Six mois en Champagne ou le « très long 1915 » du 47e régiment d’infanterie. 1er janvier – 25 juin 1916

 

Le 21 février 1916 est assurément une date essentielle en ce que le déclenchement de l’offensive allemande sur Verdun signe le basculement vers une guerre encore plus industrielle, comme une sorte d’hyperbataille. Pourtant, l’exemple du 47e régiment d’infanterie qui se trouve à cette époque en Argonne, à quelques dizaines de kilomètres de la Meuse, invite à nuancer l’ampleur de cette rupture et à interroger la possibilité d’un « très long 1915 ».

Par Erwan LE GALL

 

Dans un ouvrage paru en 2010 mais n’ayant malheureusement rencontré qu’un discret écho, l’historien irlandais J. Horne propose le concept de « long 1915 » qui, chronologiquement, s’étendrait « du début de la guerre de positions en septembre 1914 jusqu’à la grande tentative allemande d’écraser les Français à Verdun »1. Pour cet auteur, cette période charnière marque « la véritable initiation des soldats français aux nouvelles réalités de la guerre et représente un tournant par rapport aux prévisions de la guerre »2.

Séduisante, cette grille de lecture rappelle combien l’historien a besoin de périodiser le passé pour le rendre plus intelligible mais également combien cet exercice est quelque part artificiel. En effet, de la même manière que l’on ne bascule pas en quelques heures, dans la nuit du 1er août 1914, dans le XXe siècle3, l’exemple du 47e régiment d’infanterie (RI) de Saint-Malo amène à nuancer la grille de lecture proposée par J. Horne. Cette unité est d’ailleurs à l’image d’une armée française qui, encore engluée dans la crise des munitions, déclare lors de la conférence de Chantilly n’être en mesure de participer aux offensives coordonnée décidées par l’Entente qu’à l’horizon de la mi-1916. De ce point de vue, le contraste est manifeste avec la réussite industrielle allemande, Berlin étant capable de produire à l’automne 1916 330 pièces d’artillerie lourde par mois4. Ce faisant, il ne s’agit pas ici de minorer l’importance de la bataille de Verdun mais bien de rappeler que tous les belligérants, et par conséquent toutes les parties du front, ne sont pas astreints au même régime de temporalité. Occupant jusqu’à la fin du mois de juin 1916 les mêmes positions que l’année précédente, le régiment de Saint-Malo le rappelle efficacement.

Carte postale. Collection particulière.

Mis à la disposition le 20 janvier 1916 de la 131e division d’infanterie (DI), division placée sous l’autorité du général commandant le 10e corps d’armée, le 47e RI occupe des tranchées situées à l’est de Vienne-le-Château, en Argonne, non loin du célèbre ravin de la Houyette5. Confronté à un terrain des plus difficiles mais qui rappelle plus les grignotages de 1915 que la terre labourée par les obus de la guerre de matériel, les hommes témoignent d’une grande activité même si les combats sont rares. Un paradoxe qui n’est pas sans rappeler celui de l’artillerie, plus présente en ce « très long 1915 » mais aussi moins efficace.

 

Difficultés du terrain et importance des défenses accessoires

Le secteur qu’occupe le 47e RI de janvier à juin 1916 est des plus ingrats. A la terre labourée par les projectiles, il faut en effet rajouter de fortes précipitations qui ne font qu’empirer la situation, ce qu’explique sans détour le 13 février 1916 le rédacteur du journal des marches et opérations (JMO) : « Nos unités travaillent activement à la réfection des tranchées et boyaux détruits à la fois par les minen et par l’inondation »6. Formule à la fois révélatrice de la complexité du champ de bataille sur lequel évolue l’unité et trompeuse, puisqu’elle ne dit finalement rien de l’importance des défenses accessoires et de la permanence de ces travaux.

Un réseau de tranchées particulièrement dense et complexe

Le 20 janvier 1916, le 47e RI relève le 71e de Saint-Brieuc dans le sous-secteur de la Tour d’Auvergne, non loin du ravin de la Houyette. Rien qu’une telle appellation dit bien toute la complexité du front en ce début 1916, les tranchées n’ayant plus rien à voir avec ce à quoi pouvait renvoyer cette appellation lors des premières semaines de la guerre. La description qu’en donne le rédacteur du JMO du 47e RI en est d’ailleurs une excellente illustration. Ce document explique en effet que ce sous-secteur comporte des tranchées de première ligne et de soutien mais également des ouvrages fermés, des abris souterrains pour les unités en réserve ainsi qu’une voie Decauville7.

Canevas de tir de l’artillerie de la 131e division d’infanterie, 10 janvier 1916.

Ce véritable dédale est d’autant plus complexe que l’environnement porte les stigmates de la guerre. Conservée à la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, une photographie du ravin de la Houyette prise le 1er juin 1916 montre un paysage calciné où seuls subsistent des ébauches de troncs, résultats de nombreux tirs d’artillerie8. D’autres clichés, faisant partie des fameux albums Valois de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), laissent voir le secteur de Servon au début des mois de janvier et février 1916, là où le 47e RI attaque lors de l’offensive du 25 septembre 19159. Là encore, les arbres paraissent témoigner de la violence du conflit même si ces instantanés ne peuvent être désolidarisés du système de représentations qui préside à leur création : en immortalisant des fruitiers, ce sont bien les atteintes à la production agricole française que souhaite dénoncer l’opérateur10. Pour autant, la réalité qui émane de ces clichés ne parait en rien comparable avec la topographie du champ de bataille de Verdun, « immense désert grêlé de trous d’obus jointifs »11. En Argonne, le 21 février 1916 ne parait pas induire une modification profonde de l’état des lieux12. Certes, une semaine avant le déclanchement de la bataille de Verdun, le rédacteur du JMO du 47e RI note :

« Bouleversées par les mines, nos tranchées sont encore détruites par la pluie et leur réfection exige un travail considérable fait en grande partie la nuit. Les boyaux sont difficilement accessibles, malgré tous nos efforts. »13

Pour autant, jusqu’à l’été 1916, lignes et boyaux subsistent, et pas uniquement sur les plans savamment tracés par les états-majors. C’est d’ailleurs ce que confirment les archives privées du brancardier du 47e RI Emile Le Guen, un jeune paysan originaire de Plouha, dans les Côtes-du-Nord, que la mobilisation générale trouve à Saint-Malo en train d’effectuer son service militaire. Dans une lettre adressée à sa sœur Reine le 15 février 1916, il explique :

« Les tranchées sont pitoyables : on a beau y chasser l’eau elles se remplissent aussitôt. Aussi tu vois d’ici quelle vie pour ceux qui sont contraints de guetter jour et nuit au créneau. Les pauvres poilus qui arrivent tous les jours au poste de secours pour y passer la visite sont couvert de boue depuis les pieds jusqu’à la tête : en première ligne les abris s’effondrent de ce temps-là. »14

De même, dans le carnet qu’il tient pendant toute la première partie de l’année 1916, Emile Le Guen ne cesse de mentionner l’existence de tranchées et autres boyaux15. Ainsi, pour éprouvante qu’elle soit sur un terrain aussi bouleversé et mouvant, l’expérience des fantassins du 47e RI ne parait pas devoir être mise sur le même plan que celle des combattants de Verdun. En effet, si les bataillons du régiment malouin alternent les séjours en première, deuxième ligne et cantonnement de repos, ce cycle assimilable à une sorte d’assolement triennal des tranchées16 ne parait pas être comparable à la noria qui prévaut au bout de la Voie sacrée et qui est imposée par la combustion quasi spontanée des troupes sous l’effet du Trommelfeuer. En Meuse, ce sont les pertes qui dictent le mouvement des troupes, afin que les rangs des unités présentes sur le champ de bataille ne soient pas trop dégarnis, alors qu’en Argonne le 47e RI reste pendant six mois dans le même secteur. Là est une grande différence avec les combattants de Verdun qui, alternance des divisions oblige, « ont beaucoup de peine à se repérer sur un terrain qu’ils découvrent et sur lequel ils se perdent souvent »17. C’est d’ailleurs bien ce que nous souhaitions signaler avec notre ami Y. Lagadec dans un article portant sur les 41e et 241e RI, deux unité rennaises occupant des lors du premier semestre 1916 des tranchées proches de celles du 47e RI :

« L’Argonne n’est donc pas un de ces secteurs tranquilles qui parsèment le front. Mais le Four de Paris ou le bois de la Gruerie, que les 41e et 241e quittent le 9 juin, n’ont rien de commun avec ce qu’ils vont découvrir à Verdun, à compter du 25. »18

Importance des défenses accessoires

Une des grandes difficultés du secteur du ravin de la Houyette que tient le 47e RI réside en la faible profondeur du no man’s land et, par conséquent, en la proximité des lignes françaises et allemandes. C’est ainsi que le 16 mars 1916 les fantassins peuvent entendre des « cris de douleur » jaillir d’un abri allemand bombardé par les pièces de 7519. Dans ces conditions, on comprend aisément l’extrême importance des obstacles, le plus souvent métalliques, dressés en avant des tranchées afin de les protéger de toute incursion ennemie, éléments rangés sous le terme générique de « défenses accessoires ». La note produite trois jours plus tard, le 19 mars 1916, par le général Duport commandant la 131e DI est à cet égard particulièrement intéressante. Concis, ce texte demande que le « renforcement » et la « réfection » des défenses accessoires soient « constamment poursuivis » mais s’attache aussi aux dispositifs d’alarme en cas d’assaut ennemi :

« Il y a lieu de signaler à ce sujet que pour rendre plus certain le signal d’alerte, il serait désirable, les fusées sur chevant pouvant être détruites ou enterrées par le bombardement, que les unités de première ligne soient munies de fusils ou pistolets lance-fusées et de cartouches fusées signaux qui sont d’un emploi plus facile et d’une conservation plus assurée. »20

Conséquence directe de la faible profondeur du no man’s land, les travaux nécessaires à l’installation ou l’entretien des défenses accessoires sont particulièrement dangereux. C’est ce que rappelle cette anecdote consignée à la date du 9 avril 1916 dans le JMO du 47e RI :

« Pendant le bombardement au cours duquel une fusée étoilée couleur orange a été lancée par l’ennemi au nord de la tranchée de [illisible] le sergent Henry […] a fait une constatation intéressante. Un gradé allemand après voir levé très prudemment la tête au-dessus de la tranchée a disparu puis s’est découvert jusqu’à la poitrine 10 mètres plus à gauche. Salué par deux balles tirées par le sergent Henry, l’Allemand a disparu définitivement. »

Aussi, c’est presque sans surprise que l’on apprend que ce même 9 avril 1916 un détachement du 47e RI parti poser du réseau brun est la cible de coups de feu tirés des lignes allemandes21. Autre exemple, ce soldat de la 12/47e RI qui est « très grièvement blessé », le 6 mai 1916, en plaçant des défenses accessoires sur un point particulièrement exposé au feu ennemi »22. Ces ustensiles, et de manière générale tout ce qui permet de se protéger, ont une telle importance qu’ils conduisent certains à prendre de grands risques, et la bataille de Verdun ne change rien à cet état de fait. Le 4 avril 1916, le rédacteur du JMO du 47e RI rapporte ainsi que « manquant de matériel pour couvrir leurs abris nos hommes ont à l’insu de l’ennemi amené dans nos lignes et utilisé des rondins provenant de la démolition de la Cathédrale », surnom donné à un important ouvrage ennemi23. Il ne s’agit d’ailleurs pas là d’un exemple unique puisque deux jours plus tard ce sont deux tôles que prélève au même endroit une patrouille24.

Des travaux constants

L’activité allemande n’est bien entendu pas sans effets sur les travaux à effectuer. Le 28 janvier 1916, c’est ainsi à la suite d’un « bombardement violent pendant deux heures » que les tranchées du sous-secteur qu’occupe alors l’unité sont « en partie bouleversées »25.  Le 12 avril 1916, c’est une tranchée de première ligne qui est comblée par les projections de terre résultant de l’explosion d’obus de 105 et 150 allemands. Et encore, ce jour-là, le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd puisque ces projectiles parviennent à défoncer une sape – heureusement inoccupée – ainsi qu’un abri à munitions26. Pour autant, la situation qui prévaut en ce premier semestre 1916 dans le secteur du ravin de la Houyette ne parait pas pouvoir être mise sur le même plan avec ce que les hommes endurent à Verdun. D’ailleurs, plus que les obus allemands, ce sont les conditions météorologiques qui en février 1916 causent le plus de dommages aux tranchées qu’occupent le 10e corps : « Dans les secteurs on lutte contre l’envahissement de l’eau, pluie et tempête font rage depuis 36 heures – on signale une crue sans précédent de l’Aisne et de la Biesme »27.

Carte postale. Collection particulière.

Il ne faut pas éluder toute la dimension psychologique que peut avoir cette guerre de terrassiers. Le rédacteur du JMO du 47e RI rapporte ainsi le 24 février 1916 que « les tireurs ennemis s’amusent à crever nos sacs à terre à coup de fusil »28. L’intention allemande est ici clairement de provoquer la lassitude des poilus, de les forcer à perpétuellement reprendre leur ouvrage, tel Sisyphe et son rocher. Aussi, dans ce siège mutuel qu’est la guerre des tranchées, les travaux de l’ennemi deviennent des objectifs et, le 24 janvier 1916, le rédacteur du JMO du 47e RI se félicite par exemple du « tir efficace de nos 58 sur des travaux ennemis »29. Le 6 février 1916, il est question de tirs de l’artillerie de tranchée sur les « travaux ennemis »30.

Des réalisations ennemies à l’ennemi lui-même il n’y a qu’un pas et celui-ci est allègrement franchi le 29 janvier 1916, jour où il est question du « tir très efficace de notre artillerie […] sur des travailleurs allemands »31. Le 6 mars 1916, c’est « un groupe d’une quinzaine d’Allemands » qui est surpris en train de poser « des chevaux de frise sur une longueur de 25m environ ». La réaction ne se fait pas attendre et les fantassins du 47e RI ouvrent le feu « par deux fois », forçant la corvée allemande à « rentrer dans ses lignes »32. Même chose le 8 avril où l’artillerie cible « un groupe de travailleurs ennemis en train de creuser une tranchée »33. Un autre est dispersé le 15 avril, mais est cette fois-ci dispersé à coupes de « balles » et de « chevrotines »34. En définitive, ces engagements rappellent que le terrain qu’occupe le 47e RI lors du premier semestre 1916 est difficile, avec un sous-secteur non seulement complexe mais proche des lignes allemandes. Pour autant, la situation des fantassins ne saurait en aucun cas être assimilée à la fournaise qui prévaut au même moment à Verdun.

 

Une activité militaire réduite ?

Si le 47e RI concentre l’essentiel de son activité à l’entretien de ses lignes et défenses accessoires, il en est également de même pour les troupes situées de l’autre côté du no man’s land. C’est ainsi que, le 21 février 1916, jour du déclenchement de la bataille de Verdun et fin théorique du « long 1915 » tel qu’exposé par J. Horne, le JMO de l’unité remarque que « l’infanterie allemande semble surtout préoccupée de la remise en état de ses tranchées »35. Pour autant, il serait sans doute hâtif d’en conclure à une activité militaire réduite à la portion congrue. Les archives évoquent en effet de multiples coups de main, opérations pouvant parfois se révéler complexes, et accordant de manière générale une grande importance à la recherche de renseignements.

Pas d’offensives mais des coups de main

La note que produit le 18 avril 1916 le général Duport, pour réclamer l’installation d’un stand de tir pour l’entraînement des mitrailleurs de la division qu’il commande, dit bien le type de combats auxquels sont à cette époque confrontés les fantassins du 47e RI. Loin des vagues sans cesse renouvelées des assauts de Verdun, c’est à des engagements sporadiques, coups de mains épisodiques qu’ils sont confrontés. Il en résulte une activité limitée, bien souvent circonscrite à quelques fractions du régiment, réalité qui précisément vient à l’appui de la demande du général Duport :

« L’existence de ce stand permettrait de faire exécuter aux sections de mitrailleuses en réserve dans le Secteur quelques tirs qui leur seraient fort utiles car nos mitrailleurs ont bien rarement l’occasion de tirer, leur habileté, leur entraînement s’en ressentent. Or il convient de ne pas oublier que ‘la valeur d’une arme repose avant tout sur l’instruction professionnelle de ceux qui servent’ (note n°8360 du GQG relative aux fusils mitrailleurs). »36

La citation à l’ordre à l’ordre de la IIIe armée que reçoit en avril 1916 le sergent-fourrier Henri Vidal de la 4/47e RI est caractéristique du type d’opérations menées en Champagne lors du premier semestre 1916.

« Sous-officier d’un courage à toute épreuve, volontaire pour toutes les missions périlleuses. Dans la nuit du 22 au 23 mars 1916 faisant partie d’une patrouille chargée de reconnaître un petit poste allemand, s’est précipité avec ses hommes sur les sentinelles qui ont été enlevées sans coup férir. »

Ces engagements de petite envergure laissent une large part à l’improvisation et reposent pour une grande partie sur le discernement et les facultés d’adaptation des combattants. C’est d’ailleurs ce que souligne la citation accordée pour les mêmes faits au sous-lieutenant Pierre Adam :

« Très brillant officier qui joint à une grande bravoure un calme réfléchi. A su inspirer à ses hommes une confiance absolue. Dans la nuit du 22 au 23 mars 1916 a combiné avec intelligence et exécuté avec la plus grande hardiesse sur un petit poste allemand un coup de main qui l’en a rendu maître. »38

Ces coups de main sont en effet caractéristiques de l’immobilisme d’un front où l’on se bat désormais pour quelques mètres. Or le déclenchement de la bataille de Verdun ne change rien à cette réalité qui naît avec la fin de la guerre de mouvements, à l’automne 1914. C’est ainsi que le 7 février 1916, le rédacteur du JMO du 47e RI se félicite de ce que « deux commandants de compagnie ont à la faveur de la nuit poussé chacun un petit poste dans un entonnoir situé devant leurs lignes »e.  Il en est également de même du côté allemand. Si le récit que donnent les archives françaises de l’opération du 3 mai 1916 peut paraitre impressionnant puisqu’il est fait mention d’une soixantaine d’hommes asphyxiés par les gaz de combat, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une opération de faible ampleur, se bornant en réalité à une incursion dans la première ligne du 47e RI et à la capture de quelques fantassins du régiment malouin40.

Revue de masques contre les gaz au cantonnement. BDIC: VAL 230/075.

Il ne faut pas négliger l’évidente dimension psychologique de cette guerre qui pratique volontiers l’intoxication grossière. Ainsi, le 26 février 1916, le 47e RI riposte à un « factum grossier et mensonger » jeté en première ligne par les Allemands en leur adressant un billet non moins vindicatif :

« Nous prendrons Metz avant que vous ne preniez Verdun et nos chiens se nourriront longtemps de vos cadavres. »41

Verdun semble bien être dans tous les esprits. Le ravin de la Houyette étant situé à une trentaine de kilomètres environ du Mort-Homme, il est d’ailleurs probable que les hommes du 47e RI entendent la bataille d’artillerie et en aperçoivent quelques lointains effets tels que panaches de fumées et lueurs d’explosions. Ce, bien entendu, sans évoquer les inévitables bobards qui parcourent les tranchées. Pour autant, la réalité du champ de bataille de Verdun ne saurait être exportée à l’ensemble du front, sitôt la date fatidique du 21 février 1916 franchie. En Argonne, dans les environs du ravin de La Harazée, c’est aussi à coup de billets plus ou moins doux que les belligérants attaquent. Lorsque l’infanterie allemande se montre « agressive », c’est à coup de grenades ou de pétards que se déroulent les combats42, loin de l’anomie de Verdun. En effet, on n’hésite pas dans ce secteur, conformément aux ordres émanant de la IIIe armée, à se montrer très actif « pour faire croire à une attaque »43. Or, encore une fois, il n’y a rien de véritablement nouveau à cette situation, la configuration tactique du champ de bataille restant peu ou prou la même en ce premier semestre 1916 que l’année précédente. La journée du 5 mai 1916 en donne d’ailleurs un parfait exemple puisqu’attaquant de conserve avec les Normands du 2e RI, le 47e RI ne parvient que très difficilement à sortir de ses lignes, comme lors de l’offensive du 25 septembre 1915 où la densification du front conduit à de tels embouteillages dans les boyaux que le IIe bataillon ne parvient pas à gagner le no man’s land44.

Des opérations complexes

Peu considérés par l’historiographie45, les coups de main sont des opérations beaucoup plus complexes qu’il pourrait y paraître de prime abord. Celui que mène le 3 février 1916 la 11/47e RI aux ordres du capitaine Lemasson en témoigne parfaitement puisque non seulement les fantassins opèrent avec des grenadiers du III/47e RI mais le départ des hommes est coordonné avec le feu roulant de l’artillerie. Il s’agit là d’un mouvement particulièrement délicat, requérant une grande synchronisation interarmes, puisque la progression des hommes doit être couverte par une pluie d’obus qui, en s’abattant en amont sur le champ de bataille, constitue un efficace rideau protecteur. Couronnée de succès, l’opération est consolidée le lendemain par l’artillerie « pour affirmer la supériorité prise » la veille46.

Or un tel coup de main n’est au final que l’illustration du mouvement de rapprochement de l’infanterie, de l’artillerie et du génie à l’œuvre au sein de l’armée française depuis le début de la campagne47. L’organigramme de l’unité témoigne d’ailleurs lui-aussi de cette intégration dans une liaison interarmes toujours plus développée. Ainsi, celle qui est organiquement la 3e compagnie de mitrailleuses du 47e RI est en réalité la 2e compagnie de mitrailleuses de la 40e brigade48. Loin de naître avec le déclenchement de la bataille de Verdun, celle-ci est constituée le 21 octobre 1915 et est placée en subsistance au 47e RI49. Une telle organisation montre qu’au fur et à mesure du conflit, le régiment devient une organisation plus diffuse, moins monolithique, opérant par petits groupes, loin de la théorie des gros bataillons en vigueur lors des manœuvres de la Belle époque. Ceux-ci ne comptent d’ailleurs plus à partir du 24 juin 1916 quatre mais trois compagnies d’infanterie et une compagnie de mitrailleuses, le reliquat – en l’occurrence les 4, 8 et 12/47e RI où ont sont affectées les jeunes recrues de la classe 1916 – étant constitué en dépôt divisionnaire50.

En Argonne en juillet 1916, cantonnement du dépôt divisionnaire de la 68e DI. BDIC: VAL 184/007.

Il ressort d’ailleurs des archives que le renforcement de la liaison interarmes constitue la principale réponse aux piètres performances de l’artillerie que le JMO du 47e RI rapporte de temps à autres. Déplorant ainsi le 21 février 1916 le tir généralement trop court des pièces françaises, l’officier en charge de la rédaction de ce document explique que « les mesures sont prises de concert avec les artilleurs pour assurer le réglage de leurs coups dans les meilleures conditions »51. Un tel propos peut paraître anodin, il n’en contraste pourtant pas moins avec les débuts de la campagne où la liaison interarmes est entravée par une méconnaissance réciproque des artilleurs et des fantassins.52 Il est donc incontestable que les deux armes non seulement dialoguent mais travaillent ensemble. Peut-on dès lors postuler une véritable cohésion interarmes au sein du 10e corps d’armée, ou faut-il au contraire encore compter avec les vieilles rivalités opposant traditionnellement ces différents soldats ? Il est bien entendu difficile de répondre à une telle question mais il est intéressant de souligner que, le 29 février 1916, le rédacteur du JMO du 47e RI croit bon de préciser à la suite d’un bombardement de 105 ayant provoqué de « sérieux » dégâts que « notre artillerie très attentive comme toujours aux besoins de l’infanterie riposte très durement aux batteries ennemies »53. Or on sait que la rédaction de ce document répond à des consignes précises qui prescrivent, entres autres, de ne se livrer à aucune appréciation personnelle. Faut-il dès lors envisager cette remarque comme le reflet d’une sincère bonne entente ou, au contraire, comme la marque ironique de la survivance de vieilles rivalités interarmes ? Là encore, c’est sans doute la prudence qui doit primer tant il est au final difficile de distinguer ici une véritable rupture. Là comme ailleurs, la relation interarmes parait dans le prolongement de ce qui a pu exister précédemment même si l’expérience acquise permet de gagner en efficacité. On sait ainsi qu’à Charleroi, en août 1914, les observateurs d’artillerie supplient les fantassins de leur indiquer des objectifs54. Dix-huit mois plus tard, le 5 avril 1916, c’est un ordre du colonel Bühler qui arrête le tir de barrage de l’artillerie après que soit intercepté un message faisant croire à une attaque allemande55.

Une guerre d’observation

Le déclenchement de la bataille de Verdun ne change donc pas grand-chose à la réalité de la guerre que pratique le 47e RI en Argonne, celle-ci accordant une très large part au renseignement. C’est ainsi par exemple que le 23 février 1916, le rédacteur du JMO de l’unité rapporte que des patrouilleurs sont parvenus à préciser l’emplacement d’un petit poste allemand et que des observateurs ont localisé « un atelier d’une quinzaine de travailleurs ennemis »56. Preuve de l’enlisement du conflit, le fait que les Allemands avancent une barricade « d’un mètre ou deux » – ce qui rapporté aux 700 kilomètres du front ouest est proprement insignifiant – est une information suffisamment importante pour qu’elle soit consignée et transmise à qui de droit57. Le JMO du régiment permet d’ailleurs de bien voir comment les renseignements collectés partent de la première ligne vers les positions plus reculées des états-majors, décrivant ainsi les contours de la pyramide hiérarchique qui enserre l’unité. Le 7 janvier 1916, c’est ainsi la section qui occupe la tranchée n°23 qui repère des « bruits venant d’une perforatrice » allemande58. L’obtention de ces renseignements ne doit d’ailleurs rien au hasard mais à une véritable organisation puisque l’on sait que de nombreux « postes d’écoute » sont installés sur la première ligne tenue par le 47e RI. Ainsi, le 10 avril 1916, des guetteurs affirment avoir « vu sauter deux dépôts de fusées allemandes, un abri et vu plusieurs Allemands s’enfuir sur la plaine », signes qui sont interprétés comme autant de preuves de l’efficacité de l’artillerie française59. Pour autant, la situation en Argonne est bien différente des combats qui se déroulent au même instant à Verdun où les premières lignes sont « trop floues et dégarnies pour être visibles » et donc ciblées par l’artillerie60. Autrement dit, si la guerre que mène le 47e RI lors de ce premier semestre 1916 est grandement basée sur l’observation c’est que, précisément, il y a encore sur le champ de bataille du ravin de la Houyette, au nord de la Harazée, quelque chose à observer.

De manière générale, une part essentielle de l’activité du 47e RI consiste à guetter l’ennemi afin d’en savoir le plus possible sur ses activités. Tel est par exemple le cas après un bombardement lorsque des « bruits de pas très distincts indiquent le retour des défenseurs des tranchées de première ligne » allemandes61. Sans surprise, quelques jours plus tard, le rédacteur du JMO constate que « l’ennemi a renforcé sa barricade et augmenté la densité de ses défenses accessoires (chevaux de frise) »62. Là encore le 21 février 1916 ne change rien et l’activité allemande est scrutée avec d’autant plus d’attention qu’elle est susceptible de dévoiler des informations majeures. C’est ainsi par exemple que le 7 avril 1916 le 47e RI remarque que les Allemands qui lui font face « ont lancé trois fusées vertes à trois étoiles semblant signaler Allongez le tir »63. Le 18 mai 1916, ce sont des « travaux importants […] paraissant susceptibles de servir à une émission de gaz » qui sont signalés64.

Dans le secteur du Bois carré, ou secteur Z, près de La Harazée, en mai 1916. BDIC: VAL 130 D 2043.

Si l’observation des lignes allemandes est au cœur de l’activité militaire du 47e RI lors de ce premier semestre 1916, la réciprocité n’est pas souhaitée et l’unité met tout en œuvre pour empêcher l’ennemi de faire de même. Le 6 mars 1916 c’est par exemple « un observatoire allemand soigneusement aménagé au nord du Boyau de la Tour » qui est repéré65. Le 4 avril, c’est un ouvrage similaire qui est détruit par des pièces de 75, à la suite de renseignements fournis par un déserteur66. Preuve que le 47e RI opère désormais au sein d’une vaste liaison interarmes, les renseignements collectés peuvent viser à améliorer la pratique des troupes françaises. C’est ainsi que le 3 février 1916 un poste d’écoute fait remonter l’information selon laquelle la « violente action de notre artillerie » sur les lignes allemandes a produit « une très efficace concentration des feux »67. Trois jours plus tard, en revanche, le constat est que « nos explosifs sont susceptibles de perfectionnement »68. Mais l’information circule dans les deux sens et, le 13 février 1916, ce sont des « renseignements fournis par le service extérieur » qui apprennent à l’unité qui elle combat : « Il se confirme que nous avons devant nous le 83e de réserve encadré à gauche par le 178e et à droite le 168e, le 29e régiment d’artillerie de campagne, le 5e d’artillerie à pied »69. Le déclanchement de l’offensive de Verdun ne change rien à cela comme le rappelle très bien la journée du 4 mars 1916 où des guetteurs du 47e RI « signalent un travail de terrassement d’environ 50 mètres » ainsi que des bruits de chocs sur des piquets. Dans le même temps, l’unité apprend par « le bulletin de renseignements n°539 » que « les concentrations de feux [effectuées] ont infligé des pertes sérieuses à l’ennemi : un seul bataillon a perdu dans la même journée plus de cent hommes »70.

La nature des renseignements collectés est très variable. Le 8 janvier 1916, ce sont ainsi des « mouvements inusités » qui sont repérés sur la « la ligne ennemie » : « Bruits divers – Reflets de lumière – Bruits semblent provenir du cylindrage d’une route par un rouleau à vapeur au nord [du ruisseau] de la Noue Dieusson »71. D’une grande précision, ces informations témoignent assurément d’une réelle acculturation aux manifestations sonores et acoustiques de la guerre mais également aux caractéristiques propres à ce secteur. Il n’y a d’ailleurs rien d’étonnant à cela puisque le 47e RI arrive dans ces parages de Champagne en août 191572. Pour autant, cette aptitude à lire les sons et les informations lumineuses qui peuvent être glanés attestent avec certitude la « véritable initiation des soldats français aux nouvelles réalités de la guerre » caractéristique du « long 1915 »73. Ainsi, le 1er février 1916, des fantassins du 47e RI croient percevoir « le bruit d’un travail souterrain », information qui fait immédiatement craindre l’explosion de mines74. Mais, dans le même temps, ce qui semble bien pouvoir être assimilé à une véritable « culture sensorielle » de ce secteur prouve précisément que celui-ci n’est pas bouleversé par le déclanchement de la bataille de Verdun, puisque ses caractéristiques acoustiques et visuelles restent les mêmes. Le 17 mars, ce sont ainsi des « lueurs d’incendie à l’intérieur des lignes allemandes dans la direction nord-est » qui attirent l’attention75… Ces observations sont considérées avec le plus grands sérieux et déterminent même parfois la conduite de l’unité. Ainsi, le 27 janvier 1916, le rédacteur du JMO du 47e RI indique que des « précautions spéciales [sont] prescrites pour la nuit » à la suite de « bruits suspects pendant le jour »76. Quelques jours plus tard, le 11 février, c’est le « bruit d’un travail souterrain » allié à la baisse du niveau d’eau dans un trou de mine qui fait craindre le pire. Aussitôt, un officier du génie est appelé sur les lieux et celui-ci affirme qu’il n’y a là « rien de menaçant »77. Toutefois, le sérieux avec lequel sont considérées ces informations témoigne assurément d’une réelle transformation de l’unité.

Celle-ci n’est d’ailleurs pas nouvelle puisque c’est à partir du printemps 1915, alors qu’il combat en Artois, que le 47e RI commence à interroger les prisonniers qu’il capture78. Cette pratique se maintient alors que l’unité tient le secteur du ravin de la Houyette et le déclanchement de la bataille de Verdun ne change rien à cette réalité. Les archives du 2e bureau du 10e corps d’armée en témoignent parfaitement et notamment ce rapport produit à la suite d’un coup de main mené par « 8 volontaires du 47e RI » ayant abouti à la capture de deux sentinelles, un plafonneur de 26 ans dénommé Paul Hoflich et un menuisier de 21 ans du nom de Johann Weitz. Longuement interrogés, les deux fantassins de la 12e compagnie du 118e régiment d’infanterie permettent de recueillir de nombreux éléments concernant leur unité et son organisation mais également le moral des troupes, l’efficacité de l’artillerie française ou encore certaines positions tenues par les Allemands79. Preuve de l’importance désormais accordée au renseignement, aucune source d’information n’est négligée. Ainsi, le 22 mars 1916, « un déserteur allemand, pionnier du 23e régiment » se rend dans les lignes du 47e RI80. Huit jours plus tard, le rédacteur du JMO de l’unité consigne un évènement analogue mais, en développant l’information, indique comment est exploitée la situation :

« Vers 22 heures, un déserteur allemand se rend dans nos lignes en face L1. Il avance que dans la journée son bataillon, du fait de notre bombardement, a eu 13 tués et 28 blessés. Il se plaint qu’on demande aux soldats allemands un travail exagéré : c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a déserté. Mais il n’a pas l’air de considérer la situation comme mauvaise pour son pays et il croit que le Kronprinz prendra Verdun. »81

Bien entendu, l’activité du 47e RI lors de ce premier semestre 1916 pourra paraître réduite en comparaison de la fournaise verdunoise. Pour autant, elle n’en demeure pas moins réelle et témoigne par bien des égards d’un haut degré de technicité. Aussi, si le ravin de la Houyette n’est sans doute pas aussi dangereux que ne peuvent l’être des secteurs tels que le Mort-Homme ou le fort de Douaumont, ce théâtre d’opérations nécessite une vigilance de chaque instant qui, à n’en pas douter, pèse sur les hommes. Le 47e RI observe en effet en permanence les lignes ennemies et la moindre tête allemande dépassant du parapet, même furtivement, est abattue par les guetteurs82.

Les premières lignes allemandes vues du pose de guetteurs ouest dans le secteur du Bois carré. BDIC: VAL 130 D.2044.

La montée en puissance de l’artillerie ?

Parallèlement, une incontestable montée en puissance de l’artillerie transparait des archives relatives à ce secteur d’Argonne lors du premier semestre 2016. Néanmoins, cette impression doit être nuancée par le prisme déformant que peuvent constituer les sources mais également par la relative inefficacité des obus, ce qui amène naturellement à questionner la force de ce mouvement. Car qui compare la situation du 47e RI aux alentours du ravin de la Houyette à la réalité qui prévaut non-loin de la Harazée, à Verdun, se trouve comme confronté à une sorte de discordance des temps, entre un début d’année qui serait synonyme de guerre de matériel et un autre qui ne serait qu’une survivance du long 1915.

Une course aux calibres et à la cadence

Le 5 février 1916, le rédacteur du JMO du 47e RI décrit bien la multitude de projectiles que l’artillerie allemande concentre sur le ravin de la Houyette : « torpilles, minen, obus de gros calibre »83. Le déclanchement de la bataille de Verdun ne change rien à cette réalité et le 25 février le JMO annonce l’arrivée dans le secteur du 47e RI de pièces de 240 à tir courbe, canons venant constituer une impressionnante panoplie de calibres. En effet, au détour des archives, il est possible de déceler outre de l’artillerie de tranchées de multiples 75, 90 et 95 ainsi que des 80 de montagne84. Il est pour autant difficile de tenir une comptabilité rigoureuse des pièces et de conclure à une éventuelle augmentation de la puissance de feu mobilisée. En effet, non seulement les réorganisations sont fréquentes mais les incidents ne sont pas rares et les batteries ne comportant plus que deux ou trois pièces ne sont pas chose exceptionnelle.

Composition de l'artillerie de la 131e DI en janvier 1916. SHD-DAT : 26 N 436/6, JMO artillerie 131e DI.

Ajoutons par ailleurs que les Allemands ne sont pas en reste. Même si le bombardement du Reichsarchiv pendant la Seconde Guerre mondiale prive l’historien de nombreuses données, il est possible d’avoir une idée de la nature et de l’activité des pièces allemandes dans ce secteur à travers la documentation produite par le 47e RI. Ainsi, on sait qu’ils ciblent le 3 avril 1916 le PC de la Tour d’Auvergne avec des 77 fusants85. Le 10 avril 1916, ce sont des projectiles de 105 et des bombes de 250 qu’ils concentrent sur le ravin de la Houyette86. Trois jours plus tard, les archives évoquent du 77 et du 105 mais également du 15087.

Pour autant, si les calibres utilisés sont une chose, la cadence de tir en est une autre et témoigne pour le coup d’une évidente montée en puissance. Ainsi, de janvier à avril 1916, la consommation de cartouches de l’artillerie de la 131e DI, précisément celle qui est chargée de la protection de la portion de front que tient le 47e RI, ne cesse d’augmenter. Et il ne s’agit pas là d’un cas unique. Certains chiffres donnent parfois le tournis comme lors du 15 mai 1916 où les pièces sous l’autorité du 10e corps d’armée consomment, en 70 minutes d’un très vif tir de concentration, 17 000 obus de 75 et 5 à 6 000 de calibre 120 ou 155 ainsi que 5 000 munitions explosives sans compter un nombre que l’on imagine conséquent, mais malheureusement non précisé par les archives, de cartouches à gaz88. On comprend dès lors mieux l’interrogation faussement naïve de Charles-Alfred Uhl, qui avec sa 8e compagnie du 168e RI allemand tient des tranchées situées en face de celles du 47e RI et écrit dans son carnet le 6 avril 1916 : « D’où diable les Français peuvent-ils tirer autant de munitions. Ils les prodiguent en quantité effrayante ! »89

Consommation mensuelle de munitions par l'artillerie de la 131e DI. SHD-DAT : 26 N 436/6, JMO artillerie 131e DI.

Cette course aux calibres et à la cadence de tir est d’autant plus durement ressentie par les poilus du 47e RI que l’infanterie est très passive dans cette configuration du champ de bataille, comme prise en étau entre les deux artilleries belligérantes. L’unité ne peut rien faire face aux obus qui, régulièrement, s’abattent sur le cantonnement de repos qu’elle occupe à Rondchamp et seul l’ordre de transférer ce dernier à Sainte-Menehould, donné le 30 avril 1916 par le général commandant la IIIe armée, permet de remédier à cette situation pour le moins inconfortable90. Le capitaine Prosper Dubois commandant le II/47e RI décrit bien cette impuissance des fantassins face aux obus allemands dans une lettre qu’il adresse à son épouse le 1er avril 1916 :

« On se bat furieusement. La fumée était hier si intense que l’on n’y voyait plus rien. Les bombes traversaient l’air en sifflant, comme de grands oiseaux sinistres, elles se balançaient nonchalamment puis retombaient du poids de leurs 100 kilos et secouaient la terre sous nos pieds. Et de pauvres gosses de 20 ans reçoivent cela sur la tête. »91

C’est d’ailleurs dans de semblables circonstances que, le 16 avril 1916, le sous-lieutenant Paul Roquet, un expert-géomètre de la classe 1911 que la mobilisation trouve sous les drapeaux, est tué, atteint par des éclats de 77 ayant perforé l’abri dans lequel il s’était réfugié92. Le 7 juin 1916, c’est un obus de 150 qui tombe sur un abri, tuant quatre soldats : Auguste Clément, un « laboureur » de 32 ans originaire de Plénée-Jugon affecté à la 7e compagnie, deux « cultivateurs », Pierre Nouvel, un soldat de la classe 1901 déclaré « bon dispensé » lors de son premier passage devant le Conseil de révision car étant l’ainé de 7 enfants et Louis Durand, un natif d’Yvias ajourné en 1913 mais classé service armé en décembre 1914, ainsi que Pierre Leroux, un cordonnier lui aussi victime de la politique de récupération et ayant de plus survécu à une fièvre typhoïde contractée à l’été 191593. Mais aux chocs de l’artillerie, il faut de surcroît ajouter la position structurellement surplombante des moyens aériens, toujours plus présents. Ainsi, le 2 avril 1916, c’est d’abord un dirigeable allemand qui vient observer dans la nuit les tranchées du 47e RI avant d’être relayé vers 15 heures par un avion, toutefois rapidement atteint par la DCA94. Trois semaines plus tard, c’est une escadrille de 30 appareils qui survole les tranchées qu’occupe le régiment de Saint-Malo95.

Toujours plus de bombardements ?

Pour autant, le vocabulaire employé par le JMO du 47e RI montre que le 21 février 1916 et le déclenchement de la bataille de Verdun ne constituent en aucun cas une rupture dans l’activité qui régit cette portion du champ de bataille en Argonne. Ainsi, le 23 février, il est indiqué que « l’ouvrage intermédiaire, le ravin de la Houyette et l’ouvrage 7 ont été comme d’habitude canonnés par des projectiles de gros calibre »96. Le 1er mars, c’est de « l’action habituelle de notre artillerie » dont il est question97. Le 15 mars, les « objectifs habituels » des batteries allemandes sont énumérés avec précision : « tranchées Beaumanoir, intermédiaire, les boyaux Beaumanoir et Roca, le Ravin de la Houyette » ainsi que l’ouvrage 7, ciblé par des pièces de 15098. Le contraste avec le champ de bataille de Verdun semble sur ce point manifeste. Si, en Meuse, la consommation d’obus parait sans limite et uniquement commandée par les impératifs opérationnels, c’est au contraire la crise des munitions qui semble se prolonger en Argonne au cours du premier semestre 1916. Révélatrice est à cet égard la note de la 261e brigade d’infanterie qui explique, le 13 mars 1916, que « l’AD 131 disposant en ce moment de munitions de 155, il y a lieu d’en profiter pour détruire les organisations ennemies (mitrailleuses, minenwerfer, observatoires, etc…) dont l’emplacement est suffisamment repéré pour qu’elles puissent être prises à partie avec chance de succès »99. Et il ne s’agit pas d’une formulation malheureuse ou d’un abus de langage. Trois jours plus tard, le général Duport commandant la 131e DI indique en effet dans une note un certain nombre de points pouvant être ciblés par l’artillerie, « si les disponibilités en munitions de 155 le permettent »100. En d’autres termes, là où sur le front prioritaire de Verdun seules les objectifs commandent, la réalité des stocks de munitions et leur gestion parcimonieuse paraissent primer dans le secteur considéré comme secondaire que tient le 47e régiment d’infanterie.

Dans le secteur de Vienne-le-Château en janvier 1916, une pièce de 90 sous casemate. BDIC: VAL 130 T.945.

En réalité, c’est bien le principe de la « riposte graduée » qui semble caractériser pour l’essentiel l’activité de l’artillerie lors de cette période. La journée du 17 mars 1915 en est un bon exemple puisque si les 75 français s’appliquent « énergiquement » à détruire des abris de mitrailleuses ainsi qu’une construction non identifiée allemande, c’est pour riposter au bombardement le matin même du cantonnement de repos du 47e RI à Rondchamp101. Autrement dit, même s’il est indiscutable qu’une telle expérience doit être non seulement des plus douloureuses mais particulièrement traumatisante, le feu qui règne en ce premier semestre 1916 dans le secteur de la Harazée n’est en rien comparable au Trommeulfeuer qui sévit alors sur le champ de bataille de Verdun, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest. Dans une synthèse récente, A. Prost et G. Krumeich rapportent ainsi qu’il n’est pas rare, au début du mois de juin 1916, dans le secteur de Vaux, de voir un régiment d’artillerie tirer au minimum 3 200 obus de 75 par semaine et par pièce102, soit des chiffres qui sont sans commune mesure avec ce que l’on observe dans le secteur de la Harazée au même instant. Là encore, les photographies des albums Valois permettent de bien se rendre compte de la moindre intensité de l’artillerie – malgré des cadences de tir déjà très impressionnantes – en Argonne. Tel est notamment le cas de ce cliché de la cloche d’alarme aux gaz asphyxiants du PC Madeleine, situé au Ravin des Pommiers, un secteur que le 47e tient alternativement avec le 2e Granville. Pris le 25 mai 1916, l’instantané permet d’entrevoir des troncs d’arbres qui, s’ils ne sont probablement épargnés par les combats, sont encore debout103. Certes, des photographies de cet exceptionnel fonds d’archives montrent des hommes terrés dans la Sape des perforeuses, dont l’entrée n’est pas sans faire penser au carreau d’une mine104. Pour autant, il n’en demeure pas moins que la végétation exprime une verticalité comparable en mai 1916 à ce que figurent des clichés du même secteur datant de novembre 1915105. Or, rien de tout cela n’est envisageable à Verdun où le champ de bataille est semblable à une gigantesque succession de trous d’obus, composant au final un paysage lunaire où, bien évidemment, rien ne peut pousser, la terre ne cessant d’être labourée par les projectiles106.

Une efficacité limitée

Il y a toutefois des bombardements qui peuvent s’avérer très meurtriers à l’instar du minenwerfer qui, en explosant sur un abri le 26 janvier 1916, tue deux caporaux et un soldat et en blesse deux autres grièvement107. Le 17 février 1916, c’est la 10/47e RI qui est particulièrement éprouvée lorsque le caporal Jean Le Bail est tué et que trois autres poilus sont blessés108. Mais le simple fait que de telles pertes soient répertoriées sur le JMO contraste assurément avec les premières semaines de la campagne où, en 1914, seuls le nom des officiers tués, blessés, capturés ou disparus est consigné. D’ailleurs, en avril 1916, le rédacteur du JMO en vient à supposer un défaut du mécanisme d’éclatement des bombes « cylindriques » allemandes tant nombreuses sont celles à ne pas exploser109. A ces explications d’ordre technologique s’en ajoutent d’autres, plus culturelles. En campagne pour certains depuis plus de 18 mois, les hommes ont désormais acquis les bons réflexes. C’est ce dont témoigne par exemple la croix de guerre reçue le 25 mars 1916 des mains du colonel Bühler par le sergent-fourrier de la 7/47e RI Charles Guilho, un commerçant originaire de Redon qui, d’abord versé dans le service auxiliaire, est récupéré au printemps 1915 et arrive au front le 1er juin 1915. La citation à l’ordre du régiment dont il est l’objet dit en effet bien l’aptitude du régiment à fonctionner normalement, malgré l’action de l’artillerie allemande :
« Le 28 février 1916, au cours d’un violent bombardement par obus de gros calibre, dont l’un d’eux défonça l’abri des agents de liaison, a maintenu  par son calme et sa décision ceux-ci à leur poste, et assuré, dans les conditions les plus difficiles, la transmission des ordres de son capitaine.»110

Même les gaz ne semblent pas plus efficaces puisque, là encore, les hommes parviennent à s’adapter, non sans ingéniosité d’ailleurs. C’est ainsi que le 15 février 1916 les cloches de l’église de La Harazée sont transférées dans les PC de brigades « en vue d’être utilisées comme signal d’alerte en cas d’attaque par les gaz »111. Lorsqu’avertis, les hommes munis de leurs « appareils de protection » peuvent désormais attendre dans leurs abris. Certes, la situation ne doit pas être très agréable mais elle n’est en aucun cas létale, ce qui rappelle que si les gaz de combats deviennent un réel enjeu de la guerre de communication que se livrent les belligérants, ils sont rapidement relégués sur le champ de bataille au rang d’arme psychologique.

Dans le Ravin des Pommiers, cloche d'alarme aux gaz asphyxiants provenant de l'église de La Harazée. BDIC: VAL 130 D.2002.

Le nombre des morts que déplore le 47e RI lors de ces six mois passés en Argonne est en réalité sans commune mesure avec les chiffres que l’on peut rencontrer au même moment dans la Meuse même si, de manière très paradoxale, l’attrition du combat y est synonyme de vies préservées. Loin des 60% de pertes enregistrées par l’armée française à Waterloo, Verdun culmine à un fort respectable taux de 16%, soit 378 000 poilus tués, blessés, capturés ou tout simplement disparus, leur dépouille n’ayant jamais pu être retrouvée. Certaines divisions sont particulièrement éprouvées comme la 72e qui, en l’espace de quelques jours, entre le 21 et le 26 février, perd près de 10 000 hommes dans le bois des Caures112. Pour sa part, le 47e RI n’enregistre entre le 1er janvier et le 25 juin 1916 « que » 95 morts pour la France, dont seulement 49 sont « tués à l’ennemi »113. Ajoutons d’ailleurs que cette unité ne constitue aucunement un cas exceptionnel puisque si les pertes des 41e et 241e RI, qui tous deux tiennent des tranchées du Four de Paris, à quelques centaines de mètres au sud-est du ravin de la Houyette, sont sensiblement plus élevées que celles du 47e RI, elles sont sans commune mesure avec les chiffres que l’on peut enregistrer lors de la bataille de Verdun114. Aussi, en Argonne comme à Verdun, le constat est le même : plus l’artillerie déployée est dense et plus les pertes humaines sont faibles115. Autrement dit, de ce point de vue, même si les pertes concédées par le 47e RI en Argonne sont bien moindres que celles que peuvent déplorer au même moment les troupes engagées à Verdun, les deux expériences résultent toutes deux du même paradigme tactique. Pour autant, cette dimension ne parait pas suffisante pour extraire, à l’échelle de la guerre menée par le 47e RI, ce premier semestre 1916 du long 1915 postulé par J. Horne.

De la même manière, le caractère relativement calme du secteur du ravin de la Houyette par rapport à ce que l’on peut savoir de la bataille de Verdun ne doit pas conduire à sous-évaluer les peines et les souffrances des combattants du 47e RI. Capitaine de réserve né à Castres en 1868, Jean-Baptiste Montassin en est un bon exemple. Alors qu’à la tête de la 2/47e RI, il se blesse le 21 avril 1916 en chutant dans une tranchée puis est évacué une semaine plus tard, cette fois-ci pour maladie116. Or il ne s’agit pas là d’un cas unique puisque sur les 95 morts pour la France que déplore l’unité entre le 1er janvier et le 25 juin 1916, 17 le sont de maladies117. La tension sur le champ de bataille est en effet à son comble, ce qui n’est assurément pas sans exposer et éprouver les hommes : « L’infanterie ennemie fait preuve d’une certaine nervosité : coups de feu sur tout ce qui bouge ou semble bouger, fusées éclairantes la nuit au moindre bruit ». Et le rédacteur du JMO d’ajouter, laconique, en ce 4 mars 1916 : «  Les Boches craignent évidemment quelque chose »118. Preuve enfin que l’expérience combattante du 47e RI en ce premier semestre 1916, sans pour autant être aussi extrême qu’à Verdun, est toutefois des plus éprouvantes, lorsqu’un fantassin est porté manquant à l’appel le 7 juin 1916, le rédacteur du JMO du 47e RI croit bon de préciser qu’il « y a tout lieu de croire que cet homme est passé à l’ennemi »119.

En conséquence, du fait de ces pertes qui restent beaucoup moins importantes que lors de l’été 1914 où des offensives du printemps et de l’automne 1915, l’encadrement du régiment témoigne d’une remarquable stabilité : deux des trois bataillons du 47e RI ont en effet au 1er avril 1916 le même commandement qu’en octobre 1915 et 7 des 12 compagnies conservent le même chef. Et encore, la portée de certaines mutations doit être pondérée dans la mesure où elles reflètent tout de même une certaine continuité. Si Prosper Dubois quitte le commandement de la 7e compagnie, c’est pour devenir capitaine adjudant-major du IIe bataillon, fonction relativement proche de celle qu’il occupe en octobre 1915. Semblable remarque peut d’ailleurs être formulée à l’endroit du capitaine adjudant-major du 1/47e RI Stiegler, auparavant à la tête de la 1/47e RI120. Autant de parcours qui conduisent à questionner la montée en puissance de l’artillerie puisque si les calibres et les cadences augmentent, signe d’une crise résolue des munitions, on sait également mieux se protéger contre les obus adverses.

Transport d'obus de 240. BDIC: VAL 130 L.1235.

A l’échelle du 47e RI, les six premiers mois de l’année 1916 correspondent assurément à un « très long 1915 », prolongement direct du concept forgé par J. Horne. D’ailleurs, l’historique officiel de l’unité publié en 1920 ne leur accorde pas une place autonome mais les regroupe en quelques phrases formant un paragraphe inséré dans la partie sur la « deuxième bataille de Champagne », comme si ces semaines la poursuivaient121. Comme un symbole, la 1e compagnie de mitrailleuses du 47e RI est relevée le 4 juin par une autre, mais territoriale122. Tout se passe comme si l’activité du champ de bataille, constituée d’opérations de renseignements, de travaux d’entretien des tranchées, de coups de mains et de bombardements épars, confortait le commandement dans l’idée que ce secteur d’Argonne est alors une portion secondaire du front, en comparaison de Verdun et de l’engagement à venir dans la Somme. Sans doute est-ce d’ailleurs ce qui permet d’expliquer le silence des pourtant très prolixes Armées françaises dans la Grande Guerre. Bien que comportant plusieurs milliers de pages, le tome IV consacré à l’année 1916 n’évoque jamais le secteur du ravin de la Houyette. Semblable remarque peut d’ailleurs être formulée à propos de l’étude qu’Allain et Denise Bernède consacrent aux combats d’Argonne : le premier semestre 1916 n’y est considéré que dans le prolongement de l’attaque du 25 septembre 1915123.

Pourtant, l’exemple du 47e RI invite à s’interroger sur le statut qu’il convient d’accorder à cette période. Pour J. Horne elle marquerait ainsi « un tournant par rapport aux prévisions de la guerre »123. Or l’examen des archives rappelle que non seulement le mythe de la percée est toujours aussi présent dans les esprits mais que la guerre de positions est perçue comme une étape provisoire avant un retour à la normale, caractérisée par le mouvement. C’est ainsi que, le 9 janvier 1916, sitôt relevé par le 25e RI et installé dans ses cantonnements de repos au quartier Valmy à Sainte-Menehould, le 47e RI débute une période de dix jours d’entraînement « au mouvement en avant »124. Loin d’être anecdotique, cette période de ré-instruction fait écho aux batailles envisagées pour l’année 1916 par les puissances de l’Entente, combats constitués de grandes charges de cavalerie puis d’infanterie, ces éléments opérant dans les brèches réalisées par la préparation d’artillerie dans les défenses ennemies126

Au final, si la bataille de Verdun est assurément une rupture, il convient probablement d’en nuancer non pas la portée mais la dimension initiale. Certes, la situation en Meuse est à partir du 21 février dans tous les esprits et les fantassins du 47e RI ne font pas exception à cela. Ce d’autant plus qu’on a dit plus haut qu’il est hautement probable qu’ils voient et entendent la bataille des tranchées où ils sont en ce premier semestre 1916127. Mais, comme une éclatante illustration de cette discordance des temps qu’est en définitive le « très long 1915 », la réciproque n’est pas vraie puisque ni sur le Mort-Homme, ni sur la Cote 304, ni à Douaumont, on entend le canon qui pourtant tonne sur le ravin de la Houyette. Verdun et l’Argonne ont beau en ce premier semestre 1916 être deux théâtres défensifs pour l’armée française, l’un est prioritaire, l’autre pas. Non pas qu’il soit aux yeux de Joffre moins important, mais la situation qui y prévaut y est tout simplement moins critique que dans la Meuse. La preuve en est que le président de la République Raymond Poincarré et le prince Alexandre de Serbie effectuent le 24 mars 1916, en compagnie du général en chef, une visite de deux heures des installations du 10e corps d’armée à Sainte-Menehould128.

Erwan LE GALL

DoctorantCERHIO-CNRS UMR 6258

 

 

 

1 Cet article doit énormément aux recherches effectuées par Christophe Guérin sur le 41e régiment d’infanterie, lui aussi affecté à la 131e DI lors de ce premier semestre 1916. Qu’il en soit sincèrement remercié.

2 HORNE, John, « De la guerre de mouvement à la guerre de positions », in HORNE, John (dir.), Vers la guerre totale. Le tournant de 1914-1915, Paris, Tallandier, 2010, p. 79.

3 Sur cette question on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Eriger 1870 en fondement d’une protoculture de la Première Guerre mondiale : l’exemple breton », En Envor, Revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°4, été 2014, en ligne ou encore à PERRONO, Thomas, « La production toilière en Ille-et-Vilaine au XIXe siècle : un témoignage d’une époque révolue ? », En Envor, Revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°3, hiver 2014, en ligne.

4 PRIOR, Robin, « 1916 : batailles totales et guerre d’usure », in WINTER, Jay (dir.), La Première Guerre mondiale. Combats, Paris, Fayard, 2013, p. 103-106.

5 SHD-DAT : SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 20 janvier et 7 juin 1916, 26 N 507/4, JMO 40e brigade, 20 janvier 1916, 26 N 301/2, JMO 20e division et 16 N 133/2, JMO 10e CA, 22 janvier 1916. Le 47e RI retourne le 7 juin 1916 à la 20e DI mais conserve jusqu’au 24 les mêmes positons. Rappelons qu’il s’agit là d’une mise à disposition et non d’un transfert plein, le 47e régiment d’infanterie étant toujours en subsistance à la 20e DI comme en témoigne la situation des effectifs de rationnaires de la 131e DI. SHD-DAT : 24 N 2419, situation des effectifs de rationnaires de la 131e DI.

6 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 13 février 1916.

7 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 20 janvier 1916.

8 Méd. Archi. & Patrimoine : APD0002163.

9 BDIC : VAL/122, T.989, T.993, T.994. Sur ce moment de la campagne du 47e RI, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Autour de l’offensive du 25 septembre 1915. En tranchées avec le 47e régiment d’infanterie », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°6, été 2015.

10 Sur cette question, on renverra à profit à GUILLOT, Hélène, « La section photographique de l'armée et la Grande Guerre. De la création en 1915 à la non-dissolution », Revue historique des armées, n°258, 2010, p. 110-117 et « Le métier de photographe militaire pendant la Grande Guerre », Revue historique des armées, n°265, 2011, p. 87-102.

11 PROST, Antoine et KRUMEICH, Gerd, Verdun 1916, Paris, Tallandier, 2015, p. 133.

12 « L’artillerie n’avait jamais autant ravagé le sol qu’à Verdun, même en Champagne au mois de septembre précédent ». JANKOWSKI, Paul, Verdun, Paris, Gallimard, 2013, p. 156.

13 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 14 février 1916.

14 Archives privées Jean-Claude Le Guen : lettre d’Emile Le Guen du 15 février 1916.

15 Archives privées Jean-Claude Le Guen : livre de route appartenant à M. Emile Le Guen, Musicien-brancardier au 47e régiment d’infanterie.

16 Sur cette question on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « La guerre comme série de mouvements ? Analyse à partir du cas 1914-1918 », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°3, hiver 2014.

17 PROST, Antoine et KRUMEICH, Gerd, Verdun 1916…, op. cit., p. 105.

18 LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan, « Deux régiments rennais dans l’enfer de Verdun : les 41e et 241e RI à l’assaut de Fleury, juin-juillet 1916 » in JORET, Eric et LAGADEC, Yann (dir), Hommes et femmes d'Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Conseil général d’Ille-et-Vilaine, 2014, p. 33-45.

19 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 4719 RI, 11 mars 1916.

20 SHD-DAT : 24 N 2428, 261e brigade, ordres et CR divers, note du général commandant la 131e DI du 19 mars 1916.

21 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 9 avril 1916.

22 « Médaille militaire », Le Salut, 35e année, n°52, 27-28 juin 1916, p. 1.

23 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 4 avril 1916.

24 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 6 avril 1916.

25 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 28 janvier 1916.

26 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 12 avril 1916.

27 SHD-DAT 26 N 133/2, JMO 10e CA, 17 février 1916.

28 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 24 février 1916.

29 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 24 janvier 1916.

30 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 6 février 1916.

31 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 29 janvier 1916.

32 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 6 mars 1916.

33 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 8 avril 1916.

34 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 15 avril 1916.

35 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 21 février 1916.

36 SHD-DAT : 24 N 2428, 261e brigade, ordres et CR divers, note du général commandant la 131e DI du 18 avril 1916.

37 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 22 mars et 10 avril 1916.

38 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 22 mars et 10 avril 1916 ; Arch. Dép. I&V: 1 R 2159.7.

39 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 7 février 1916.

40 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 3 mai 1916.

41 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 26 février 1916.

42 Tel est le cas par exemple de SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 13 mars 1916.

43 SHD-DAT : 26 N 436/6, JMO artillerie 131e DI, 14 mars 1916.

44 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 5 mai 1916 ainsi que LE GALL, Erwan, « Autour de l’offensive du 25 septembre 1915… », art. cit.

45 Une exception notable est constituée par les travaux de CHAVAROCHE, Dimitri et notamment Faire place nette. Les coups de main et le nettoyage des tranchées de la Première Guerre mondiale sur le front occidental (1915-1918), mémoire de Master 2 d'histoire effectué sous la direction de KALIFA, Dominique, Université Paris 1, 2010 et CHAVAROCHE, Dimitri et LOEZ, André, « L’opération a été bien menée et vigoureusement exécutée. Compte-rendu d’un coup de main à l’été 1916 », Agone, Histoire, Politique & Sociologie, n°53, 2014, p. 143-156.

46 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 3 et 4 février 1916.

47 Sur cette question on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre. Le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo au combat (août 1914 – juillet 1915), Talmont-Saint-Hilaire, éditions CODEX, 2014, p. 196-205.

48 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 1er avril 1916.

49 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 21 octobre 1915.

50 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 24 juin 1916.

51 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 17 février 1916.

52 Sur cette question on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre …, op. cit., p. 196-205.

53 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 29 février 1916.

54 LARCHER, commandant Maurice, « Le 10e corps à Charleroi », Revue militaire française, juillet 1930 – juin 1931, p. 88.

55 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 5 avril 1916.

56 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 23 février 1916.

57 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 3 février 1916.

58 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 7 janvier 1916.

59 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 10 avril 1916.

60 JANKOWSKI, Paul, Verdun…, op. cit., p. 157-8.

61 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 28 janvier 1916.

62 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 31 janvier 1916.

63 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 7 avril 1916.

64 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 18 mai 1916.

65 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 6 mars 1916.

66 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 4 avril 1916.

67 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 3 février 1916.

68 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 6 février 1916.

69 HD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 13 février 1916.

70 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 4 mars 1916.

71 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 8 janvier 1916.

72 Sur cette période, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Autour de l’offensive du 25 septembre 1915… », art. cit.

73 HORNE, John, « De la guerre de mouvement à la guerre de positions », in HORNE, John (dir.), Vers la guerre totale. Le tournant de 1914-1915, Paris, Tallandier, 2010, p. 79.

74 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 1er février 1916.

75 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 17 mars 1916.

76 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 27 janvier 1916.

77 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 11 février 1916.

78 SHD-DAT : 26 N 636/6, JMO 47e RI, 8-9 mars 1915.

79 SHD-DAT: 22 N 627, Interrogatoires 1915-1918, interrogatoire de Johann Weitz et de Paul Hoflich du 118e régiment d’infanterie de réserve (12e compagnie) faits prisonniers le 24 mars a Layon de Binarille.

80 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 22 mars 1916.

81 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 30 mars 1916.

82 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 2 mars 1916.

83 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 5 février 1916.

84 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 16, 25 et 28 février 1916.

85 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 3 avril 1916.

86 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 10 avril 1916.

87 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 13 avril 1916.

88 SHD-DAT: 26 N 436/6, JMO Artillerie 131e DI, 15 mai 1916.

89 SHD-DAT: 22 N 627, Interrogatoires 1915-1918, traduction d’un document trouvé sur un prisonnier allemand du 168e régiment actif, 8e compagnie.

90 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 30 avril 1916.

91 Extrait cité in Paroisse de Saint-Servan, Livre d’or des Morts pour la Patrie, Rennes, Imprimerie Oberthur, 1920, p. 144.

92 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 2 avril 1916; BAVCC/Mémoire des hommes ; Arch. Dép. Ille-et-Vilaine : 1 R 2102.2062.

93 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 7 juin 1916; Arch. Dép. CdA: 1 R 166.2112, 1 R 1326.1769; Arch. Dép. I&V: 1 R 1933.1148 et 1 R 1926.1769.

94 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 2 avril 1916.

95 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 24 avril 1916.

96 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 23 février 1916.

97 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 1er mars 1916.

98 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 15 mars 1916.

99 SHD-DAT : 24 N 2428, 261e brigade, ordres et CR divers, note du 16 mars 1916.

100 SHD-DAT : 24 N 2428, 261e brigade, ordres et CR divers, note du général commandant la 131e DI du 19 mars 1916.

101 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 17 mars 1916.

102 PROST, Antoine et KRUMEICH, Gerd, Verdun 1916…, op. cit., p. 84-85.

103 BDIC : VAL 130, D.2022 47741.

104 BDIC : VAL 130, D. 2016 47735, D. 2017 47736, D. 2014 47733, D. 2015 47734 et D. 2013 47732.

105 BDIC : VAL 130, T. 654 23134bis, T. 642 23135, T.629 23136 et D.2020 47739.

106 PROST, Antoine et KRUMEICH, Gerd, Verdun 1916…, op. cit., p. 133-136.

107 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 26 janvier 1916.

108 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 17 février 1916.

109 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 7 avril 1916.

110 Arch. Dép. I&V : 1 R 1980.1534 et « Médaille militaire », Le Salut, 35e année, n°31, 14-15 avril 1916, p. 1.

111 SHD-DAT 26 N 133/2, JMO 10e CA, 15 février 1916.

112 JANKOWSKI, Paul, Verdun, op. cit., p. 165-166.

113 Sur la méthodologie inhérente à l’interprétation des données du fichier des morts pour la France se rapporte à LE GALL, Erwan, « Saint-Malo, la Bretagne, la France : des multiples inscriptions territoriales du 47e régiment d’infanterie », in BOURLET, Michaël, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan (dir.), Petites patries dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 63-79.

114 SHD-DAT : 24 N 2419, 261e brigade d’infanterie, pertes 1915-1916.

115 JANKOWSKI, Paul, Verdun, op. cit., p. 165-166.

116 SHD-DAT: 26 N 636/6 et 7, JMO 47e RI; Arch. Nat.: 19800035/1465/69562 et Paroisse de Saint-Servan, Livre d’or des morts pour la Patrie, Rennes, Imprimerie Oberthür, 1920, p. 313-314.

117 Les annotations figurant parcimonieusement sur les fiches de morts pour la France laissent entrevoir une part importante de maladies pulmonaires, qu’il s’agisse de tuberculose ou de pleurésies. BAVCC/Mémoire des hommes.

118 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 4 mars 1916.

119 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 7 juin 1916. Trois jours plus tard, ce même document affirme qu’il « y a tout lieu de croire que les bombardements de ces derniers jours, dirigés sur des points qui n’avaient pas encore été visés, sont dus aux déclarations du déserteur de la 4e compagnie ». Pour l’heure cet individu n’a pu être identifié.

120 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 1er octobre 1915 et 1er avril 1916.

121 Anonyme, Historique du 47e régiment d'Infanterie, Saint-Servan, J. Haize, 1920, p. 8.

122 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 4 juin 1916.

123 BERNEDE, Allain et Denise, Combats d’Argonne 1914-1918, Paris, SOTECA, 2015.

124 HORNE, John, « De la guerre de mouvement à la guerre de positions », in HORNE, John (dir.), Vers la guerre totale. Le tournant de 1914-1915, Paris, Tallandier, 2010, p. 79.

125 SHD-DAT : 26 N 636/7, JMO 47e RI, 9-19 janvier 1916.

126 PRIOR, Robin, « 1916 : batailles totales… », art. cit., p. 106.

127 JANKOWSKI, Paul, Verdun…, op. cit., p. 187 indique que la bataille s’entend à Ligny-en-Barrois, commune située à 40 kilomètres à vol d’oiseau de Verdun. Sainte-Menehould est située pour sa part à une trentaine de kilomètres à vol d’oiseau de Verdun. Pour élargir la réflexion sur la dimension sonore du conflit, GETREAU, Florence (dir.), Entendre la guerre, Sons, musique et silences en 14-18, Paris, Gallimard/Historial de la Grande Guerre, 2014.

128 SHD-DAT 26 N 133/2, JMO 10e CA, 24 mars 1916.