Louis Arretche : reconstructeur du passé ou constructeur du futur ?

Il faut avoir quelque chose de La Palice pour affirmer que né en 1905 dans les Landes, l’architecte Louis Arretche n’est pas Breton… Et pourtant, de la reconstruction de Saint-Malo, à l’aménagement urbanistique du Rennes des années 1960-1970, son œuvre est considérable dans la région.

Saint-Malo intra-muros reconstruite par Louis Arretche, à la fin des années 1950. Carte postale. Collection particulière.

Sorti diplômé de l’école des Beaux-Arts de Paris en 1937, Louis Arretche voit sa carrière décoller à la fin de la Seconde Guerre mondiale, au moment de la Reconstruction. Alors que de nombreuses villes françaises ont subi de lourds dommages pendant le conflit, se pose rapidement la question de savoir comment reconstruire. En Bretagne, si les reconstructions de Brest et Saint-Nazaire s’engagent vers un urbanisme radicalement novateur, tel n’est pas le souhait des habitants et des édiles de Saint-Malo. Alors que la cité intra-muros est rasée à 80%, avec 683 immeubles détruits dont de nombreux Monuments historiques, le conseil municipal malouin vote le 12 février 1946 en faveur d’un projet de reconstruction « à l’identique ». Louis Arretche, qui a déjà commencé à reconstruire la ville normande de Coutances, est choisi pour mener le chantier, en collaboration avec Jean Monge et Raymond Cornon. Mais loin de reconstruire la cité malouine telle qu’elle était avant-guerre, Arretche souhaite l’adapter aux contraintes de la vie moderne. Le nouveau plan d’urbanisme est beaucoup plus aéré avec notamment des rues élargies. Si un certain nombre de bâtiments historiques sont conservés, d’autres comme l’hôtel de Lamennais ne sont pas reconstruits à l’identique. Pour les immeubles d’habitation, il est décidé de les construire en îlots fermés, autour d’une cour intérieure. Le décor des façades est sobre, dans un style régional. Du côté des matériaux, si l’ardoise et le granit donnent un cachet traditionnel aux constructions, le béton armé est là pour rappeler que le Saint-Malo d’aujourd’hui est bien une œuvre du XXe siècle. C’est à ce prix, comme le dit un reportage des Actualités françaises du 28 septembre 1950, que « l'ancienne cité des corsaires, retrouve grâce à une conception architecturale moderne mais d'inspiration régionale, son charme d'antan. »

En plus de ses activités d’enseignement aux Beaux-Arts, Louis Arretche devient en 1955 architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux. Il possède également son agence, dirigée par Roman Karasinski, pour laquelle il participe à des commandes tant publiques que privées. A ce titre, Arretche devient urbaniste conseil de plusieurs villes comme Rouen, Orléans, mais aussi Rennes entre 1955 et 1976. Il faut dire qu’au cours de ces Trente glorieuses, sous l’impulsion du maire Henri Fréville, la capitale bretonne cherche à devenir une ville tournée vers l’an 2000. Deux architectes participent pleinement à la réussite de cet objectif. Si Georges Maillols compte assurément comme l’un des plus grands bâtisseurs rennais, en faisant notamment sortir de terre les mythiques Horizons, le Trimaran, ou bien la ZUP Sud du Blosne ; il faut reconnaître que Louis Arretche n’est pas en reste. Il réalise entre 1956 et 1961 la nouvelle salle omnisport rennaise qui prend place au cœur du Champ de Mars, un quartier en plein bouleversement. Pour cet édifice, l’innovation technique réside dans la construction d’une double voûte en béton qui ne repose sur aucun pilier de support à leur point de jonction. En ce début des années 1960, il est aussi l’architecte en chef du chantier du CHU de Rennes, avec la construction de l’hôpital moderne de Pontchaillou. Il est également l’urbaniste de la ZUP de Villejean, aux côtés d’Henri Madelain l’architecte en chef. Ce quartier est alors pensé pour accueillir l’université, ainsi que pour la construction de grands ensembles, sur la dalle Kennedy, qui permettent de reloger les populations délogées par la rénovation urbaine du centre et de ses faubourgs. A l’opposé de la ville, Arretche conçoit également le campus de Beaulieu entre 1966 et 1967. Ce dernier, destiné à accueillir les facultés scientifiques est beaucoup plus marqué par les espaces verts, comme peuvent l’être les campus américains. Loin de s’arrêter là, Louis Arretche construit également certains des bâtiments les plus avant-gardistes – et décriés – de Rennes avec le quartier du Colombier et le centre des télécommunications de la Mabilais situé sur le quai de la Prévalaye.

Un édifice emblématique: le centre des télécommunications de la Mabilais.

Reconstructeur d’un passé repensé pour le présent à Saint-Malo, ou bien constructeur d'un présent tourné vers le futur à Rennes, il nous est forcé de reconnaître que Louis Arretche laisse une œuvre considérable en Bretagne, malgré la faible notoriété dont il jouit de nos jours.

Thomas PERRONO