclusif de l’Office national des mutilés et cesse d’être sous le contrôle de l’administration militaire. Le médecin-major Trèves est alors remplacé par Jean Le Lay, instituteur, ancien capitaine et mutilé de guerre lui-même25, lequel forme rapidement un tandem avec Paul Boulanger26. Ce dernier, également instituteur de formation, lui aussi mutilé de la Grande Guerre, est d’abord détaché de l’Instruction publique en 1919 afin d’enseigner à l’école de rééducation professionnelle. Bien que nommé au lycée de Lorient en décembre 1919, il choisit de demeurer à l’école dont il devient sous-directeur, puis directeur en 1929, lors du décès de Jean Le Lay27. Il reste à la tête de l’école jusqu’à sa retraite en 1947. Le fait que deux instituteurs prennent le relais d’un médecin militaire à la tête de l’école de rééducation est significatif, au-delà de la démilitarisation du processus. Alors que pendant la guerre, la rééducation fonctionnelle et la rééducation professionnelle étaient indissociables, l’après-guerre réduit les prérogatives médicales, suppose que les soins nécessaires et le traitement physiothérapeutique des blessés a déjà été effectué, si bien que les écoles pour mutilés tendent à devenir des structures d’apprentissage traditionnelles. Elles exaucent ainsi le vœu d’Édouard Herriot, qui souhaitait que les centres de rééducation soient le modèle des « écoles techniques » de l’après-guerre.

 

 Une école de rééducation caractéristique de l’entre-deux-guerres

Une majorité de « mutilés agricoles » parmi les élèves

Métier exercé avant la guerre

Nombre

Métier avant-guerre

Nombre

Métier avant-guerre

Nombre

Aide de culture

2

Employé d'assurances

1

Marin

1

Aide facteur

1

Employé de bureau

2

Marin-pêcheur

1

Ajusteur

4

Employé de commerce

5

Marinier

1

Boucher

3

Employé des PTT

1

Mécanicien

5

Boulanger

6

Domestique

1

Menuisier

7

Bourrelier

1

Domestique agricole

1

Meunier

5

Briquetier

1

Ébéniste

1

Militaire

1

Bûcheron

1

Élève ingénieur

1

Mineur

3

Cantonnier

1

Employé

1

Mouleur

1

Carrier

2

Épicier

1

NA

3

Charpentier

3

Étudiant

4

Opérateur de cinéma

1

Charron

3

Ferblantier

2

Ouvrier

6

Chaudronnier

1

Fonctionnaire

1

Ouvrier agricole

4

Cimentier

1

Forgeron

2

Peintre

2

Clerc de notaire

1

Galochier

1

Plombier

1

Coiffeur

1

Garçon d'hôtel

2

Représentant de commerce

5

Commerçant

2

Garçon de café

1

Sabotier

2

Comptable

1

Garçon de ferme

1

Sans profession

1

Confiseur

1

Horloger

1

Soldat

4

Confiturier

1

Instituteur

1

Tailleur

2

Cordonnier

2

Jardinier

3

Terrassier

3

Coupeur

1

Journalier

6

Tourneur-mécanicien

2

Coupeur en chaussures

2

Journalier agricole

3

Tulliste

1

Couvreur

6

Maçon

2

Typographe

1

Cuisinier

3

Manœuvre

3

Valet de chambre

1

Cultivateur

154

Marchand de bestiaux

1

Verrier

1

Dessinateur industriel

1

Marin

2

Total

322

Figure 2 : Professions exercées avant la guerre par les élèves mutilés de guerre de l'école de Rennes (échantillon).

Les dossiers des élèves de l’école de rééducation professionnelle contiennent des informations permettant, par une étude quantitative, de dégager le profil sociologique majoritaire des mutilés entrant en rééducation dans l’entre-deux-guerres. À partir de ces données, il est possible de conjecturer quant au public auquel est destiné ce processus. Nous nous sommes ainsi appuyés sur les 322 dossiers de mutilés de guerre présents dans notre échantillon, afin de réaliser le tableau ci-après, qui récapitule les différents métiers que les élèves exerçaient avant la guerre. Si ceux-ci sont extrêmement divers, quelques conclusions peuvent être tirées. En premier lieu, on observe une surreprésentation des cultivateurs parmi les élèves. Ils représentent en effet près de 50 % de l’échantillon. Ceci se comprend lorsqu’on les confronte à l’origine géographique des élèves de l’école (figure 2) ; ces derniers provenant dans leur grande majorité du nord-ouest de la France, et particulièrement de la Bretagne, soit des régions très majoritairement rurales et agricoles dans l’entre-deux-guerres, il est naturel que les anciens cultivateurs soient si présents à l’école de rééducation professionnelle. Cela redouble le profil sociologique de l’armée française pendant la Grande Guerre, où les paysans sont majoritairement représentés28. On sait par ailleurs qu’ils étaient plus présents que d’autres catégories sociales dans les unités combattantes. En conséquence, le risque de revenir blessé était d’autant plus accru pour eux et il est là encore logique de les retrouver en grand nombre parmi les élèves d’une école de rééducation professionnelle. Le taux mesuré à l’école de Rennes n’atteint toutefois pas celui de leur présence dans l’armée, soit environ 56 %. Cela tient à plusieurs facteurs non exclusifs. Tout d’abord, et ainsi que le notait déjà A. Prost dans sa thèse, la rééducation professionnelle représente probablement une nécessité moindre pour des hommes pouvant vivre du revenu de la terre que pour des ouvriers ou employés que l’invalidité physique empêche d’exercer leur métier, et qui ne peuvent compter sur des solidarités familiales telles qu’on peut les observer dans les régions agricoles :

« Même contraint d’abandonner la culture, le rural devenu invalide n’est pas aux abois. Il peut envisager de vendre son petit bien, pour installer un artisanat, pour vivoter tant bien que mal sur son jardin ou sa basse-cour. La question de l’emploi n’est pas urgente pour lui. »29

Cette citation d’Antoine Prost généralise à l’excès et il faut rappeler qu’un travail de la terre n’équivaut pas à une propriété rurale, les ouvriers agricoles constituant de nombreux contre-exemples, il n’en demeure pas moins que cette possibilité de subsistance n’est pas à négliger, alors qu’elle est inexistante pour les anciens ouvriers ou employés urbains. D’autre part, l’école de rééducation de Rennes est une institution généraliste, qui forme à un ensemble large de professions, essentiellement dans le secteur de l’artisanat et des emplois administratifs. En revanche, elle ne prépare pas à une rééducation agricole, soit à une réadaptation aux métiers de la terre. Celle-ci s’effectue dans des institutions dédiées, spécifiquement dévolues à l’accueil de cultivateurs voulant reprendre leur activité d’avant-guerre. C’est notamment le cas de l’école de Rambouillet, de la ferme-école de Champagne à Savigny-sur-Orge30 ou encore, plus proche de Rennes, de l’école du château de La Placelière à Nantes, qui est en activité durant l’ensemble de l’entre-deux-guerres. Ainsi, les cultivateurs présents à l’école de Rennes sont des hommes qui se saisissent de la rééducation professionnelle pour changer de métier, ou à tout le moins pour en apprendre un nouveau, afin de compléter les revenus de leur travail agricole.

Une surreprésentation des classes populaires

Une autre donnée sociologique évidente qui ressort de l’analyse des professions exercées avant-guerre par les élèves de Rennes est la présence presque exclusive des classes populaires, ou à tout le moins l’absence des professions libérales, des cadres ou des professions intellectuelles. À l’inverse, on dénombre une écrasante majorité, parmi les mutilés non agricoles, d’ouvriers, d’employés et de petits artisans. Cela témoigne de traits caractéristiques de la rééducation professionnelle telle qu’elle est pratiquée dans les grandes écoles de l’entre-deux-guerres. Tout d’abord, les formations dispensées dans ces écoles correspondent précisément à cette sociologie, avec une surreprésentation des petits métiers artisanaux. C’est un trait qui n’est pas propre à l’école de Rennes, comme le montre le tableau ci-après qui récapitule les professions enseignées dans trois écoles de rééducation – exception étant faite de la préparation aux examens des emplois réservés et de l’instruction générale en vue d’emplois administratifs. Qu’il s’agisse d’une école fonctionnant essentiellement pendant la guerre (celle de Lyon), d’une école née pendant la guerre mais n’y survivant que quelques années (l’école municipale de Nantes) ou d’une école importante et durable de l’entre-deux-guerres (Rennes), on retrouve une continuité certaine dans les formations dispensées. Cette présence prépondérante de l’artisanat dans le devenir proposé aux mutilés par la rééducation professionnelle est en accord avec les principes idéologiques qui président à ce processus et que nous avons déjà évoqués : il s’agit bien plus de former des petits artisans potentiellement indépendants que des ouvriers de la grande industrie. C’est particulièrement le cas dans une région rurale, où l’ambition est bien de faire demeurer les mutilés au « pays » et non de les rééduquer à un métier qui les contraindrait dans la majorité des cas à émigrer vers une grande ville lointaine. La teneur de l’enseignement proposé dans les écoles de rééducation soutient donc cette volonté de contenir les mobilités géographiques des mutilés de guerre.

Professions préparées à l'école de Lyon (Tourvielle) (1914-1920)

Professions préparées à l'école de Nantes (1916-1926)

Professions préparées à l'école de Rennes (1919-1940)

Cordonnier Ajusteur-mécanicien Bourrelier
Fabricant de jouets Bourrelier Chauffeur automobile
Galochier Chauffeur automobile Cordonnier
Horticulteur Cordonnier Ferblantier
Menuisier Ferblantier Galochier
Opérateur de télégraphie Horloger Horloger
Passementier Menuisier Jardinier
Relieur Peintre Menuisier
Tailleur Sabotier Peintre
  Tailleur Relieur
  Tourneur Sabotier
  Vannier Tailleur
    Vannier

Figure 3 : Professions enseignées dans trois grandes écoles de rééducation professionnelle.

Mais surtout, cette surreprésentation des métiers artisanaux témoigne de la stratification sociale qui existe au sein de la rééducation professionnelle. En effet, si les mutilés se recrutent moins parmi les classes supérieures et intellectuelles, cela ne signifie pas qu’on ne dénombre aucun invalide à ces échelons de la société française. Cela ne signifie pas non plus que toute rééducation professionnelle leur est déniée, bien qu’elle constitue assurément moins une nécessité pour des individus disposant d’un capital économique plus élevé, et surtout qui exercent des professions qui sont bien moins menacées par une invalidité physique. Même amputé d’une jambe, un notaire court assurément moins de risques qu’un cultivateur de perdre son métier. Cependant, quelques formations sont spécifiquement dédiées à ces mutilés intellectuels et/ou des classes supérieures. Ainsi, dès le mois d’août 1916, l’Ouest-Éclair appelle les professions libérales à prendre leur part de l’effort de reclassement des mutilés31. Cela se traduit par la création d’œuvres telles que l’Association pour l’instruction notariale et le placement des mutilés de la guerre32, créée en 1916, et qui vise à offrir des cours de notariat par correspondance à des mutilés « ayant plus d’aptitudes intellectuelles que physique ». De 1916 à 1920, est également ouvert un cours à l’École Libre des Sciences Politiques de Paris, réservé aux officiers mutilés de guerre, afin qu’ils puissent exercer des fonctions d’encadrement dans le commerce et l’industrie. Cette stratification sociale qui sous-tend la rééducation professionnelle est encore plus évidente lorsqu’on étudie la galaxie des écoles gérées pendant la guerre par l’Union des colonies étrangères en France. Cette association composée de riches citoyens étrangers engagés en faveur de la victoire de la France finance ainsi une école généraliste – celle du Grand-Palais –, une école destinée aux mutilés agricoles – la ferme-école de Juvisy –, une école dédiée aux mutilés nécessitant un appareillage – à l’asile de Maison-Blanche à Neuilly-sur-Marne –, et enfin un internat situé quai Debilly, dans le XVIe arrondissement de Paris. Dans cette école située dans un hôtel particulier de la famille Wendel, sont accueillis exclusivement des « mutilés intellectuels », auxquels sont prodigués des enseignements destinés à les rééduquer dans des professions libérales et intellectuelles – instituteurs et professeurs notamment.

Ainsi, l’école de Rennes illustre parfaitement cette différenciation sociale des institutions de rééducation professionnelle françaises, et s’adresse à un public particulier, composé de mutilés ruraux, issus des classes populaires auxquels on enseigne, de surcroît, des métiers correspondant au même niveau de l’échelle sociale.

 

Quel devenir pour les mutilés de Rennes ? Entre attrait des emplois administratifs et perpétuation de la pluriactivité rurale

Après avoir discuté la provenance sociale des élèves et les futurs possibles qui leur sont ouverts par la rééducation professionnelle, il est nécessaire de s’intéresser aux combinaisons que ces deux données produisent, et donc aux trajectoires suivies par les élèves-mutilés de Rennes. Comme le montre le tableau ci-après, deux formations sont particulièrement prisées33 : la préparation aux emplois réservés, suivie par plus d’un tiers des mutilés entre 1919 et 1940 et la cordonnerie, atelier par lequel passent 17 % des mutilés sur la période. Suivent d’autres métiers artisanaux tels que vannier, ferblantier ou encore peintre. Cela appelle un premier commentaire : en dépit des injonctions visant à faire des mutilés de guerre rééduqués de parfaits petits artisans, à même de conquérir leur indépendance, une part non négligeable d’entre eux se saisit de la rééducation professionnelle pour se détourner des métiers conçus comme devant permettre leur retour au village, et préfèrent tenter d’obtenir un emploi public. Cela contredit les principes idéologiques de la rééducation française qui, bien qu’elle se double d’un droit aux emplois réservés, entend ne pas transformer les glorieux soldats blessés pour la défense de la patrie en une cohorte de petits fonctionnaires. À l’inverse de cette volonté, les mutilés entrant en rééducation entre 1919 et 1940 entendent bien user des droits dont ils disposent en vertu de leur statut de pensionné de guerre, et ce de manière subséquente : en jouissant d’abord de leur droit à la rééducation, consacré par la loi du 2 janvier 1918, et du libre choix dont il dispose quant à la profession préparée, afin ensuite de mettre à profit cette rééducation, en en faisant la propédeutique à l’exercice de leur droit à un emploi public réservé.

Profession préparée Nombre Profession préparée Nombre

Bourrelier

12

Instituteur

1

Chauffeur

8

Jardinier

5

Comptable

5

Menuisier

8

Conducteur automobile

1

NA

2

Cordonnier

54

Peintre

16

Cours

4

Photographe

2

Emplois réservés

110

Relieur

6

Facteur

1

Sabotier

12

Ferblantier

15

Tailleur

9

Galochier

3

Vannier

36

Horloger

12

Total

322

Figure 4 : Professions préparées par les mutilés de guerre rééduqués à Rennes (échantillon).

Si l’on observe maintenant lecas spécifique des individus qui exerçaient le métier de cultivateur avant la guerre, on observe une répartition des choix de formation sensiblement comparable à celle concernant l’ensemble de l’échantillon. Plus d’un tiers d’entre eux s’engagent sur la voie des emplois réservés et donc d’une rupture potentielle avec le milieu social voire géographique d’origine.

Profession préparée

Nombre

Profession préparée

Nombre

Bourrelier

8

Jardinier

2

Chauffeur

5

Menuisier

5

Comptable

2

NA

1

Cordonnier

21

Peintre

8

Cours

1

Photographe

1

Emplois réservés

57

Relieur

3

Facteur

1

Sabotier

7

Ferblantier

10

Tailleur

4

Galochier

2

Vannier

12

Horloger

4

Total

154

Figure 5 : Professions préparées par les mutilés anciens cultivateurs (échantillon).

Toutefois, il faut se garder d’une conclusion qui consisterait à considérer la rééducation professionnelle comme une cause du déracinement des mutilés ruraux, ou comme une machine à fabriquer des employés de bureau et des fonctionnaires, aux dépens du pourtant si valorisé artisanat indépendant. Environ 65 % des élèves de l’école Jean Janvier s’orientent effectivement vers ces professions. D’autre part, il semblerait que la rééducation à ces métiers débouche sur une véritable indépendance économique. Cela se lit à travers l’analyse du devenir des mutilés après leur passage à l’école. Chaque dossier mentionne en effet la situation des anciens élèves après leur sortie. Il s’agit d’une source imparfaite, car elle ne constitue pas un suivi des mutilés sur plusieurs années mais est une capture de sa situation, à un instant t, souvent quelques mois après la rééducation. Elle ne permet donc pas de retracer une trajectoire biographique sur long terme, mais renseigne sur l’efficacité de la rééducation, en ce qui concerne les capacités d’insertion des mutilés dans le monde professionnel. D’autre part, les modalités d’obtention de ces renseignements par l’école ne sont pas clairement exprimées. Dans les dossiers pour lesquels cela est envisageable, il semblerait que l’établissement de cette information procède d’une déclaration, demandée par l’école, du mutilé après sa sortie. Or, il est difficile de confronter cette donnée à une autre source pouvant renseigner à ce sujet34. Quoiqu’à relativiser, cette source permet tout de même une statistique ; si l’on considère l’ensemble des élèves présents dans l’échantillon – toutes catégories confondus, en incluant notamment les mutilés du travail et les infirmes civils – on observe que 300 d’entre eux suivent, entre 1919 et 1940, une formation « artisanale » ; parmi eux, 224 terminent leur rééducation, les autres changeant de voie, abandonnant, étant exclus pour des raisons de discipline, ou, plus fréquemment, devant interrompre leur formation pour raisons de santé. Parmi ces 224 néo-artisans, 55 % s’établissent à leur compte et deviennent leur propre patron. Ce taux s’élève même à 87 % pour les bourreliers, 78 % pour les vanniers, 65 % pour les cordonniers ou 60 % pour les sabotiers. Seuls les menuisiers, les peintres et les tailleurs présentent un taux d’indépendance inférieure à 50 %.

La rééducation professionnelle semble donc atteindre son but, celui d’orienter une majorité de mutilés vers l’artisanat indépendant et de leur éviter les affres du salariat. Les lieux d’implantation de ces nouveaux indépendants ne sont pas toujours connus de l’école. Aussi il est difficile d’établir des statistiques probantes. Dans les cas où l’information est disponible, on observe cependant une corrélation fréquente entre le département d’origine du mutilé et le lieu où il s’établit. Les cas de retour et ou de départ vers un village rural sont nombreux et les cas de migration vers une ville concernent presque exclusivement Rennes, ce qui s’explique certainement par des facilités nées de la fréquentation des milieux économiques locaux lors de la scolarité à Jean Janvier. La rééducation professionnelle préserve donc fréquemment les mutilés des sirènes de la ville verhaerenienne.

Est-ce à dire toutefois que les mutilés vivent exclusivement de ce nouveau métier, lors de leur retour à la vie professionnelle ? Il est permis d’en douter lorsqu’on se penche sur les trajectoires spécifiques de plusieurs mutilés de guerre pour lesquels on dispose de renseignements plus précis, et qui nous autorisent à formuler l’hypothèse selon laquelle la rééducation professionnelle contribue à perpétuer, et même encourage, une forme traditionnelle de l’économie des campagnes françaises, à savoir la pluriactivité rurale. Ce phénomène a été maintes fois étudié par l’histoire sociale du XIXe siècle, jusqu’à être identifié comme une structure caractéristique de la France en voie d’industrialisation, mais aussi d’autres pays suivant le même modèle de développement économique35. C’est ce que C.-I. Brelot et J.-L. Mayaud ont nommé « l’industrie en sabots »36. Cette structure emblématique du XIXe siècle perdure dans de nombreuses régions de France dans le premier XXe siècle, si bien que les premiers – et plus importants concepteurs – identifient rapidement cette polyvalence artisanale et cette complémentarité entre travail agricole et petit métier rural comme des solutions à privilégier quant à la réintégration professionnelle des mutilés de la guerre.

« Dans le même ordre d’idée, pour un très grand nombre de villageois désireux de retourner dans leur pays ou dans celui de la famille, après avoir appris un métier, il est nécessaire de se rendre compte si ce métier les nourrira, si l’agglomération des habitants constituent une clientèle suffisante. Voici un apprenti cordonnier qui veut aller habiter un village de 300 âmes où se trouve sa famille : il faut lui apprendre en même temps des éléments de bourrellerie ; si un autre est déjà bon sabotier, avant de laisser partir on lui montrera sinon à faire des chaussures neuves du moins à ressemeler les vieilles… Pour tous ces petits artisans il faudra faire quelque chose de plus, leur apprendre un peu de jardinage, leur donner les notions de petit élevage, d’apiculture, etc.… ils auront donc un métier principal et, de plus, des connaissances qui leur serviront à vivre la campagne est à pouvoir élever une famille dans de bonnes conditions. […] À tous ceux-la qui constituent une bonne part de la population stable du peuple français et qu’il y a intérêt  à stabiliser encore davantage, nous voulons montrer en outre par quels moyens légaux il est facile de devenir propriétaire d’une maison suffisante pour loger une famille et d’un champ ou d’un jardin pour la  nourrir en grande partie. »37

Ce texte de Jean Camus, grand médecin du début du XXe impliqué dans l’œuvre de rééducation professionnelle38, témoigne d’une convergence idéologique manifeste. Le propos d’un expert reconnu de ce processus est en adéquation avec la vision radicale socialiste qui privilégie une permanence de structures proto-industrielles à la concentration et au développement de grandes structures.

Carte postale. Collection particulière.

Plusieurs profils observés parmi les dossiers rennais correspondent parfaitement à ce schéma et l’on peut en développer quelques-uns.  Yves Coarer39 est un mutilé à 80 % (amputé de la cuisse droite suite à une blessure survenue en 1917 en Argonne) né en 1897 dans les Côtes-du-Nord. Il est marié et a deux enfants. Cultivateur, il entre à l’école Jean Janvier relativement tardivement, sept ans après sa blessure, en novembre 1924. Son dossier indique, dans l’espace dédié à la « profession préparée », deux réponses : une préparation aux emplois réservés et une rééducation en cordonnerie. De fait, il réussit un examen de troisième catégorie en septembre 1925. Cependant, il ne quitte l’école qu’en juin 1926, le temps pour lui d’être rééduqué au métier de cordonnier. A sa sortie de l’école, il est placé comme receveur-buraliste, à Corlaix, une petite commune située à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Saint-Brieuc, mais son dossier mentionne également une activité de « cordonnerie à domicile », une réalité que le registre matricule ne permet pas d’appréhender40. La pluriactivité est donc ici évidente et assumée par l’école, qui a permis à un élève de rester en rééducation près d’une année supplémentaire après sa réussite à l’examen pour un emploi réservé, première motivation de son entrée à l’école. Ce cas est cependant assez original dans la mesure où l’individu en question ne cumule pas une activité agricole d’importance relative à des travaux d’artisanat à domicile, mais bien un emploi salarié, en tant que fonctionnaire. Au-delà du fait que cet exemple permette d’argumenter en faveur du caractère répandu de cette pluriactivité, il montre combien combiner plusieurs activités peut assurer aux mutilés des revenus plutôt importants. Dans le cas d’Yves Coarer, et bien qu’aucune donnée chiffrée ne nous soit accessible, celui-ci cumule sa pension de réforme à 80 %, son traitement de receveur-buraliste et ses éventuels revenus résultant de son activité ponctuelle de cordonnier à domicile.

Cas relativement similaire, celui de Pierre Heulot41,né en 1887. Invalide à 50 % à la suite d’une fracture du fémur droit, survenue à une date qui nous est inconnue42, il entre à l’école de Rennes en avril 1924, afin de se faire rééduquer comme ferblantier, lui qui était cultivateur. A la fin de sa scolarité, en mai 1925, son dossier indique qu’il est nommé cantonnier en Ille-et-Vilaine, mais que parallèlement à cette activité, « il fait un peu de ferblanterie ». Cette formule indique que la profession à laquelle Pierre Heulot est rééduquée ne constitue pas, à sa sortie de l’école, son activité principale, mais bien une profession secondaire, qui vient en appoint d’un travail salarié, et du versement de la pension. Là encore, on ne dispose pas de données chiffrées, mais on peut supposer que grâce à cette triple source de revenus la pension, le traitement de cantonnier et la ferblanterie), les conditions de vie de Pierre Heulot sont considérablement améliorés grâce à son passage dans une école de rééducation.

Si la pluriactivité n’est pas toujours explicitement mentionnée dans les dossiers d’élèves, elle peut être postulée dans les cas spécifiques dits « de rééducation tardives », à savoir ces mutilés qui entrent à l’école plusieurs années après leur blessure. Lorsqu’aucun signe d’aggravation de la blessure originelle n’est décelable à travers les archives, tout laisse à penser que l’activité antérieure à la guerre était encore possible et que le mutilé profite de la rééducation pour diversifier ses compétences, et non pas qu’il y est contraint par sa physiologie. Deux cas nous permettent d’établir une corrélation entre rééducation tardive et évolution vers une pluriactivité. Yves Loriquer43, né dans le Finistère en 1892, quitte le front en 1916, trépané, à Verdun. Pensionné à 60 %, il n’entre cependant à l’école qu’en mars 1927, pour en ressortir en novembre 1928. La longue durée entre la blessure et la rééducation suggère que l’élève a continué d’exercer son activité professionnelle initiale avant d’entrer en rééducation. D’autre part, si douloureuse soit-elle, la blessure d’Yves Loriquer ne présente pas de contre-indication à la poursuite de son activité de cultivateur. Ainsi, sa rééducation comme cordonnier et sa situation de sortie (« placé à son compte ») permettent de formuler l’hypothèse d’un cultivateur qui continuait de vivre après la guerre grâce aux revenus de la terre, lesquels s’ajoutaient à sa pension d’invalidité, mais qui ressent le besoin de compléter ses revenus par l’exercice d’un petit métier artisanal. Tous ces cas individuels témoignent donc d’une préparation manifeste à la pluriactivité rurale par la rééducation professionnelle. Ainsi, l’école Jean Janvier réalise les objectifs définis pendant la guerre par les milieux politiques, médicaux, scientifiques et philanthropiques, appelant de leur vœu une rééducation permettant aux mutilés de regagner les campagnes dans une position de relative liberté économique.

Carte postale. Collection particulière.

L’école de rééducation professionnelle Jean Janvier de Rennes incarne donc de manière exemplaire les mutations du traitement des mutilés dans l’entre-deux-guerres. Elle correspond au schéma de démilitarisation progressive, de rationalisation, et d’uniformisation principielle qui caractérise les centres de rééducation installés entre 1915 et 1916 par le service de santé aux côtés des hôpitaux militaires régionaux. Le fait qu’elle ne sorte jamais du giron des pouvoirs publics, qu’il s’agisse de la municipalité, du service de santé ou surtout de l’Office national, permet ainsi à l’école Jean Janvier d’épouser les principes de la rééducation professionnelle, que ceux-ci soient explicites – retour à la terre, priorité donnée à l’indépendance et aux métiers artisanaux – ou implicites – processus à destination d’abord des classes populaires, encouragement de la pluriactivité.

L’école Jean Janvier est donc une école modèle de l’entre-deux-guerres, par laquelle transitent plus de 3 000 mutilés de guerre ; il s’agit également d’une institution structurante pour ces individus, génératrice de solidarités et de liens durables entre élèves, mais aussi entre élèves et institution. En témoigne l’existence depuis 1919 d’une amicale des anciens élèves, qui dispose d’une section musique, intervenant périodiquement dans les grandes cérémonies patriotiques rennaises. Un ultime exemple illustre ce lien fondamental qui s’établit dans ce cadre qu’est l’école de rééducation professionnelle et l’importance qu’elle revêt dans la vie d’un mutilé de guerre. Le 28 juillet 1932, le mutilé François Guellaff, né en 1887 dans le Finistère, amputé du bras droit après une blessure en 1915 en Belgique, invalide à 100 %, est décoré de la Légion d’honneur44. Ce type de décoration pour les mutilés de guerre se multiplie depuis la loi du 26 décembre 1923 qui stipule que les pensionnés de guerre à 100 % sont y éligibles à la rosette. François Guellaff incarne la réussite d’une rééducation professionnelle dans le domaine de l’instruction générale ; entré en 1919 complètement illettré, il passe deux ans à l’école, durant lesquels il apprend à lire et à écrire jusqu’à réussir un examen lui permettant de devenir marchand de journaux, fonction qu’il occupe encore en 1932, à Rennes. Bien qu’ayant quitté l’école en 1921, c’est dans la cour de celle-ci qu’il choisit de se faire remettre l’insigne de la Légion d’honneur, des mains de Paul Boulanger, qui fut son enseignant et qui est désormais le directeur de l’école. L’événement est salué dans la presse locale comme témoignant de l’institution centrale que représente désormais l’école Jean Janvier dans le champ de la formation rennaise.

Clément COLLARD

Doctorant, Centre d’histoire de Sciences-Po, EA 113.

 

 

 

1 L’Office des pupilles de la nation avait été créé en 1917, celui du combattant en 1926 et ces deux instances fusionnent en 1933 pour former l’Office national des mutilés, combattants, victimes de la guerre et pupilles de la nation, lequel devient en 1946  l'Office National des Anciens Combattants et Victimes de guerre. Sur ces questions, voir MONTES, Jean-François « L'office national des anciens combattants et victimes de guerre. Création et actions durant l'entre-deux-guerres », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 205, no. 1, 2002, p. 71-83.

2 Arch. Muni. Rennes : 4 Q 30.

3 L’école de rééducation professionnelle n’attend pas la mort de l’édile, en 1923, pour associer l’œuvre au nom de Jean Janvier.

4 Sur cette source, voir LAGREE, Michel, HARISMENDY, Patrick , DENIS, Michel (dir.), L’Ouest-Eclair, naissance et essor d'un grand quotidien régional, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000.

5 VIET, Vincent, La santé en guerre, 1914-1918. Une politique pionnière en univers incertain, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.

6 Étudié par LINKER, Beth, War’s Waste. Rehabilitation in World War One America, Chicago, University of Chicago, Press, 2011.

7 Journal officiel, 10 et 11 mai 1918, Circulaire du 6 mai 1918 relative à l’application de la loi du 2 janvier 1918 concernant la rééducation professionnelle et l’Office national des mutilés et réformés de la guerre.

8 Pour une défense convaincante de l’échelle locale d’analyse, voir l’introduction de LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C’était 1958 en Bretagne : pour une histoire locale de la France, Rennes, Editions Goater, 2018, p. 8-17.

9 L’Office national des mutilés dépend à sa création du ministère du Travail ; en réalité, il est chargé de coordonner les efforts de plusieurs ministères intéressés à la rééducation professionnelle : Travail, donc, mais aussi Instruction Publique, Commerce et Industrie, Agriculture ou encore Intérieur.

10 « Revenez à la terre disent les députés des Côtes-du-Nord », L’Ouest-Éclair, 20e année, n°7160, 2 mars 1919, p. 2.

11 « Assistance aux mutilés de la guerre », L’Ouest-Éclair, 17e année, n°6105, 1er mars 1916, p. 3.

12 Le prénom n’a pas été retrouvé.

13 Voir la cote qui lui est consacrée aux archives départementales du Morbihan : 5 ETP 33, « École des mutilés de Lorient ».

14 « Ecole des mutilés de guerre », L’Ouest-Éclair, 17e année, n°6109, 5 mars 1916, p. 5.

15 « Ecole des mutilés », L’Ouest-Éclair, 17e année, n°6160, 24 avril 1916, p. 3.

16 « Au Conseil général », L’Ouest-Éclair, 17e année, n°6200, 4 mai 1916, p. 5.

17 BITTARD, A-.-L., Les écoles de blessés, Paris, Librairie Felix Alcan, 1916, p. 101.

18 « Chez les mutilés », L’Ouest-Éclair, 19e année, n°5898, 22 septembre 1918, p. 4.

19 On peut trouver un éloge de la ferblanterie comme métier le plus adapté au « mutilé rural » dans un texte de Maurice Barrès, qui cite en 1915 l’industriel parisien Charles Kula, dans La fédération nationale d’assistance aux mutilés des armées de terre et de mer, Paris, Imprimerie nouvelle, 1917, p. 84.

20 En vertu de la loi du 17 avril 1916, voir LEGRAND, Albert, La législation sur les emplois réservés, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1940.

21 Voir notamment MONTES, Jean-François, 1915-1939, (re)travailler ou le retour du mutilé : une histoire de l’entre-deux guerres, Nantes : Association pour la réhabilitation professionnelle par le travail protégé, Centre A.N.R.T.P "Le routeur", 1991.

22 Arch. Mun. Rennes : 4 Q 31.

23 Les deux fonctions allaient alors de pair.

24 Arch. Mun. Rennes : 4 Q 30.

25 « Quelques heures au milieu des grands élèves de l’école de la place Saint-Mélaine », L’Ouest-Éclair, 33e année, n°12806, 29 novembre 1931, p. 4.

26 Sur Paul Boulanger, voir son dossier d’inspection conservé par Arch. dép. I&V : 12 T 23 ainsi que son dossier de légion d’honneur : Arch. Nat. : LH n°19800035/0175/22591. Bien qu’il soit lui aussi chevalier de la légion d’honneur, le dossier de Jean Le Lay n’est pas consultable.

27 « Obsèques », L’Ouest-Éclair, 31e année, n°10258, 28 novembre 1929, p. 6.

28 Il serait également pertinent d’étudier en profondément les armes de provenance de ces mutilés bretons, tant on sait que ce critère fait varier le risque de mort et/ou de blessure : l’infanterie légère étant ainsi infiniment plus « dangereuse » que l’artillerie.

29 PROST, Antoine, Les anciens combattants et la société française (1914-1939), Paris, Presses de la FNSP, vol. I, p. 20.

30 Nous reprenons ici la localisation administrative exacte de l’école, alors même que toutes les sources (notamment ERNEST-CHARLES, Jean, La rééducation professionnelle des mutilés et l’Union des colonies étrangères en France, préface de GODART, Julien, Paris, Union des colonies étrangères en France, 1917) indique que la ferme de Champagne se situe à Juvisy.

31 « Pour les mutilés de guerre », L’Ouest-Éclair, 18e année, n° 3218, 11 août 1916, p. 2.

32 Revue du notariat et de l’enregistrement, n° 57, 1916, p. 690 ; Journal du notariat, 11 janvier 1917, p. 350.

33 Le tableau peut donner l’impression d’une confusion entre métier (sabotier, cordonnier, etc.) et statut (emplois réservés) pouvant regrouper une multitude de professions. Cela tient au respect des mentions trouvées sur le dossier de chaque élève, et qui fait référence non pas à la profession exercée après la rééducation, mais à la formation dispensée par l’école. Ainsi, « emplois réservés » est une appellation qui renvoie à un ensemble de cours d’instruction générale propédeutiques à l’ensemble des examens et, parallèlement, « cordonnier » renvoie à l’atelier de cordonnerie.

34 Cela pourrait néanmoins s’envisager par une confrontation systématique aux informations des registres matricules, qui ne sont toutefois pas toujours exhaustifs quant à la profession de l’individu sur le temps long.

35 Pour un exemple étranger, voir DEWERPE, Alain, L’industrie aux champs : essai sur la proto-industrialisation en Italie du Nord : 1800-1880, Rome, École française de Rome, 1985.

36 BRELOT, Claude-Isabelle et MAYAUD, Jean-Luc, La taillanderie de Nans-sous-Sainte-Anne (Doubs), Paris, Garnier, 1982.

37 CAMUS, Jean et al., Rééducation fonctionnelle et professionnelle des blessés, préface de GODART, Justin, Paris, Librairie J.-B. Baillière, 1917, p. 27.

38 Jusqu’à être nommé au conseil d’administration de l’Office national des mutilés, dès 1918.

39 Archives de l’École Jean Janvier (AEJJ): dossier n° 582 : Yves Coarer.

40 Arch. dép. Finistère : 1R1814, matricule n°1051.

41 AEJJ: dossier n° 1450 : Pierre Heulot.

42 Curieusement sa fiche matricule (Arch. dép.  I&V : 1 R 2029, matricule n° 2229, fait état d’une réforme en 1914 pour une maladie pulmonaire.

43 AEJJ: dossier n° 2336 : Yves Loriquer.

44 Arch. nat : LH, n°19800035/0017/2194.