L’Equipe En Envor publie : C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France

Forts du succès rencontré par C’était 1936. Le front populaire vu de Bretagne, Erwan Le Gall et François Prigent récidivent en s’attaquant cette fois-ci, mais toujours aux éditions Goater et accompagnés par quelques-uns des plus fins connaisseurs de la période (Christian Bougeard, Gilles Richard, Marie-Pierre Wynands, Yves-Marie Evanno, Lydie Porée, Fabrice Marzin, Paul Boulland, Thomas Perrono, Charlotte Gobin…), à 1958. Moment charnière et période éminemment complexe, cette année se singularise par une vaste reconfiguration politique et constitutionnelle sur fond de guerre d’Algérie. Pourtant, au-delà de la crise du 13 mai et du retour au pouvoir du général de Gaulle, 1958 demeure mal connue et, plus grave sans doute encore, comprise.

Dans cette optique, analyser cette année cruciale au prisme  de la péninsule armoricaine s’avère essentiel. La Bretagne rappelle en effet combien cette fin des années 1950 est parfois bien éloignée de ces Trente Glorieuses inventées par Jean Fourastié. A Fougères par exemple, la crise de la chaussure dit toutes les difficultés d’une économie qui peine à se restructurer tandis que pour l’importateur de vin nord-africain Hervé Nader, la perspective de la perte de l’Algérie est impensable. Bien qu’éloignée de plusieurs centaines de kilomètres de la Méditerranée, la Bretagne ne vit donc nullement à l’écart de ce que l’on nomme encore les « événements » d’Algérie, ne serait-ce que parce que nombreux sont les appelés à y être envoyés pour « maintenir l’ordre ». Mais il n’y pas que cela. Mentionnons ainsi la mise en résidence surveillée à Belle-Île de Messali Hadj, sorte d’exil breton qui contraste singulièrement avec les mobilisations que l’on peut observer à Saint-Nazaire en faveur des travailleurs nord-africains. En réalité, ces années 1958, comme on parle aujourd’hui d’années 1968, sont une période de basculement. C’est un moment d’accélération de la culture médiatique féminine conjugué à une phase qui, par bien des égards, s’apparente à une sorte de paralysie syndicale. Le champ politique lui-même se recompose et, à bien y regarder de plus près, tout invite à se demander si les mutations de la démocratie chrétienne ne sont pas, quelque part, le point de départ de la vague rose de 1977.

En définitive, analyser 1958 à partir de la péninsule armoricaine, c’est délivrer une proposition historiographique qui pourrait s’apparenter à une sorte de plaidoyer pour une histoire locale de la France. Il ne s’agit bien entendu pas de revenir sur les acquis décisifs de l’histoire connectée mais de rappeler que 1958 ne s’écrit pas uniquement à Paris et Alger mais également à Marseille, Lyon, Bordeaux, Lille… et aussi en Bretagne.

 

LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France, Rennes, Editions Goater, 2018.

 

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Table des auteurs

 

Introduction: Pour une histoire locale de la France.