Un dossier indispensable et exemplaire

Aux enfants qui trépignent devant le marchand de bonbons ou en attendant de découvrir leurs présents le matin de noël, au pied du sapin, il est coutume de rappeler que « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ». Je ne sais si les difficultés manifestement rencontrées par La Poste dans l’acheminement du courrier entre Rennes et Nantes influent ou non sur mon enthousiasme mais le fait est que le dossier que consacre Place publique Nantes / Saint-Nazaire à la Première Guerre mondiale est tout simplement génial.

Un sommaire très riche pour explorer toutes les facettes d'un conflit complexe.

Mieux encore, ce numéro est à la fois indispensable et exemplaire. Indispensable il l’est pour toute personne qui s’intéresse à ce conflit, qu’elle soit ou non originaire de la région de Nantes et Saint-Nazaire. En effet, les auteurs de ce dossier – parmi lesquels il convient de mentionner A. Croix, D. Guyvarc’h et Y. Lagadec, ces derniers étant les auteurs d’un remarqué volume sur les Bretons dans la Grande Guerre – parviennent à dresser un panorama tout à la fois complet, stimulant et agréable à lire pour qui n’est pas spécialiste et ne maîtrise pas parfaitement l’historiographie – très volumineuse – de ce conflit. Une mention particulièrement spéciale doit être adressée à D. et M. Guyvarc’h pour leur remarquable abécédaire de Nantes et Saint-Nazaire dans la guerre : ce genre d’exercice est en effet éminement difficile tant il exige des choix par définition délicats et une plume concise. Ici les entrées sont multiples et variées, superbement illustrées et magnifiquement explicitées en seulement quelques lignes, chose qui incontestablement relève du tour de force.

Ce numéro de Place publique Nantes Saint-Nazaire est donc indispensable car il rappelle l’importance de l’arrière dans cette Première Guerre mondiale. Comme le dit bien V. Guitton, « sans les maires, l’arrière se serait effondré ». Et c’est à ce propos que ce dossier devient exemplaire, dans sa capacité à relier le local et le global mais aussi le passé et le présent. Bien entendu, on ne peut que conseiller sa lecture en complément de la visite de l’exposition Nantes en GuerreS – au château des Ducs de Bretagne jusqu’au 23 février prochain – mais également pour prolonger les parcours muséographiques proposés par les Archives municipales de Rennes ou encore la Maison du Patrimoine en Brocéliande. Ces deux expositions ont en effet en commun de montrer l’importance de l’arrière dans le conflit et on est frappés de voir combien l’article de V. Guitton renvoie aux propos – publiés dans le numéro 24 de Place publique Rennes – de Y. Lagadec sur l’action de Jean Janvier, maire de Rennes pendant la Première Guerre mondiale.

Splendide, l'iconographie est incontestablement à la hauteur des textes de ce dossier sur la Première Guerre mondiale de Place publique Nantes/ Saint-Nazaire.

Soulignons d’ailleurs que l’un des grands intérêts de ce Place publique Nantes/ Saint-Nazaire est qu’il se conjugue au présent, et non au passé ce qui pourrait rebuter un certain nombre de lecteurs a priori peu intéressés par l’histoire. En s’interrogeant sur les enjeux mémoriels et les legs patrimoniaux de ce conflit, ce dossier contribue à ancrer cette Première Guerre mondiale dans le présent. Or si l’on partage l’idée que la Grande Guerre a quelque chose à nous apprendre, on doit admettre que cette transmission ne peut s’effectuer sans lien entre l’évènement et notre époque.

Indispensable, ce dossier l’est donc pour toute personne qui s’intéresse à ce conflit : le néophyte y trouvera une excellente synthèse et le spécialiste prendra plaisir à le conserver dans sa bibliothèque tant les références sont nombreuses et fouillées. Mais, plus important encore, ce numéro de Place publique Nantes / Saint-Nazaire est exemplaire dans sa faculté à ancrer ce centenaire dans un territoire et une période sans pour autant s’y enfermer. Là est le tour de force des auteurs qui, ce faisant, rappellent que si devoir de mémoire il doit y avoir en 2014–  nous préférons le devoir d’histoire – celui/ceux-ci ne peut/vent se réaliser que massivement. Le grand défi de ce centenaire est en effet de se hisser au niveau du bicentenaire de la Révolution française qui, en 1989, avait été un réel succès populaire. Gageons que ce numéro de Place publique Nantes/ Saint-Nazaire y contribuera grandement.

Erwan LE GALL