Eriger 1870 en fondement d’une protoculture de la Première Guerre mondiale : l’exemple breton

 

L’un des faits marquants que l’on peut d’ores et déjà souligner à propos de ce centenaire de l’année 1914 et du déclanchement de la Première Guerre mondiale est la très faible place de la guerre de 1870. Pourtant, celle-ci est une référence centrale pour les contemporains, à tel point qu’elle peut être érigée au rang de protoculture du premier conflit mondial soit, autrement dit, en grille de lecture donnant du sens aux tragiques semaines de l’été 1914.

Par Erwan LE GALL

 

 

Historiographie et mémoire ont en commun de fonctionner sur un rythme sinusoïdal fait d’a et d’hypermnésies. Ainsi, contrairement à ce qui a été soutenu avec force pendant longtemps, on ne peut plus écrire que la France qui s’élance en août 1914 dans un sprint rageur pour la reconquête de l’Alsace et de la Lorraine est aux aguets pendant 44 ans, prête à jaillir à tout instant du starting-block de la Revanche1. Cette dernière apparait en effet comme un thème bien secondaire de la crise de l’été 1914, au regard de l’importance accordée par les contemporains à la thématique du combat pour le droit. Mieux, à la suite d’E. Hobsbawm, il est aujourd’hui d’usage de faire de 1914 le moment inaugural d’un « âge des extrêmes »2. C’est ainsi par exemple que S. Audoin-Rouzeau et A. Becker rappellent « qu’avec la Grande Guerre est apparue une nouvelle forme d’affrontement armé qui fait de 1914-1918 une rupture historique dont les conséquences ont été déterminantes pour toute l’histoire ultérieure du XXe siècle »3. Or, si la Première Guerre mondiale est une rupture essentielle dans l’histoire de la France et du monde, ce n’est assurément pas dès les premiers instants de la mobilisation générale mais bien dans son ensemble. Affirmer l’inverse reviendrait en effet à postuler que l’on passe en quelques heures, le temps que soit décidée et connue la mobilisation générale, du XIXe au XXe siècle, avec tout ce que cela implique en termes de changements structurels. Bien entendu, une telle assertion ne résiste pas à l’épreuve des faits et invite d’ailleurs à questionner nos grilles de lectures du passé, outils que l’on invente pour sérier le réel afin de le rendre plus intelligible, mais qui sont souvent beaucoup moins étanches que l’on veut bien l’admettre4.

Le siège de Paris, en 1870. Tableau de Jean-Louis Ernest Meissonier. Wikicommons.

En perdant de vue 1870, on néglige ainsi l’ombre portée5 de l’Année terrible sur 1914 et, par la même occasion, quelques clefs de compréhension de l’entrée en guerre. La culture de guerre du premier conflit mondial, au sens où l’entendent J. Horne et A. Kramer, c’est-à-dire une grille de lecture donnant du sens au réel en cours6, ne peut en effet se forger en quelques heures, dès les premiers jours d’août. Non seulement il s’agit là d’un phénomène bien trop complexe mais on sait de plus que les contemporains, qu’ils soient civils ou militaires, sont loin de disposer d’i nformations leur donnant un panorama exhaustif des événements en cours. Dès lors, émerge nécessairement la question de l’acquisition de cette culture, interrogation posant l’entrée en guerre comme le moment d’une acculturation au conflit en cours. En d’autres termes, envisager l’ombre portée de l’année terrible sur 1914, c’est ériger 1870 en protoculture de la Première Guerre mondiale, c’est-à-dire en grille de compréhension première du conflit, au moment où celui-ci se déclenche et avant qu’il ne s’enlise dans les tranchées.

Aussi, après avoir examiné la présence de 1870 dans l’espace public breton en 1914, on verra en quoi cette guerre constitue pour les combattants la porte d’entrée de celle qui devait être la der des ders. Dans ce cadre, on s’attachera tout particulièrement aux modalités du passage d’une culture de guerre à une autre.

 

Eléments de méthode

Mais avant d’ériger 1870 en fondement d’une protoculture de la Première Guerre mondiale en Bretagne, il convient de s’accorder sur ce que recouvrent précisément cette notion, cette année et cet espace, par bien des égards éminemment protéiformes.

La guerre en ses cultures

Il n’est bien évidemment pas question pour nous de reproduire en ces pages le long débat méthodologique visant à déterminer si oui, ou non, il existe une « culture de guerre ». Rappelons juste que c’est au tournant des années 1990 qu’émerge cette notion, à la faveur de la troisième configuration, dite culturelle, de l’historiographie de ce conflit et qu’elle est rapidement au cœur d’une virulente controverse à propos de l’endurance des combattants, que l’on résumera trop rapidement par l’opposition entre la contrainte et le consentement7. En ce qui nous concerne, nous adopterons, comme énoncé précédemment, la définition de J. Horne et A. Kramer pour qui la culture de  guerre est une « grille de lecture donnant du sens au réel en cours »8.

Carte postale. Collection particulière.

Cette notion est essentielle dans la mesure où il parait évident que l’on ne participe pas à une guerre sans la comprendre a minima. Certes, dans les phénomènes de mobilisation générale observés à l’échelle européenne lors de l’été 1914, les dynamiques collectives et le mimétisme des foules sont des éléments essentiels. Pour autant, il est à peu près certain que l’on ne contribue pas à un conflit sans au moins comprendre à quel camp on appartient et contre qui on est amené à se battre. L’Homme est un être cognitif et sa compréhension, même erronée, des choses, est ce qui le distingue du monde animal. C’est cette réalité qui, fondamentalement, permet de postuler l’existence d’une culture de guerre même si celle-ci se manifeste de bien des manières différentes. En effet, il est possible de comprendre un même évènement de bien des façons, en fonction des capitaux sociaux, culturels, éducatifs des acteurs. C’est d’ailleurs cela que synthétise Paul-Louis Landsberg dans son paradigme du cercle des possibles9.

Dans le cadre de la culture de guerre, cette grille de lecture se révèle très profitable en ce qu’elle permet de s’accorder du singulier de ce concept. En effet, l’une des critiques les plus stimulantes formulées à l’endroit de cette notion est probablement celle consistant en un rappel des différences de compréhension d’un même évènement entre un charron, un journalier ou un pêcheur et, pour ne citer qu’un exemple, un professeur agrégé10. Or, le recours aux travaux de Paul-Louis Landsberg permet de comprendre que ces représentations mentales divergentes composent non pas plusieurs cultures de guerre mais une seule et même dont les teintes comportent d’infinies nuances. En d’autres termes, il s’agit de postuler ici que ce qui unit les hommes au-delà des classes sociales – « nous » contre « eux » –  importe plus que ce qui peut les séparer. Ici, c’est bien évidemment le patriotisme qui constitue l’essentiel du socle commun. Tel semble d’ailleurs bien être le sens métaphorique de l’Union sacrée, notion comprise ici non pas dans sa dimension strictement parlementaire mais sociétale et dont l’une des caractéristiques essentielles est de largement abolir toute interrogation des belligérants à propos de leurs propres responsabilités dans le déclenchement du conflit, l’autre étant nécessairement l’agresseur11.

C’est donc bien d’objectivation de subjectivités – parfois même complètement absurdes – qu’il s’agit ici, étant étendu que non seulement tout le monde n’a pas nécessairement les moyens intellectuels de correctement comprendre ce qui se passe en 1914 mais que, de surcroît, il s’avère que l’acteur de l’époque est un homme globalement mal informé. Ainsi de ce combattant français qui, le 21 août 1914, aux alentours de Charleroi, explique dans un courrier adressé à sa famille que « l’Allemagne commence à reculer » alors que, précisément, c’est tout l’inverse qui se produit à ce moment de la campagne12. Autre exemple de même nature mais provenant, cette fois-ci, d’un officier de réserve, quand le lieutenant Guihaire de la 1e compagnie du 47e régiment d’infanterie confesse au moment de la bataille de Guise :

« Bien entendu, nous ne savons rien de la situation, ni du motif de l’alerte d’hier, ni du but de la marche d’aujourd’hui. Nous ne savons même pas où est le 47e. Mais il y avait beau temps que nous avions cessé d’être curieux. »13

Carte postale. Collection particulière.

Par ailleurs, il ne semble pas nécessaire de s’étendre longuement sur le cas des populations civiles, bercées jusqu’à la fin du mois d’août 1914 par les illusions des communiqués officiels14. La compréhension des événements par les hommes et les femmes de l’été 1914 se limite donc le plus souvent à ce qu’ils peuvent voir et entendre, bruits, bobards et fausses rumeurs compris. Or, si l’on considère que la Première Guerre mondiale est synonyme de rupture dans l’histoire des mentalités, alors il apparait évident que l’acquisition d’une culture de guerre propre ne peut s’effectuer en quelques heures, par la simple grâce de la mobilisation générale et de l’Union Sacrée. Autrement dit, le passage d’une phase A – privée de culture de guerre – à une phase B – qui elle en serait pourvue – ne saurait s’opérer d’un coup d’un seul. Des étapes transitoires sont nécessaires. C’est ce que nous désignons ici sous le vocable de « protoculture de guerre », ou culture de l’entrée en guerre, notion qui dans le cadre des premières semaines de la Première Guerre mondiale recouvre essentiellement le souvenir de 1870 et qui permet d’ailleurs de souligner la prégnance de cette mémoire15.

1870 : mémoire sélective

Une fois ceci énoncé, il convient de définir ce que l’on entend par 1870 tant cette année est protéiforme et, à dire vrai, éminemment complexe. En effet, conséquence directe de la défaite militaire et notamment de l’humiliation reçue à Sedan, le Second Empire de Napoléon III vacille pour être remplacé par la République, proclamée le 4 septembre 1870. S’en suit une période de troubles et d’incertitudes, tant sur le plan institutionnel – les lois constitutionnelles qui fondent la IIIe république ne sont votées qu’en 1875 – que sociétal, comme en témoigne l’épisode insurrectionnel qui frappe Paris en 1871, moment passé à la postérité sous le terme de Commune. Ceci sans parler bien entendu des conséquences géographiques de l’Année terrible puisque, outre la perte de l’Alsace Lorraine, il convient de rappeler que l’occupation du territoire français ne s’achève qu’en septembre 1873 avec l’évacuation de Verdun.

Pour notre propos, l’Année terrible se résume à la guerre de 1870 et à la perte de l’Alsace-Lorraine. Non pas que la chute du Second Empire soit sans influence sur les représentations mentales en Bretagne, bien au contraire. Pour ne citer qu’un exemple, rappelons que l’une des artères principales de la ville de Rennes prend le nom le 17 octobre 1870 de boulevard de la Liberté, par opposition au régime tyrannique du Second Empire16. De même, la Commune de Paris n’est sans doute pas sans frapper les images de certains internationalistes armoricains, parmi lesquels le finistérien Gustave Hervé, chantre de l’antimilitarisme à la Belle époque, même si celui-ci finit par se rallier à la guerre en 1914. Mais force est de constater que dans les témoignages de combattants bretons de la Grande Guerre que nous avons pu consulter, l’Année terrible se limite au volet militaire du conflit et aux provinces perdues.

Carte postale. Collection particulière.

Sans doute cela résulte-t-il en grande partie de la socialisation entreprise par l’école et la caserne17. On sait en effet que dans ces lieux de la transmission de « l’idéologie nationale »18 l’histoire sert un discours bien souvent plus politique qu’autre chose. Et l’on se rappelle alors des propos de l’inspecteur d’Académie des Côtes-du-Nord qui affirme au tournant du siècle que l’enseignement de l’histoire sert à

« faire aimer la France, en la faisant connaître dans ses grands hommes, dans ses institutions et dans le rôle qu’elle a joué dans le monde. Il concourt à l’éducation du citoyen et à la pacification intérieure, en lui montrant la marche de la civilisation. »19

Cette dimension se retrouve pleinement dans le célébrissime manuel d’Ernest Lavisse qui n’évoque 1870 qu’au prisme de la défaite militaire et de la perte de l’Alsace et de la Lorraine, et passe bien entendu complètement sous silence l’épisode communard20. Sedan devient dès lors métonymique de l’Année terrible, aspect que reflètent bien les carnets et correspondances des poilus écrits lors des premières semaines de la campagne. Une fois encore,  la mémoire se révèle donc, pour reprendre les mots d’Hannah Arendt, « chose humaine, et rien d’humain n’est parfait »21. Mais c’est précisément cette représentation mentale qui nous intéresse en tant qu’objet historique, même si elle ne recouvre qu’inexactement la complexité de la période.

La Bretagne comme champ d’observation

Semblable remarque peut d’ailleurs être formulée à propos de la Bretagne, notion construite22 dont on peut se demander si, in fine, elle n’a de réalité autre qu’heuristique. On sait évidemment les différences entre les Bretagne bleue et blanche, haute et basse, bretonnante et gallèse sans même parler d’Armor et Argoat. De même, nul n’ignore que suite à la réforme militaire de 1873 la province est scindée en deux régions militaires distinctes, la 10e et la 11e, dont les frontières débordent largement sur la Vendée et la Normandie23.

Carte postale. Collection particulière.

Bien entendu, il est évident que la Bretagne, aussi composite soit-elle, n’a pas à souffrir dans sa chair de l’Année terrible de la même manière que des départements tels que l’Eure-et-Loir ou l’Oise. Les troupes prussiennes n’atteignent même pas les marches de la province et jamais la région n’a à subir d’occupation. Il serait pour autant faux d’en déduire que la guerre franco-prussienne ne laisse aucune trace en Bretagne. Pour ne citer que l’exemple des Côtes-du Nord, c’est précisément pendant ce conflit que ce département observe son plus haut pic de mortalité au cours du XIXe siècle24. Une telle donnée statistique permet donc d’expliquer pourquoi le souvenir des mobiles bretons ou du camp de Conlie est si vif dans la région. De même, c’est probablement l’ampleur des pertes qui permet d’expliquer pour partie le changement de représentations mentales entourant le soldat breton, autrefois volontiers suspecté de chouannerie. Cette évolution culmine pendant la Première Guerre mondiale, où le poilu breton est synonyme de bravoure, d’ardeur au combat et de témérité malgré un penchant certain pour la « bolée »25.

Sans doute la mémoire de 1870 est-elle pour les Bretons de 1914 essentiellement historique, pour reprendre la terminologie de Maurice Halbwachs26, c’est-à-dire non inscrite dans des souvenirs personnels mais dans des discours transmis par une personne et/ou une institution tierce. C’est d’ailleurs ce que laissent à penser les mémoires de Julien Loret, paysan de Gévézé, petite bourgade située à huit kilomètres au nord de Rennes :

« Enfant, je me revois assis sur un petit billot en bois, à côté de mon père au coin du feu, l’écoutant attentivement raconter l’histoire de son service militaire ; en 1870 (au Nord Est de notre pays il y avait la guerre avec l’Allemagne) qui tournait à notre désavantage. Mon père avec son unité était resté dans la région du Midi de la France, et après avoir quitté Auch, il se trouva à Bayonne sur la côte basque puis ensuite Pau, Tarbes, Agen, Cahors, Montauban, Foix, Perpignan, et le long de la côte Méditerranéenne jusqu’à Montpellier. »27

Mais, bien que n’ayant pas eu à subir sur son sol les affres de l’Année terrible, la Bretagne, avec tout ce que ce terme peut avoir de composite, n’en témoigne pas moins d’une mémoire de 1870, certes imparfaite puisque circonscrite au seul volet militaire. Pour autant, s’il l’on peut ériger 1870 au rang de protoculture de la Première Guerre mondiale en Bretagne, alors sans doute le concept pourrait-il être exporté à plus vaste échelle, et tout particulièrement dans ces régions où le souvenir de l’Année terrible est encore plus vif.

 

De la présence de 1870 en 1914 dans l’espace public

Dans les mois qui précèdent la mobilisation générale d’août 1914, les références à la guerre de 1870 sont extrêmement nombreuses dans l’espace public. Mais celles-ci ne doivent pas tromper car plus que le témoin d’une obsession mémorielle, elles participent d’un socle de références culturelles communes.

Un tableau extrêmement conu contribuant à faire de 1870 une référence partagée par tous : Les dernières cartouches d'Alphonse de Neuville. Wikicommons.

Une référence omniprésente

Il est peu contestable que la perte de l’Alsace et de la Lorraine constitue, y compris en Bretagne, une plaie extrêmement douloureuse. C’est d’ailleurs en introduisant une histoire de cette province que Charles-Victor Langlois rappelle que la France se compose petites patries qui sont toutes sans exception indispensables à son génie :

« La grande voix de la France, qui a toutes les inflexions, depuis les plus douces jusqu’aux plus puissantes, est faîte de voix distinctes, qui chantent à l’unisson. Chacune de nos vieilles provinces joue sa partie dans ce concert, et contribue à l’harmonieuse perfection de l’ensemble. Elever la Bretagne, ou la Normandie, ou la Gascogne, à la France, ce serait mutiler non seulement son territoire mais son génie. C’est pour cela que la perte de l’Alsace-Lorraine a été une si grave atteinte à l’intégrité de la patrie. »28

Ce discours est bien entendu repris dans les salles de classe et les provinces perdues se retrouvent inscrites dans de nombreux schémas d’urbanisme par la grâce de l’odonymie. A Rennes, lors de la séance du Conseil municipal du 10 décembre 1886, l’ancien boulevard de l’Est prend ainsi le nom de deux villes emblématiques, Metz et Strasbourg. Le rapporteur du projet de délibération déclare d’ailleurs à ce propos qu’il « n’est pas besoin d’insister sur les raisons qui ont engagé M. le Maire et votre commission toute entière à perpétuer le souvenir de ces deux cités si françaises et si vaillantes que la guerre de 1870-1871 a séparées de la mère patrie »29. Aux dénominations de voies publiques viennent s’ajouter les inaugurations de monuments comme à Saint-Nazaire, Brest et Quimper. Ces constructions sont en effet le support de pratiques commémoratives qui ancrent le souvenir de l’Année terrible dans les consciences et qui, par bien des égards, loin de s’étioler à la veille de 1914, préfigurent le mouvement ancien combattant post-Première Guerre mondiale. C’est ainsi qu’en 1912 la Société des vétérans de terre et mer 1870-1871 compte 243 995 membres en France, dont plus de 110 000 vétérans de la guerre franco-allemande30. Preuve de l’importance prise par cette association, les polémiques survenant après l’élection en décembre 1903 à la présidence nationale de Joseph Sansboeuf, opposé notamment à Yves Le Fiblec, président de 1762e section de Lannion, sont exposées en détail dans les colonnes de L’Ouest-Eclair31. Mais le souvenir de l’Année terrible ne saurait être uniquement porté par la Société des vétérans de terre et mer 1870-1871. A Saint-Brieuc, c’est ainsi un ancien combattant de la guerre franco-allemande, engagé à l’âge de 18 ans dans les rangs des francs-tireurs, Jules Etesse, qui crée en 1909 la 94e section des Médaillées militaires32. Autres association emblématique, qui est d’ailleurs reconnue d’utilité publique à partir de 1906, le Souvenir français et son président Xavier Niessen dont l’action avant 1914 sont indissociables de la mémoire de la guerre de 1870 et qui semble particulièrement bien implantée en Bretagne. En 1901, c’est ainsi à l’initiative du Comité local du Souvenir français qu’est inauguré un monument commémoratif au cimetière de l’Est à Rennes33. Deux ans plus tard, c’est à Morlaix que Xavier Niessen préside à l’inauguration d’un monument34. L’année d’après on le retrouve à Vannes à l’occasion d’une cérémonie en hommage « aux morts pour la Patrie »35….

Carte postale. Collection particulière.

Toutes ces associations concourent à maintenir la guerre de 1870 dans les esprits et c’est au final assez naturellement que, désireux d’adresser un signal politique fort après la crise d’Agadir, le gouvernement français crée en novembre 1911 une médaille commémorative destinée à toute personne en état de justifier sa présence sous les drapeaux lors de cette campagne. Certes, l’objet de cette décoration « n’est pas de reconnaître les mérites éminents de tel ou tel soldat, mais bien de rassembler l’opinion publique autour des anciens combattants et du souvenir de la guerre contre l’Allemagne »36. Pour autant, il n’en demeure pas moins que son succès est réel, quelle que soit les strates de la société envisagées. C’est ainsi qu’un officier général peu suspect de républicanisme tel le morbihannais Fernand de Langle de Cary la porte fièrement tandis qu’un hussard noir comme Théodore Chalmel note que la fête organisée en l’honneur des anciens combattants de 1870 est le principal évènement de l’année 1913 à Saint-Père-Marc-en-Poulet37. D’ailleurs, quelques mois plus tard, ce sont d’autres vétérans de ce conflit que décore le Président de la République Raymond Poincaré en tournée en Bretagne38.

Loin d’être anecdotiques, ces diverses évocations de l’Année terrible nous semblent éminemment importantes en ce qu’elles tendent à ériger la guerre de 1870 en « fond culturel commun », pour reprendre l’excellente expression de R. Porte39. Or ce volet commémoratif est essentiel en ce que l’on sait qu’il existe une continuité de forme et de fond entre les fêtes de la Revanche et le 11 novembre40. De surcroît, à aucun moment la Bretagne ne parait devoir se singulariser puisque l’empreinte de la guerre de 1870 semble tout aussi importante outre-Rhin. C’est ainsi qu’en octobre 1907 est inauguré à Villiers-sur-Marne un mausolée en mémoire des nombreux soldats tués le 2 décembre 1870 en cette même localité, monument érigé par plusieurs sociétés de vétérans saxons41.

Les vecteurs militaires

Une telle anecdote dit bien la pers istance dans les consciences d’un conflit qui, par bien des égards, apparait plus comme une référence incontournable que comme une plaie difficilement cicatrisable. On l’a dit, l’historiographie s’accorde à dire aujourd’hui que la volonté de Revanche n’est probablement pas aussi obsessionnelle que ce que l’on a bien voulu croire pendant des années. Pour autant, il n’en demeure pas moins que la guerre de 1870 est la base sur laquelle Paris organise sa réforme militaire dans les années qui suivent Sedan et que, dès lors, l’Armée véhicule à de nombreuses occasions le souvenir de ce conflit.

Carte postale. Collection particulière.

On sait ainsi que la Bretagne est en 1914 scindée en deux régions militaires et tant cette structuration que l’implantation des différents régiments dans leurs garnisons respectives résultent de la réforme engagée en France à la suite de la défaite de 1870, et portent donc implicitement cette mémoire. Mais au-delà de son organisation, l’Armée véhicule de bien d’autres manières le souvenir de cette guerre franco-allemande. Certes, à notre connaissance, il n’existe aucun drapeau d’unité bretonne à faire en 1914 référence à la guerre de 70, alors qu’un régiment comme le 47e de ligne s’illustre à Reischoffen. Pourtant, à Rennes, une des casernes qu’occupe le 41e régiment d’infanterie porte le nom du général de Mac Mahon. Or si son souvenir est indissociable de l’idée républicaine – le maréchal occupant l’Elysée pendant un peu plus de cinq ans entre 1873 et 1879 – il est aussi consubstantiellement rattaché à l’Année terrible puisqu’il est capturé à Sedan. C’est là d’ailleurs un point sur lequel insiste particulièrement La Dépêche de Brest dans la nécrologie qu’elle publie le 19 octobre 1893 :

«  […] Il ne quitta le sol africain qu'après la déclaration de guerre de 1870, lorsqu'on l'appela au commandement du 1" corps d'armée. Son avant-garde, sous les ordres du général Abel Douay, fut battue à Wissembourg (4 août), et lui-même, deux jours après, essuyait à Reichshoffen une sanglante défaite. Forcé de battre en retraite, il revint à Chalons, où on lui donna le commandement d'une seconde armée avec l'ordre de se porter au secours de Bazaine. Mac-Mahon, personnellement opposé à ce plan, l’exécuta dans les conditions que l’on sait : la marche de l’armée de Châlons aboutit au désastre de Sedan. Blessé dans la terrible bataille du 1"septembre, il remit le commandement à Bucrot et fut emmené prisonnier à la frontière belge, puis à Wiesbaden, où il resta jusqu'à la fin de la guerre. »42

Autre caserne de Rennes, celle dont la construction sur les prairies de Villeneuve est envisagée à partir du début des années 1910. Destinée à la cavalerie – elle abrite en 1914 des éléments du 24e régiment de Dragons, unité fraichement transférée de Dinan – elle porte le nom du général Jean-Auguste Margueritte, décédé le 6 septembre 1870 des suites de blessures contractées lors de la bataille de Sedan43.

Ces évocations de 1870 renvoient directement à l’une des fonctions essentielles du service militaire qui, dans le prolongement de la cour d’école, achève la construction du citoyen par une pédagogie où l’histoire dispose d’une place éminente. Si l’on se base sur les préceptes de l’édition de 1904 du Manuel d’infanterie à l’usage des sous-officiers, caporaux et élèves caporaux, on constate que les vertus militaires sont enseignées aux conscrits au moyen d’exemples piochés dans quelques-uns des plus hauts faits d’armes de l’Armée française. Or le conflit qui est à cette occasion le plus sollicité, loin devant les guerres napoléoniennes, est la guerre de 1870 avec notamment les épisodes de la bataille de Frœschwiller (6 août 1870), de la destruction du pont de Fontenoy (22 janvier 1871)) ou encore du combat de Bretoncelles (21 novembre 1870)44. Dix ans plus tard, le Manuel d’instruction militaire à l’usage des élèves-caporaux, sous-officiers, élèves-officiers de réserve, candidats aux écoles de Saint-Maixent ou de Saint-Cyr45, prescrit que les gradés rappellent aux conscrits « les batailles et les faits d’armes remarquables auxquels a pris part le régiment » et il est à cet égard plus que probable qu’en ces occasions le souvenir de Gravelotte soit évoqué dans les casernes qu’occupent à Nantes les bataillons du 65e régiment d’infanterie ou à Vitré ceux du 70e RI46.

Carte postale. Collection particulière.

Là encore, cette éducation militaire est loin de relever de la simple accumulation d’anecdotes puisque ces hauts faits d’armes participent indéniablement de la construction d’un esprit de corps indispensable à la bonne tenue sur le champ de bataille d’une unité. Or, comme le rappelle très justement A. Watson, un régiment c’est un prestige, une histoire, bref un passé magnifique et magnifié dont le rappel a pour but de contraindre les hommes à l’excellence47. A cet égard, il n’est sans doute pas anodin que l’inauguration au cimetière de la Trinité à Guingamp du « monument funéraire élevé pour les soldats du 48e » se déroule en novembre 1905 en présence du président national du Souvenir français, Xavier Niessen48.

La prochaine guerre avec l’Allemagne

En effet, tout cet environnement, tant mémoriel qu’organisationnel, contribue à ancrer l’idée que la prochaine guerre sera, comme une redite de 1870, contre l’Allemagne. Il est vrai que la signature de l’Entente cordiale change radicalement la donne européenne du point de vue diplomatique et que désormais, aux yeux de Paris, seul Berlin peut faire figure d’ennemi potentiel ; ni Madrid, ni Rome n’ayant les épaules suffisamment solides pour disputer à la France son rôle sur l’échiquier continental. Le passage aux trois ans en est un bel exemple puisque c’est bien pour répondre à la réforme que Berlin engage en 1912 que Paris accroit la durée du service militaire49. Cette dimension n’échappe d’ailleurs pas à grand monde comme en témoignent la carte que ce jeune agriculteur de Quélennec sous les drapeaux du 3e régiment de de Dragons adresse à son cousin en février 1913 :

« Avec cette approche du printemps, n’y a-t-il pas de nouvelles au pays ? Ici, il n’y en a pas beaucoup pour le moment, de l’inquiétude en se demandant si la loi de 3 ans frappera les jeunes et si le service de 30 mois nous retiendra jusqu’à mars il y aura un an. Sous tout cela qui consiste à fortifier notre armée germe probablement une guerre prochaine avec l’Allemagne, et les conversations qui se tiennent dans les casernes à ce sujet sont nombreuses. Quelle haine entre ses deux puissances ; si une guerre doit surgir, quelle boucherie étant donné cette haine entre eux et nous et la force des deux puissances. »50

Extrêmement intéressante est à cet égard la tribune que signe le 13 juin 1913 le commandant Sorb – pseudonyme d’un officier de carrière, Jules-Auguste Cornier –  à la une de L’Ouest-Eclair, le grand quotidien rennais, catholique et républicain51. Bien entendu, le contexte dans lequel est publié ce texte est particulier et doit être restitué pour en dresser une analyse correcte. En effet, il s’agit d’un propos de doctrine portant sur l’utilisation des réserves, question ayant suscité maints débats. Or, L’Ouest-Eclair publie cet éditorial en plein débat sur la loi portant le service militaire à trois ans, à une période où la tension européenne est assez importante deux ans après la crise d’Agadir et quelques jours seulement après la signature du traité de Londres, mettant fin à la première guerre balkanique. Mais, ce qui frappe en lisant la prose de Sorb est de voir comment – et à cet égard il paraît à l’image de l’Armée française52 – il fait fi des conflits récents (guerres balkaniques, guerre des Boers, guerre russo-japonaise de 1905…) pour ne baser son propos que sur 1870. Dans cet optique, on ne peut pas s’étonner que la prochaine guerre soit nécessairement « franco-allemande » puisque l’horizon d’attente, tant en termes de retours d’expériences que d’anticipations de conflits futurs, parait se limiter au Rhin.

La bataille de Majuba pendant la guerre des Boers en 1881. Wikicommons.

Or loin d’être exceptionnel, un tel article nous semble au contraire révélateur d’une véritable « crise allemande de la pensée française »53 centralisée sur le trauma de 1870 et dont se fait l’écho toute une littérature professionnelle. L’examen des articles publiés par la Revue d’infanterie entre 1905 et 1913 est à cet égard particulièrement révélateur puisque seul un semestre se révèle exempt d’un article traitant explicitement de l’Allemagne et/ou traduit d’un auteur allemand. Au total, sur la période, l’Allemagne est ainsi le sujet de 15% des articles de cette revue, sept portant sur la seule guerre de 187054. Mais semblable tendance peut également être décelée dans d’autres publications à prétention militaire, diffusées cette fois par des canaux destinés au grand public. D’ailleurs, la situation devient telle que certains journaux en deviennent presque schizophrènes. Tel est par exemple le cas du Nouvelliste du Morbihan qui dans son édition du 11 janvier 1914  évoque en première page les discours tenus à Berlin qui « contrairement à l’habitude, [soulignent l’importance] du maintien de la paix européenne et des profits que l’Allemagne en a retirés » et, quelques lignes plus haut, s’inquiète de l’effort de guerre poursuivi outre-rhin55. Si Saverne est pour L’Ouest-Eclair l’occasion de dénoncer le « militarisme prussien »56, on peut remarquer que ce discours n’est pas sans déconnection avec le souvenir de l’Année terrible puisque l’un des protagonistes de l’affaire, le colonel von Reutter, est qualifié d’officier « autour duquel brille les grands jours de 1813 et de 1870 »57.

La situation est telle qu’au final, il y a sans doute lieu de se demander si, à la veille de la crise de l’été 1914, la mémoire de ce conflit n’a pas plus à voir avec les relations franco-allemandes qu’avec la question de l’Alsace-Lorraine. Pour autant, il est indéniable que, tant dans l’Armée que dans le reste de la société, la guerre de 1870 relève à la veille du premier conflit mondial d’un « fond culturel commun » qui se révèle, en définitive, être une véritable porte d’entrée dans la Grande Guerre.

 

La porte d’entrée de la Grande Guerre

En effet, seulement 44 ans séparent 1870 de 1914, soit à peine la vie d’un individu. Il n’est dès lors pas  étonnant, au regard de sa prégnance dans la société bretonne de la Belle époque, que nombreux soit les hommes et les femmes qui, dans les premières semaines de 1914, comprennent le conflit en cours au travers du précédent de 1870, ce dont attestent de nombreuses sources renvoyant tant aux civils qu’aux combattants.

La presse et les civils…

A l’arrière, la presse du début de l’été 1914 regorge ainsi de références à la guerre de 1870. Célèbre est à cet égard le cas de l’Humanité qui publie en feuilleton à partir du 25 mai 1914 La Débâcle, dernier tome des Rougon-Macquart qu’Emile Zola consacre à l’Année terrible. Mais bien d’autres titres témoignent en Bretagne de la prégnance de cette référence culturelle au moment où se dénoue la crise politique faisant suite à l’attentat de Sarajevo. Car c’est bien avec la mobilisation générale, lorsque le conflit devient une réalité tangible pour tous, que le souvenir de 1870 resurgit dans les journaux. A Rennes, dans les colonnes de L’Ouest-Eclair, Emmanuel Desgrées du Lou signe le 3 août 1914 un éditorial sobrement intitulé « C’est la Guerre ! ». Si le thème ne change pas fondamentalement des tribunes qu’il publie dans les jours précédents, on remarque que le directeur du quotidien catholique fait explicitement référence à la guerre de 1870 contrairement aux semaines antérieures, où le propos se limite à des considérations politiques, diplomatiques et morales sur le droit58. L’Echo du Morbihan n’est lui pas en reste et barre sa une du 10 août 1914 d’un éloquent « Après 44 ans » pour annoncer l’entrée en Alsace de soldats français59. Commentant cette même nouvelle, La Dépêche de Brest indique que des turcos participent à ces opérations et croit bon de préciser qu’il « n’est pas inutile de rappeler que ces troupes causèrent aux Allemands, en 1870, une terrible panique, notamment à Wissembourg, par leur furia et leur solidité au feu »60.

Carte postale. Collection particulière.

Au final, tout se passe comme si les contemporains avaient recours au précédent de 1870 pour rendre les événements du moment plus lisibles. Prenant acte de la tension internationale, Le Bas-Breton, journal républicain de l’arrondissement de Châteaulin, croit bon de rappeler à ses lecteurs que « jamais depuis 1870 la situation extérieure n’avait été aussi grave »61. Telle est également l’impression que donne à Saint-Servan La Dépêche, publication éphémère visant à « faire connaître à tous les dépêches officielles de la journée et les renseignements administratifs de nature à favoriser l’élan de fraternité sociale que la guerre a suscité dans notre pays ». A côté d’informations très concrètes s’ancrant dans l’immédiat de la parution (tableau de concordance des jours de mobilisation, avis concernant les réquisitions, les réfugiés ou les engagements volontaires…), ce journal publie à partir du 10 septembre 1914 une rubrique intitulée « Souvenirs de 1870 carnet d’un servannais ». Pour justifier ce choix éditorial, la rédaction explique que « ce fut alors comme aujourd’hui l’invasion de la France par les Allemands » et que dès lors « on conçoit que les dépêches de 1870 ne sont pas sans similitudes avec celles que nous avons lues depuis un mois »62. Le propos est ici d’autant plus fort que La Dépêche de Saint-Servan est présentée dès le départ comme un « Mémorial de guerre ».

Mais la presse n’est pas le seul support permettant de déceler la présence de 1870 en cet été 1914. A Rennes, la guerre fait surgir dès les premières heures de la guerre un problème relativement inédit d’odonymie. En effet, en plein milieu de la cité, existe alors une rue et un pont de Berlin, dénommé en souvenir de l’entrée de la Grande Armée en cette ville en 1806. Mais, plus d’un siècle plus tard, la population parait avoir oublié la signification réelle de ce nom de rue qui, désormais, fait polémique. Le maire, Jean Janvier, croit pouvoir gagner du temps en déclarant lors du conseil municipal du 28 août 1914 qu’il « y a lieu d’attendre la fin des hostilités pour envisager cette question des dénominations de rues ». Mais un an et demi plus tard la guerre n’est toujours pas achevée et, la contestation grondant de plus en plus, la municipalité est obligée de renommer cette artère. Pour justifier son revirement, elle confesse avoir pensé en août 1914 que « la guerre, en raison même de sa violence, ne pourrait se poursuivre plus longtemps que n’avait duré la malheureuse campagne de 70-71 »63.

Preuve que cette référence culturelle est réellement centrale lors de l’été 1914, on la trouve tant sous la plume d’un maire laïc comme Jean Janvier que dans de nombreuses publications religieuses. Dans les Côtes-du-Nord, le bulletin paroissial de Quessoy daté du 2 août 1914 interpelle les fidèles car « en 1870, nous n’étions pas prêts, et hélas ! nous fûmes battus »64. De même, en septembre 1914, on trouve des références plus ou moins explicites à l’Année terrible dans les bulletins des paroisses de Locmariaquier et Crac’h, de Quiberon, de Vannes, de La Guerche-de-Bretagne, de Saint-Brieuc…65 On remarquera d’ailleurs que 1870 n’est pas une référence culturelle uniquement francophone puisqu’on la décèle également dans des bulletins en Breton comme celui, par exemple, de la paroisse de Guipavas66. Autre exemple, celui du curé-doyen de La Guerche qui se rappelle à propos de ces sombres heures d’août 1914 :

« Nous avions encore dans la mémoire les tristes souvenirs de 1870. La guerre contre l’Allemand nous paraissait terrible, effrayante. »67

Carte postale. Collection particulière.

A dire vrai, seul un être demeure absent du corpus réuni : la femme. Ayant sans doute moins accès à la plume, ou tout du moins leurs écrits étant moins conservés, il est difficile d’estimer si les elles entrent en Première Guerre mondiale par l’intermédiaire de 1870. Ainsi, ni Colette à Saint-Malo ni Edith Julien à Dinard ne font explicitement référence au souvenir de 1870 dans les écrits qu’elles produisent lors de ces toutes premières semaines du conflit68. Néanmoins, sans passer sous silence les différences genrées de socialisation, il nous semble que des éléments tels que le caractère obligatoire de l’enseignement primaire aussi bien pour les filles que pour les garçons ainsi que l’importance de la pratique commémorative de 1870 dans l’espace public breton des années 1871-1914 autorisent à répondre par l’affirmative. Quelques archives nous laissent d’ailleurs entendre que les femmes ne sont pas totalement insensibles au souvenir de 1870. Tel est par exemple le cas de cette circulaire du préfet d’Ille-et-Vilaine du 2 septembre 1914 relative aux réquisitions de couvertures au profit de l’Armée. Afin d’appuyer son propos et de s’assurer le concours de la population de son département, déjà fortement touchée par les réquisitions, notamment de chevaux, Lucien Saint conseille à ses sous-préfets d’user de la fibre patriotique et du souvenir de l’Année terrible : « Beaucoup d’entre eux ont fait la campagne de 1870 : le souvenir des souffrances endurées par nos armées, pendant l’hiver rigoureux de 70-71 suffirait, j’en suis sûr, à stimuler leur activité dans l’accomplissement de cette nouvelle tâche »69. Un propos qui vise les hommes mais, répartition des tâches domestiques oblige, très certainement aussi les femmes.

Les combattants

Les combattants de l’Armée française de 1914-1918 étant pour l’essentiel des civils sous uniforme, il n’est au final pas étonnant que les poilus entrent eux aussi dans la Grande Guerre par l’intermédiaire du souvenir de 1870. De surcroît, il est vrai que certaines situations semblent entretenir à dessein la confusion. Ainsi, le 9 septembre 1914, le rédacteur du journal des marches et opération du 75e régiment d’infanterie territoriale de Rennes consigne l’arrivée et l’affectation à la 10e compagnie du sous-lieutenant Berthéolle, vétéran de 1870 âgé de 62 ans70. De même, on sait que le parcours du 10e corps d’armée de Rennes lors des toutes premières semaines de la campagne n’est pas sans emprunter certaines routes de sinistre mémoire. La concentration des troupes aux ordres du général Defforges s’effectue en effet dans le secteur de Vouziers, à quelques kilomètres seulement au sud de Sedan71. La situation est telle qu’un brancardier du 47e régiment d’infanterie, Louis Leseux, écrit dans son carnet profiter de ce passage dans le secteur pour « faire un petit pèlerinage au village de Bazeilles, si vaillamment défendu par les nôtres en 1870 ». Visitant l’ossuaire ainsi que le musée attenant, il confie même être « tout impressionné de tous ces souvenirs patriotiques si récents, en cette circonstance, encore plus impressionnants encore »72.

De telles remarques ne sont pas rares et il est au contraire frappant de voir combien la référence à l’Année terrible est présente dans les carnets de combattants lors de ces tous premiers jours de la Première Guerre mondiale. Caporal à la 12e compagnie du 48e régiment d’infanterie de Guingamp, Emile Bourdon explique dans son carnet, alors qu’il se trouve le 10 août 1914 dans les Ardennes, discuter avec de vieux fermiers des environs qui « ont été témoins de la dernière guerre »73. Si le capitaine Mercier du 271e régiment d’infanterie indique dans son carnet ne percevoir à Sedan, le 20 août 1870, « nulles traces de la guerre de 1870 pour un œil non averti », une telle tournure de phrase dit bien combien celle-ci est néanmoins présente dans son esprit74. Or lorsque l’on connait l’économie scripturaire qui régit ces documents, ceux-ci étant un espace restreint où seuls sont consignées les informations les plus importantes, on mesure combien ces références à l’Année terrible, bien que parfois légèrement évanescentes, trahissent le cadre de compréhension du présent en cours des acteurs.

Une batterie de 75 en action, probablement pendant des Grandes manoeuvres avant 1914. Wikicommons.

Il est plus difficile de trouver des traces de ce souvenir de 1870 lors des toutes premières semaines de la Première Guerre mondiale dans les correspondances combattantes puisque l’on sait que la poste aux armées fonctionne très mal à cette période. De plus, les réalités de la guerre de mouvement ne laissent que peu de temps aux hommes pour correspondre et, bien souvent, leurs missives se résument à quelques lignes griffonnées hâtivement pour rassurer le destinataire. Pour autant, cela ne signifie pas que les combattants n’évoquent pas de temps à autres, dans les lettres qu’ils adressent à leur famille, le souvenir de l’Année terrible. Lieutenant-colonel commandant le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo, Daniel Poncet des Nouailles écrit régulièrement à sa femme pour la rassurer et lui adresse deux cartes postales figurant, l’une, la maison de la dernière cartouche à Bazeilles, l’autre, le monument aux morts de la guerre de 1870 de cette commune75. Instituteur affecté au 70e de Vitré, Jules Lachiver adresse à ses parents début août 1914 une carte postale figurant la ferme de Givodeau, bâtiment où il cantonne mais aussi, et peut-être même surtout pour notre propos, haut-lieu de mémoire de la bataille de Beaumont qui se déroule le 30 août 187076.

Les mémoires de combattants ne sont pas en reste et lorsque le Dolois Louis Maufrais entreprend à l’âge de 84 ans de raconter son expérience sur des cassettes audio, il prend bien soin de préciser qu’en 1914 on se fait « une idée très sommaire, sans doute un peu puérile » du conflit à venir et qu’en réalité « on pensait à la guerre de 1870 »77. Officier de carrière participant aux deux guerres mondiale, Jean-Marie Le Barillec est prisonnier de guerre en Allemagne lorsqu’il entreprend, en 1942, la rédaction de ses souvenirs. Revenant sur ses souvenirs de la mobilisation générale, celui qui était alors sous-lieutenant de réserve au 118e RI de Quimper note que le « pays » souhaite « la revanche de 1870 »78. Paysan de Vezin-le-Coquet, dans les environs de Rennes, mobilisé en août 1914, Pierre-Marie Phillouze relate dans ses Souvenirs de guerre cette scène survenue le 15 août 1914, alors que le 62e régiment d’infanterie de Lorient se trouve non loin de Sedan :

« Nous écoutons les doléances d’une toute vieille femme qui vu a guerre de 1870 ; son mari fusillé par les Allemands, les violences dont elle fut l’objet de leur part, tout cela lui a gardé au cœur une haine farouche qu’elle nous exhale d’une voix où frémit une colère terrible. Montrant le poing du côté de la frontière, elle nous demande de repousser l’envahisseur et de luis épargner le retour des bandits de 1870. En ce moment elle est vraiment belle de fureur patriotique la pauvre vieille… et nous avançons déjà sur la route qui sort du village que l’entendons encore derrière nous nous crier ses recommandations et ses espoirs. »79

Quelques lignes plus loin, dans ses souvenirs très probablement recomposés à partir de carnets pris sur le vif, Pierre-Marie Philouze écrit : « Nous voici sur la grand ’route qui monte à Sedan, de douloureuse mémoire »80. Triste souvenir également pour l’ancien combattant de 70 Charles Lanrezac, patron de la Ve armée en août 1914 et ancien commandant de la 20e division à Saint-Servan de 1911 à 1913. Justifiant dans ses mémoires sa décision de battre en retraite devant l’avancée allemande, il ne peut s’empêcher d’écrire : « Charleroi n'est pas loin de Sedan ; de Sedan où, 44 ans auparavant, précisément à la même époque, la dernière armée française qui tint encore la campagne fut cernée par les Allemands et contrainte de capituler : abominable désastre qui rendit notre défaite irréparable; quel souvenir! »81. Frappante est donc, lors de ces toutes premières semaines de campagne, la centralité de la mémoire de 1870, référence culturelle partagée et mobilisée tant par un général commandant une armée que par un simple soldat de deuxième classe.

 Vers la culture de guerre du Premier conflit mondial

Mais la culture de la Première Guerre mondiale se caractérise par un système de représentations donnant sens au conflit en cours indépendamment du souvenir de la guerre de l’Année terrible. Bien entendu, même avec l’enlisement des opérations, les références à 1870 ne disparaissent pas totalement mais il n’en demeure pas moins qu’elles deviennent au fil des semaines de plus en périphériques. Se pose dès lors la question du moment du passage d’un système de représentations à un autre ou, autrement dit, de la transition d’une protoculture de guerre fondée sur le référent de l’Année terrible à la culture du premier conflit mondial stricto sensu.

Carte postale. Collection particulière.

Il est bien entendu délicat d’apporter ici une réponse précise dans le cadre de l’exemple breton tant le phénomène étudié est, par définition, ténu. Néanmoins, dans le cadre d’une étude de l’entrée en guerre du 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo, nous avons cru pouvoir distinguer une période particulière où les combattants, repartant à la poursuite des Allemands après la victoire de la Marne, consolident leur culture de guerre non plus à partir du référent de 1870 mais avec ce qu’ils voient : des centaines de cadavres, des dizaines d’habitations ravagées et la cathédrale de Reims menacée puis incendiée, autant d’éléments immanquablement attribués à l’ennemi et qui semblent changer le sens du conflit en cours. Non seulement ce moment aboutit à une élévation assez considérable de la violence sur le champ de bataille caractérisée, notamment, par la première liaison effective avec l’artillerie lors de la reprise du fort de la Pompelle mais, de surcroît, on observe que les combattants ne font alors plus référence dans leurs carnets à 187082. Or le 47e RI étant ici considéré dans une démarche indiciaire, il est possible de retrouver la trace, à la même période, d’une telle évolution du système de représentation dans de nombreux témoignages. Et en réalité, c’est bien l’entrée dans le long 1915 qui se joue ici, comme si l’année 1914 était indissociable du souvenir de 187083. D’ailleurs, encore une fois, ce rythme ne semble pas totalement propre aux Bretons puisque J.-P. Popelier remarque à propos des atrocités allemandes que « les exécutions cessèrent brusquement à la mi-septembre, comme si les supposés francs-tireurs avaient cessé d’exister du jour au lendemain »84. Quel contraste avec Ambroise Harel qui dans ses mémoires reproduit le dialogue suivant, survenu à la fin de l’année 1916 :

« A Montreux-Vieux, je posai les questions suivantes à un gros agriculteur déjà ancien :
- Que pensez-vous du régime allemand depuis 1870 ?
- C’est la même chose, les mêmes lois, sauf qu’elles sont mieux appliquées.
- Vous n’avez pas souffert du changement ?
- Ma foi, non !
- Vous étiez soldat français en 1870 ?
- Oui, me dit-il, et sans un mot de plus il se retourna et s’en alla ; j’avais plutôt l’air de l’ennuyer. »

Pour les populations civiles demeurées dans la péninsule armoricaine, la dynamique est bien entendu différente même si la chronologie est à peu près comparable. C’est en effet à partir de la fin du mois d’août que l’arrière prend connaissance de la débâcle française sur les frontières et qu’arrivent de nombreux blessés et réfugiés qui, indéniablement, modifient l’opinion qui, dorénavant, devient consciente que la guerre ne sera pas « fraiche et joyeuse ». Plus encore, c’est avec le mois de septembre 1914 que les populations civiles sont amenées à comprendre que la situation va durer et que les réfugiés, par exemple, se trouvent dans une condition, certes provisoire, mais appelée à se prolonger un certain temps. Preuve de cette adaptation au conflit qui, indéniablement, traduit un changement d’état d’esprit par rapport à ce que l’on peut observer dans les tous premiers jours de la campagne, un certain nombre d’institutions ré-ouvrent. A Saint-Brieuc, le Conseil général reprend ainsi ses travaux le 7 septembre, la séance du 12 août s’étant résumée à l’adoption à l’unanimité d’une adresse patriotique86. A la mi-septembre, les écoles aussi rouvrent leurs portes, la différence étant que la mobilisation générale a fait surseoir aux mutations des instituteurs. Ceux qui ne sont pas sous les drapeaux doivent donc « reprendre leur service à leur poste annuel »87. A Morlaix s’installe le dépôt des 72e et 272e régiments d’infanterie d’Amiens et de Péronne, délocalisé du fait de l’avancée allemande. Semblables mouvements ont lieu à Vitré (106e et 306e RI de Châlons), Quimper (151e et 351e RI de Verdun) ou encore Guingamp( 161e et 361e RI de Saint-Mihiel), pour ne citer que quelques exemples88. Même le Conseil de guerre de la 10e région militaire à Rennes cesse de siéger pendant le mois d’août 1914 et reprend ses séances au début du mois de septembre89.

Carte postale. Collection particulière.

Bien sûr, ces cessations provisoires d’activité au cours du mois d’août 1914 sont un corollaire de la grande désorganisation induite par la mobilisation générale. Aussi ces réouvertures paraissent caractéristiques d’une certaine forme de résignation face à une guerre qui dure et s’enlise irrémédiablement vers une première campagne d’hiver. Si lors de l’été 1914 on est bien dans une entrée en guerre, renvoyant de facto au précédent de 1870, tel n’est plus le cas lorsque vient l’automne. C’est alors le signal pour que s’installe une nouvelle grille de lecture du réel en cours. C’est donc moins dans l’évolution du warfare ou de la situation des départements de l’arrière que dans le changement d’imaginaire qui y est associé que réside ce passage de la protoculture à la culture du Premier conflit mondial. L’article que T. Perrono publie dans ces mêmes colonnes à propos de l’opérabilité du concept de « période contemporaine » dans le secteur de la production de toile à voile est à cet égard extrêmement révélateur. En effet, celle-ci semble plus se définir par l’émergence d’un imaginaire spécifique que par des structures économiques et/ou sociales qui seraient à proprement parler contemporaines90. Une réflexion qui peut aisément s’appliquer à la transition entre protoculture et culture de guerre lors du premier conflit mondial.

 

Depuis un certain nombre d’années, il est courant d’ériger 1914 en borne chronologique inaugurant le XXe siècle91. Mais si la Première Guerre mondiale est une rupture essentielle dans l’histoire de France, ce n’est assurément pas dès les premières heures de la mobilisation générale mais bien dans son ensemble. Affirmer cela n’est pas remettre en cause cette grille de lecture mais rappeler qu’il s’agit là d’une barrière, d’une frontière que l’on fixe afin de sérier le réel pour mieux le comprendre. Or ces séquençages chronologiques sont souvent beaucoup moins étanches que l’on veut bien l’admettre. Pour ne citer qu’un exemple qui concerne au plus haut point les Bretons, du point de vue du warfare, la bataille de Charleroi, qui marque pourtant le baptême du feu du 10e corps à partir du 21 août 1914, semble relever au moins autant de la pratique militaire du XIXe siècle que du XXe.

Il en est de même pour la manière dont les individus saisissent le réel qui les entoure. Il est évident que très peu d’entre eux comprennent dès les premières semaines d’août 1914 la rupture fondamentale de ce qui n’est encore pour beaucoup que la « guerre européenne ». Au contraire, ce sont bien les braises de 1870 qui leur permettent de rentrer dans ce nouveau conflit. On a d’ailleurs pu établir que c’est à partir de la mi-septembre 1914 que les références à 1870 s’estompent dans les témoignages, comme pour mieux souligner une entrée dans une nouvelle ère, celle de la guerre des tranchées92. Dans cette transition, des événements tels que l’incendie de la cathédrale de Reims puis la destruction du beffroi d’Arras mais aussi l’accueil des réfugiés belges et des départements du Nord et du Pas-de-Calais semblent jouer un rôle majeur. Ces atteintes au patrimoine comme grille de lecture donnant du sens au réel en cours sont très présentes tout au long des carnets de Joseph Le Segretain du Patis93. De même, c’est ainsi que l’instituteur de Mesquer, sur la presqu’île de Guérande, Henri Bouyer, demande à son jeune fils dans un courrier qu’il lui adresse au mois de décembre 1914 :

« As-tu pensé quelquefois aux petits enfants de ton âge qui habitaient les pays que nous traversons en ce moment ?
Sais-tu bien que presque tous ont dû quitter leur petite maison et que beaucoup ne la retrouveront plus. Ils ne sont pas heureux et ils voudraient bien retourner à l’école et retrouver leurs petits amis. Au lieu de cela, ils entendent tous les jours des fusillades et la voix terribles des canons et ils ont grand peur. Leurs papas sont partis, à eux aussi, mais ils sont bien plus malheureux encore que toi car ils voient la guerre et toutes ses vilaines choses.
Ils ont vu les Allemands entrer chez eux et prendre tout ce qu’ils n’avaient pu cacher. Ils ont vu disparaitre, l’un après l’autre, tous les objets qui leur appartenaient et maintenant ils n’ont rien. Beaucoup mangent avec nous. Pense à eux mon petit Loulou et tu comprendras pourquoi nous nous battons. »94

Bien entendu, tous les poilus suivant qu’ils soient ou non possédants et en fonction de leurs inclinations politiques ne sont peut-être pas aussi sensibles à cette grille de lecture matérielle de la guerre. Pour autant, il n’en demeure pas moins que ces destructions renvoient à une nouvelle forme de conflit, caractérisée par l’abandon du mouvement au profit du siège mutuel que constitue la guerre des tranchées. Or si celle-ci doit être caractéristique de la Première Guerre mondiale, et donc d’une certaine entrée dans le XXe siècle, alors cette nouvelle séquence chronologique ne débute pas en 1914 mais avec ce que J. Horne qualifie de « long 1915 », période débutant à l’automne 1914 avec l’enlisement dans la guerre de position.

Mais le temps n’est pas un monolithe. Il se compose au contraire de plusieurs trames et sa composition, fluctuante, varie au gré de l’histoire. Ainsi, si avec le long 1915 le souvenir de 1870 perd son statut de protoculture de la Première Guerre mondiale, il n’en disparait pas pour autant totalement des esprits. C’est ce que nous rappelle le journaliste de L’Ouest-Eclair qui couvre les festivités rennaises de la Victoire, le 14 juillet 1919. Rendant compte de cette grandiose manifestation, il débute son article par cette fausse interrogation :

« Nous voici en face du couronnement de près de cinq ans de guerre. Nous voici en face de la joie, de l’état d’âme vers lequel tendait notre être au cours de cette lutte si âpre et si longue ! L’avons-nous rêvé assez beau, ce jour de la victoire, et les vétérans de l’année terrible, qui eurent le temps d’y songer tout au long de leur vie l’ont-ils imaginé assez magnifique ? »95

D’ailleurs, quelques jours plus tard, lors de la cérémonie de retour des régiments rennais dans leur garnison, on remarquera parmi les personnalités invitées à se placer sur la tribune d’honneur un certain M. Surcouf, président des anciens combattants de 1870-7196.

Erwan LE GALL

 

 

 

1 Cet article n’existerait probablement pas sans de nombreux, fructueux et parfois contradictoires échanges avec Michaël Bourlet, Yves-Marie Evanno, Raphaël Georges, Alexandre Lafon, Yann Lagadec, Jean-Paul Pellegrinetti, Thomas Perrono et Olivier Porteau. Qu’ils soient tous assurés ici de mes plus sincères remerciements.

2 HOBSBAWM, Eric, L’âge des extrêmes, histoire du court XXe siècle, 1914-1991, Bruxelles, Complexe, 1999.

3 AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane et BECKER, Annette, 14-18, retrouver la Guerre, Gallimard, 2000, p. 38.

4 Sur cette question on renverra notamment au récent et très stimulant ouvrage du regretté LE GOFF, Jacques, Faut-il vraiment découper l’histoire en tranches ?, Paris, Seuil, 2014.

5 Nous empruntons l’expression à GARRAUD, Philippe, « L’ombre portée de 1914-1918 dans les années 1930 », Vingtième siècle, Revue d’histoire, n°104, 2009-4, p. 17-27.

6 HORNE, John et KRAMER, Allan, Les Atrocités allemandes, Paris, Tallandier, 2005, p. 317. 

7 PROST, Antoine et WINTER, Jay, Penser la Grande, un essai d’historiographie, Paris, Seuil, 2004, p. 42-45 ; JULIEN, Elise, « A propos de l’historiographie française de la Première Guerre mondiale », Labyrinthe, n°18, 2004, p. 53-68.

8 HORNE, John et KRAMER, Allan, Les Atrocités allemandes, op. cit., p. 317.

9 LANDSBERG, Paul-Louis, « Réflexions sur l’engagement personnel », Vingtième siècle, Revue d’histoire, n°60, 1998, p. 118-123 et pour une application concrète LE GALL, Erwan, « L’engagement des Français libres : une mise en perspective », in HARISMENDY, Patrick et LE GALL, Erwan, Pour une histoire de la France libre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 29-47.

10 OFFENSTADT, Nicolas, OLIVERA, Philippe, PICARD, Emmanuelle, et ROUSSEAU, Frédéric, « A propos d’une notion récente : la culture de guerre », Guerre, paix et sociétés, 1911-1946, Neuilly, Atlande, 2004, p. 667-674, en ligne.

11 BECKER, Jean-Jacques, « Union sacrées  et sentiment des responsabilités », in AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane et BECKER, Jean-Jacques (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918, Paris, Bayard, 2004, p. 205-217.

12 Archives de l’Etat à Namur : Fonds Schmitz, chemise 17. 

13 VALARCHE, Edmond, La bataille de Guise les 28, 29 et 30 août 1914 au 10e corps d’armée, Paris, Berger-Levrault, 1929, p. 28.

14 Sur ce point on renverra à la communication de JEAN, Marc, « Une vision malouine de la bataille de la Sambre (1914-1924) » prononcée le 24 avril 2014 lors du colloque international La bataille de Sambre-et-Meuse, août 1914. Regards croisés sur les armées, les lieux de mémoire et de représentations (Actes à paraitre).

15 Le concept de protoculture de guerre n’étant pas consubstantiel à 1914, il serait intéressant d’examiner la période septembre 1939-avril 1940 au miroir de cette notion et de l’ombre portée de la Première Guerre mondiale.

16 Arch. Mun. Rennes : 1 D 13, délibération du conseil municipal du 17 octobre 1870.

17 Sur les cadres sociaux de cette mémoire on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « La prégnance du souvenir de 1870 dans l’entrée en guerre en 1914 : l’exemple du 47e régiment d’infanterie », in Ouvrage collectif, La Guerre de 1870-1871 dans l’Oise, Noyon, Société historique, archéologique et scientifique de Noyon / Société d’histoire moderne et contemporaine de Compiègne, 2013, p. 119.

18 SCHNAPPER, Dominique, « Histoire, Citoyenneté et Démocratie », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, Année 2001, Volume 71, n°71, p. 97-104.

19 Arch. Dép. CdA : 1 T 17 : Rapport annuel sur la situation de l’enseignement primaire dans le département des Côtes-du-Nord, Imprimerie Francisque Guyon, Saint-Brieuc, 1901.

20 LAVISSE, Ernest, Histoire de France, cours élémentaire, Paris, Armand Colin, 1913, p. 159-161.

21 ARENDT, Hannah, Le procès Eichmann à Jérusalem, Paris, Gallimard, 1997, p. 376.

22 BERTHO, Catherine, « L’invention de la Bretagne », Actes de la recherche en sciences sociales, 1980, Volume 35, n°1, p. 45-62.

23 Sur cette question, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, Des Bretons, des Bretagne(s) en guerre ?, article publié sur l'espace scientifique du site internet de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale.

24 MARTIN, Jean, « Les Côtes-du-Nord et la pauvreté, 1810-1914 », Mémoires de la Société d’émulation des Côtes d’Armor, Tome CXXXVIII, 2010, p. 338-339.

25 Sur cette question, LAGADEC, Yann, « L’approche régionale, quelle pertinence ? Le cas des combattants bretons dans la Grande Guerre », in BOURLET, Michaël, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan, Petites patries dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 29-69.

26 HALBWACHS, Maurice, La mémoire collective, Paris, Presses Universitaires de France, 1950 et Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Presses Universitaires de France, 1952. 

27 Arch. Mun. Saint-Malo : 21 S. Historique des années de guerre 1914-1918 vécues par Julien Loret dans les 5e et 7e compagnies du 47e régiment d’infanterie.

28 LANGLOIS, Charles-Victor, Histoire de Bretagne à l’usage des classes élémentaires des lycées et collèges et des élèves qui recherchent le certificat d’études primaires, Paris, Colin, 1891, cité in THIESSE, Ils apprenaient la France. L’exaltation des régions dans le discours patriotique, Paris, Edition de la Maison des sciences de l’homme, 1997, chapitre 2, p. 18.

29 Arch. Mun. Rennes : 1 D64, 10 décembre 1886. Notons que c’est la commission de l’instruction publique qui est alors en charge de l’odonymie.

30 Cité in GRAILLES, Bénédicte, « Glorai Victis : Vétérans de la guerre de 1870-1871 et reconnaissance nationale », Revue d’histoire du 19e siècle, n°30, 20005, en ligne.

31 « Ce qui se passe aux vétérans », L’Ouest-Eclair, n°1590, 27 décembre 1903, p. 4.

32 Arch. Dép. CdA : 3 R 55-57, médaillés militaires.

33 « Morts pour la patrie. Inauguration du monument », L’Ouest-Eclair, n°814, 6 novembre 1901, p. 2.

34 « Le souvenir français », La Dépêche de Brest, n°5692, 19 octobre 1903, p. 3.

35 « Le souvenir français », L’Ouest-Eclair, n°1871, 4 octobre 1904, p. 3.

36 PORTE, Rémy, Joffre, Paris, Perrin, 2014, p. 40.

37 LE MOUEL, Guy et ORTHOLAN, Henri, Le Général de Langle de Cary. Un Breton dans la Grande Guerre, La Tullaye, Editions Charles Hérissey, 2014, p. 60 et CHALMEL, Théodore, Saint-Père Marc-en-Poulet, Rennes, Imprimerie Francis Simon, 1931, p. 795-796.

38 Pour un compte-rendu de cette journée : L’Ouest-Eclair, 31 mai 1914, n° 2635, p.2. Notons que la Bibliothèque Nationale de France conserve une photographie de l’agence de presse Rol montrant cette remise de décorations. (BNF : Rol, 39415.)

39 PORTE, Rémy, 1914. Une année qui a fait basculé le monde, Paris, Armand Colin, 1914, p. 71.

40 DALISSON, Rémi, Les guerres et la mémoire, Paris, CNRS éditions, 2013.

41 « Un monument prussien à Villiers-sur-Marne », L’Illustration, n°3372, 12 octobre 1907, p. 248.

42 « Mac-Mahon », La Dépêche de Brest, 19 octobre 1893, n°2450, p. 1-2.

43 Cette caserne tire son nom de la rue général Margueritte dénommée par le Conseil municipal de Rennes par une délibération du 29 avril 1913. Pendant plusieurs années, le quartier de cavalerie est dit général Margueritte puisque ce n’est qu’au début des années 1920 qu’intervient une dénomination officielle, régularisant de facto l’usage en la matière. Arch. Mun. Rennes : H 144, H 144 bis et 1 O 249.

44 Anonyme, Manuel d’infanterie à l’usage des sous-officiers, caporaux et élèves caporaux, Paris, Henri Charles-Lavauzelles, 1904, p 24-43.

45 Anonyme, Manuel d’instruction militaire à l’usage des élèves-caporaux, sous-officiers, élèves-officiers de réserve, candidats aux écoles de Saint-Maixent ou de Saint-Cyr, Paris, Chapelot, 1914, p. 14.

46 Anonyme, Historique du 65e régiment d’infanterie : Stralsund (1807), Ratisbonne (1809), Anvers (1832), Magenta (1859), la Grande Guerre (1914-1918), Paris, Henri Charles-Lavauzelle, 1920, p. 8 ; Anonyme, Historique du 65e régiment d’infanterie de ligne, Paris, Charles Tanera éditeur, 1875, p. 65-81 ; Anonyme, Historique du 70e régiment d’infanterie de ligne, Paris, Imprimerie A. Dutemple, 1875, p. 33-34

47 LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre. Le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo au combat (août 1914 – juillet 1915), Talmont-Saint-Hilaire, éditions CODEX, 2014, p. 243.

48 « Les monument des soldats morts pour la patrie », L’Ouest-Eclair, n°3181, 24 novembre 1905, p. 4.

49 BECKER, Jean-Jacques et KRUMEICH, Gerd, La Grande Guerre, une histoire franco-allemande, Paris, Tallandier, 2012, p. 49-50.

50 « Nouvelles de soldat », Châteaulin 14-18, n°0, p. 2, juin 2014.

51 SORB, Commandant, « La prochaine guerre franco-allemande sera très courte », L’Ouest-Eclair, n°5282, 13 juin 1913, p. 1.

52 COSSON, Olivier, « Expériences de guerre et anticipations à la veille de la Grande Guerre », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 50-3, juillet-septembre 2003, p. 127-146

53 Voir à ce propos l’étude classique de DIGEON, Claude, « La crise allemande de la pensée française », Paris, Presses universitaires de France, 1959.

54 Pour la période considérée, la Revue de l’infanterie est disponible sur Gallica.

55 Le Nouvelliste du Morbihan, 11 janvier 1914.

56 « Le Reichstag et le militarisme prussien », L’Ouest-Eclair, n°5508, 24 janvier 1912, p. 2. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6438807/f2.image

57 « Les amis de l’Allemagne ne sont pas très fiers des acquittements de Strasbourg », L’Ouest-Eclair, n°5493, 12 janvier 1914, p. 2.

58 DESGREES DU LOU, Emmanuel, « C’est la guerre ! », L’Ouest-Eclair, n°5704, 3 août 1914, p. 1.

59 L’Echo du Morbihan, 23e année, n°32, 10 août 1914.

60 « Les turcos en Alsace », La Dépêche de Brest, n°10606, 11 août 1914, p. 1.

61 « Le conflit austro-serbe », Châteaulin 14-18, n°1, juillet 2014, p. 2.

62 Arch. Mun. Saint-Malo : 32 W 200, La Dépêche de Saint-Servan.

63 Arch. Mun. Rennes : 1 D 150, Séance du conseil municipal du 28 août 1914, p. 394, 1 D 151, Séance du conseil municipal du 17 décembre 1915, p. 428. Pour de plus amples développements sur cette question on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Du pont de Berlin à la rue des Munitionnettes : l’odonymie et la Grande Guerre », JORET, Eric et LAGADEC, Yann (dir.), Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine / Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, p. 375-378.

64 Archives privées Marie-Claude Corbec : bulletin paroissial de Quessoy du 2 août 1914.

65 « La lettre à la payse », Bulletin paroissial de Locmariaquer et Crac’h, septembre 1914, p. 10-12; Bulletin paroissial de Quiberon, septembre 1914, p. 1 et 10-12; « Il faut tout savoir », Bulletin paroissial de Saint-Pierre de Vannes, septembre 1914, p. 9; « La voix du pasteur », Annales de Notre-Dame de la Guerche, 1e année, n°9, septembre 1914, p. 1; « L’avènement de Benoit XV » , La Quinzaine paroissiale de Saint-Etienne, Bulletin religieux de la paroisse de Saint-Brieuc, 3e année, n°65, 15 septembre 1914, p. 5.

66 « Istor eur Messaer bian enn Alsace. Epad Brezel 1870 », Kannad Guipavas, septembre 1914,  p. 11-12.

67 Cité in LAGADEC, Yann, « L’entrée en guerre des Bretons, l’été 1914 », Ar Men, n°198, janvier-février 2014, p. 15.

68 COLETTE, Les heures longues, Paris, Arthème Fayard & Cie, 1917 ; JULIEN, Edith, « Journal d’une Dinardaise en 1914-1915 », Les Cahiers de l’Iroise, 13e année, n°3, Juillet-Septembre 1966, p. 131-145.

69 Arch. Dép. I&V. : 5 Z 176, circulaire du préfet d’Ille-et-Vilaine en date du 2 septembre 1914.

70 SHD-DAT : 26 N 790/6, JMO 75e RIT, 9 septembre 1914. De tels cas de « double campagne » ne sont pas rares et mériteraient une étude à part entière. Pour ne donner qu’un autre exemple, citons le général de brigade Henri Magon de la Giclais, sous-lieutenant au 8e régiment de lanciers en 1870 rappelé à l’activité en 1914 et repassé dans la réserve en octobre 1915. Arch. Nat : LH/1688/17.

71 SHD-DAT : 26 N 133/1, JMO 10e corps d’armée, 6-10 août 1914.

72 Carnet de guerre de Louis Leseux, brancardier, musicien et téléphoniste de la compagnie hors rang du 47e régiment d’infanterie.

73 BOURDON, Emile, Journal de guerre 1914-1918. Dessins et photographies réalisés au front et dans les tranchées, littérature grise, 2009, p. 10.

74 Carnet de route du capitaine Pierre Mercier.

75 Archives municipales de Saint-Malo : fonds Daniel Poncet des Nouailles.

76 Lachiver, Jules, Lettres de guerre, août 1914 - mai 1915, Plessala, Bretagne 14/18, sans date, p.3. 

77 MAUFRAIS, Louis, J’étais médecin dans les tranchées. 2 août 1914 – 14 juillet 1914, Paris, Pocket, 2008, p. 32.

78 Europeana 1914-1918 : FRBNFM-276, Les frères Le Barillec.

79 Arch. Mun. Saint-Malo : fonds Maryvonne Bourdois, carnet Pierre-Marie Philouze.

80 Ibid.

81 LANREZAC, Charles, Le plan de campagne français et le premier mois de la guerre (2 août – 3 septembre 1914), Paris, Payot, 1920, p. 183.

82 LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre… op. cit., p. 105-116 et 176-180.

83 HORNE, John (dir.), Vers la guerre totale, le tournant de 1914-1915, Paris, Tallandier, 2010, p. 79.

84 POPELIER, Jean-Pierre, Le premier exode. La Grande Guerre des réfugiés belges en France, Paris, Vendémiaire, p. 14.

85 HAREL, Ambroise, Mémoires  d’un poilu breton, Rennes, Editions Ouest-France, p. 86-87.

86 Arch. Dép. CdN : 1 N 147, procès-verbaux des séances du Conseil général des Côtes-du-Nord, août-septembre 1914.

87 CHALMEL, Théodore, Mémoires d’un instituteur rural, Saint-Père-Marc-en-Poulet, Association Théodore Chalmel, 1999, p. 199-200.

88 Sur cette question on pourra renvoyer à LAGADEC, Yann, « L’approche régionale, quelle pertinence ? Le cas des combattants bretons de la Grande Guerre », in BOURLET, Michaël, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan, op. cit., p. 39-40.

89 Arch. Dép. I&V. : 11 R 349, Conseil de Guerre.

90 PERRONO, Thomas », « La production toilière en Ille-et-Vilaine au XIXe siècle : un témoignage d’une époque révolue ? », En Envor, Revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°3, hiver 2014, en ligne.

91 Sur cette dimension historiographique on lira à profit Prost, Antoine et Winter, Jay, op. cit., p. 285-287.

92 LE GALL, Erwan, « Investir la culture de guerre du premier conflit mondial ? Le 47e régiment d’infanterie au fort de la Pompelle, 13-17 septembre 1914 », Bulletins et mémoires de la Société archéologique & historique d’Ille-et-Vilaine, Tome CXVI, 2012, p. 261-286.

93 LE SEGRETAIN DU PATIS, Ecrire la guerre. Les carnets d’un poilu, 1914-1919, Paris, LBM, 2014.

94 PRIGENT, Julien et RICHARD, René, Lettres et carnets de guerre du Lt Henri Bouyer au 265e et 264e RI, août 1914 – août 1916, Plessala, Bretagne 14/18, 2013, p. 27.

95 « Les Fêtes de la victoire », L’Ouest-Eclair, n°7246, 15 juillet 1919, p. 4.

96 « Rennes a fait à ses poilus une magnifique réception », L’Ouest-Eclair, n°7268, 6 août 1919, p. 3. Sur ces manifestations, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Le retour des fils de vieille terre bretonne : quand les régiments retrouvent leurs garnisons d’Ille-et-Vilaine à l’été 1919 », in Joret, Eric et Lagadec, Yann (dir.), Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine… [….], op. cit., p. 289-299.