L’énigmatique attentat des toilettes du Palais Bourbon en 1958

L’Assemblée nationale est l’une des institutions les plus emblématiques de la République. Pour cette raison, son siège, le Palais Bourbon, constitue une cible privilégiée  pour celles et ceux qui souhaitent contester sa légitimité. C’est ainsi que le 9 décembre 1893, l’anarchiste Auguste Vaillant lance une bombe en pleine séance. Le drame est évité de justesse mais l’engin blesse plusieurs dizaines de députés dont le Breton Eugène Le Coupanec.

L'Assemblée nationale. Carte postale. Collection particulière.

Le 5 février 1958, alors que la IVe République arrive à bout de souffle, le Palais Bourbon est une nouvelle fois la cible d’un attentat. L’évènement, largement oublié de nos jours, fait pourtant la une de la presse bretonne. Contrairement à 1893, la bombe explose de nuit, vers 22h40, « brisant vitres et cloisons et provoquant un début d’incendie ». L’attentat ne vise aucun  élu puisque la bombe est posée dans les toilettes destinées « au personnel de la garde républicaine » comme le rapporte La Liberté du Morbihan1. Le quotidien breton dresse un inventaire des dégâts : « La porte des w.-c. en bois, une partie de la cloison en céramique avait été soufflées, le réservoir de la chasse d’eau a été crevé, tout autour des vitres ont été brisées, ainsi qu’une partie de la grande verrière de la centrale électrique située à proximité ».

Aucune victime n’est à déplorer. Les membres de la commission agricole du parti socialiste, dont les bureaux sont situés au-dessus de la déflagration, sont certes choqués mais indemnes. Les policiers de la brigade criminelle arrivent rapidement sur les lieux. Mais s’ils parviennent à déterminer facilement la nature de la bombe, ils ne trouvent aucune indication leur permettant de remonter jusqu’aux coupables. La recherche des « porteurs de l’engin » est rendue très difficile « par le fait que la plupart des entrées du Palais Bourbon sont ouvertes au public jusqu’à 20 heures et certaines jusqu’à minuit ».

La bibliothèque de l'Assemblée nationale. Carte postale. Collection particulière.

Le débat sur l’indépendance de l’Algérie, qui agite le pays depuis plusieurs mois, rend la recherche des suspects d’autant plus complexe. S’agit-il de sympathisants du Front de libération nationale ? Ou plutôt d’un groupuscule d’extrême-droite ? Plus d’un an après les faits, la question demeure. Alors qu’il vient d’orchestrer « l’attentat de l'Observatoire », le député poujadiste Robert Pesquet est un temps suspecté d’avoir commis celui de l’hiver 19582. L’attentat n’ayant jamais été revendiqué, aucune piste n’aboutira réellement même si la thèse de l’extrême-droite semble privilégiée. En faisant exploser l’engin à quelques minutes du 6 février, les auteurs auraient alors voulu commémorer à leur manière la célèbre manifestation qui s’est déroulée en 1934.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

1 « Attentat au Palais Bourbon », La Liberté du Morbihan, 7 février 1958, p. 1-12.

2 PESQUET, Robert, Mon vrai-faux attentat contre Mitterrand: la vérité sur l'affaire de l'Observatoire, Paris, Michel Lafon, 1995, p. 139.