Avec les Bretons dans les batailles de 1916

Verdun… La grande bataille de l’année 1916 tient une place à part dans la mémoire de la Grande Guerre, en Bretagne comme ailleurs en France. Sa durée – 10 mois, entre le 21 février et la mi-décembre 1916 pour l’essentiel, même si les combats s’y poursuivent en 1917 –, le nombre de ses victimes, la masse des armements mobilisés lui ont conféré un statut spécifique aux yeux de ceux qui y ont combattu.

Quelque part au sud de Douaumont, en 1916. BDIC: VAL 206/040.

Il ne pouvait être question, pour En Envor, de ne pas s’arrêter sur ces opérations d’une ampleur pour une part inédite, notamment parce que les Bretons – et, notamment, les régiments bretons – sont très directement concernés. Quatre des six divisions des 10e et 11e corps d’armées – les 19e, 21e, 22e et 60e DI – combattent à Verdun au cours de l’année 1916, les deux autres – les 20e et 61e DI – étant engagées dans la Somme pendant l’été. En cela d’ailleurs, ces unités bretonnes ne se distinguent guère de celles mobilisées ailleurs en France en 1914 puisque 80 % des régiments de l’armée française participent à la défense de la sous-préfecture de la Meuse au cours de cette année 1916. De quelques jours, comme pour les 41e et 241e RI de Rennes en juin, à plusieurs mois, à l’instar des quatre régiments de la 19e DI, présents des derniers jours de février à août 1916, ces unités se battent autour du Mort-Homme, sur la cote 304, à proximité de Douaumont et de Fleury, participent à la reconquête du fort de Vaux en novembre.

« Jamais je n’ai été témoin d’un tel bombardement » écrit dans ses carnets un poilu du 19e RI de Brest, quelques jours à peine après son arrivée à Verdun. « Celui qui n’a pas fait Verdun n’a pas fait la guerre » considère un officier du 62e RI, le régiment de Lorient, alors engagé dans le secteur du bois Nawé. Et l’on trouverait nombre d’autres témoignages de ce type pour attester que l’expérience qu’ils vivent là est sans rapport avec ce qu’ils avaient pu connaître – ou de ce qu’ils pensent avoir connu – jusqu’alors, en Belgique, sur la Marne, dans les tranchées d’Artois ou dans celles de Champagne. Pourtant, à y regarder de plus près, la réalité est plus complexe. A Quéménéven, seuls cinq des 89 morts de la commune ont été tués à Verdun en 1916, parmi lesquels Yves Trellu, sous-lieutenant au 4e RI, ou encore Yves Le Baut, du 118e RI. Si Verdun ne représente donc, dans cette petite commune de Cornouaille, « que » 5,6 % des morts, certains pourront objecter – non sans raisons – que l’échantillon est pour le moins réduit. Il est cependant, dans ses proportions, assez comparable à ce que l’on peut trouver dans d’autres communes du Finistère ou de Bretagne : 6,8 et 8,1 % à Lambézellec et Ergué-Gabéric (Finistère), 6,1 et 7,1 % à Languidic et Landévant (Morbihan), 6,5 % à Acigné et Plélan-le-Grand (Ille-et-Vilaine) etc.

Diplôme de mort pour la France d'Yves Le Baut, avec portrait. Collection Yveline Legrand.

En revanche, 8 des 89 morts de Quéménéven ont été tués lors de l’offensive de la Somme (8,9 %), bien plus qu’à Verdun donc, alors même que les combats ne durent ici qu’à peine quatre mois, entre le 1er juillet et mi-octobre 1916. Et l’on trouverait des résultats similaires à Ergué-Gabéric par exemple. Aussi ne pouvait-il être question, pour En Envor, de passer à côté de ces combats de la Somme, que nous étudierons donc en parallèle à ceux de Verdun dans la série d’articles que nous vous proposerons en cette année 2016.

Verdun et la Somme ne résument pas cependant tout 1916. En Champagne, à Berry-au-Bac autour de la cote 108, en Argonne, les combats se révèlent parfois très meurtriers alors que les tactiques de l’ennemi évoluent, que les structures de l’armée française s’adaptent aux nouvelles réalités de la guerre : passage à trois bataillons de tous les régiments, création des CID, dissolution des premiers régiments – à l’instar du 271e RI de Saint-Brieuc en juin 1916 –, adoption du canon de 37, du FM Chauchat, les exemples ne manquent pas.

Carte postale. Collection particulière.

C’est donc de cette histoire, de ces évolutions qu’En Envor voudrait rendre compte dans les prochaines semaines et dans les prochains mois en descendant, chaque fois que possible, à l’échelle des acteurs de ces événements : le combattant du 270e RI sur les pentes du Mort-Homme en mars 1916, le poilu de la 22e DI au Bois Nawé en avril, le réserviste de la 60e DI à Thiaumont en juillet, celui de la 61e DI sur la Somme au même moment… Nous n’en oublierons pas pour autant les fantassins engagés dans des coups de main de plus en plus audacieux en Argonne ou dans la guerre des mines dans le secteur de la cote 108, non plus d’ailleurs que les civils restés en Bretagne.

En un mot, notre objectif est simple : rendre compte dans toute sa diversité de cette année sans pareille… 

Yann LAGADEC

 

Les poilus de Chavagne

Chavagne est un petit bourg des environs de Rennes comme il en existe tant d’autres. Et c’est justement ce qui en fait un observatoire privilégié des répercussions de la Première Guerre mondiale. Car, contre toute attente, l’impact de l’année 1916, cette année des titanesques batailles de Verdun et de la Somme, s’y révèle bien particulier. Mais de là à affirmer qu’il est spécifique…

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Saint-Brieuc sous le feu des U-Boot ?

Si, contrairement à ce qu’affirme la presse bretonne en septembre 1916, aucun sous-marin allemand ne canonne la côte bretonne, cette rumeur constitue un objet historique particulièrement intéressant. En effet, ce sont bien là, d’une certaine manière, les peurs de la population qui de la sorte se dévoilent, rappelant que le danger peut toujours venir de la mer.

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Landerneau et Verdun

A Landerneau comme partout ailleurs en Bretagne et en France, les hommes mobilisés combattent à Verdun, mais également sur la Somme. Or la réalité de leur expérience combattante s’écarte parfois largement de la représentation que l’on peut usuellement en avoir, comme pour mieux nous rappeller qu’histoire et mémoire sont deux notions distinctes.

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le 71e RI remonte en ligne à Verdun

Bien que présent déjà depuis plusieurs mois dans le secteur de Verdun, le 71e régiment d’infanterie de Saint-Brieuc remonte une nouvelle fois en ligne, le 8 août 1916. La mission assignée à cette unité ? Prononcer une contre-attaque afin de récupérer le terrain perdu sous l’effet du fameux Trommelfeuer allemand, le feu de Verdun. Une opération qui se solde avec un terrible bilan.

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La mort plutôt que Verdun ?

Loin des polémiques trop souvent stériles d’une mémoire collective ayant prétention à « réhabiliter » les victimes, les fusillés de la Première Guerre mondiale constituent non seulement un passionnant sujet d’histoire mais de surcroît un terrain très fécond, pour qui sait opérer au niveau micro-analytique. C’est ce que rappellent quatre fusillés du 64e régiment d’infanterie d’Ancenis.

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1er juin 1916 : le 71e RI attaque

Cent ans après la Première Guerre mondiale, Verdun est encore synonyme de guerre industrielle, de champ de bataille déshumanisé, où les poilus sont littéralement ensevelis sous des tonnes d’obus de gros calibres. Les six mois que passe le 71e régiment d’infanterie de Saint-Brieuc invitent pourtant à nuancer cette représentation, la réalité se révélant en réalité plus complexe.

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Mai 1916 : Les 41e et 241e RI à l’action

En mai 1916, les 41e et 241e régiments d’infanterie de Rennes sont à la fois proches et loin des tumultes de Verdun. Tenant des tranchées en Argonne, à 30km plus à l’ouest, les poilus de ces deux unités font surtout face à des conditions de combat qui sont bien différentes. Mais les dangers demeurent immenses, les hommes devant faire face à de redoutables coups de main de l’ennemi.

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Verdun à front renversé

Pour les Allemands, la bataille de Verdun est indissociable d’une métaphore animalière, l’armée française étant assimilée à une bête saignée à blanc. Mais cette vision est également partagée par la presse bretonne, L’Ouest-Eclair voyant dans les attaques répétées des Allemands sur Verdun un danger évident pour les troupes du kaiser, qui risquent de s’y faire à leur tour saigner à blanc par l’opiniâtre défense des poilus.

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La 22e DI cède au bois Nawé

Avril 1916 est de sinistre mémoire pour la 22e division d’infanterie. En deux jours de combats extrêmement violents, les 116e, 62e, 118e et 19e RI encaissent les coups de boutoirs incessants des Allemands et, submergés par une préparation d’artillerie d’une rare intensité, perdent du terrain et cèdent même le secteur du Bois Nawé. Retour sur ces quelques heures au cœur de la guerre industrielle.

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« Monter à Verdun » : 28-30 mars 1916

C’est à la fin du mois de mars 1916 que la 22e division d’infanterie, composée notamment du 19e RI de Brest et des 62e et 116e RI de Lorient et Vannes, monte à Verdun. L’emploi de ce verbe n’est pas neutre et dit bien le véritable chemin de croix qu’est, pour les poilus, l’arrivée sur le champ de bataille. Avant même que ne débute l’expérience combattante proprement dite.

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14 mars 1916 : un bataillon submergé

Le Mort-Homme est un lieu qui porte bien son nom. En pleine bataille de Verdun, le 14 mars 1916, le cinquième bataillon du 270e régiment d’infanterie de Vitré y est confronté à de redoutables bombardements, alliant projectiles de – très – gros calibre et obus à gaz. En quelques heures, l’unité perd plus d’hommes qu’elle n’en avait perdu depuis le début du conflit, comme un symbole de cette industrialisation croissante de la guerre.

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la mort au bout du poignard…

Industrielle, la Première Guerre mondiale est aussi un conflit où l’on se tue avec des armes beaucoup plus rudimentaires, et parfois même à l’arme blanche. Baïonnettes et couteaux de tranchées sont d’ailleurs à l’origine de nombreux mythes sur lesquels revient Yann Lagadec, démêlant le faux du vrai, reprenant ce dossier sensible à partir des archives des poilus bretons.

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