Quand Nantes (re-)découvrait son tramway

« 26 ans après la disparition du dernier tramway de la ville, les Nantais s’apprêtent à redécouvrir ce moyen de locomotion. Une rame circulera dans le centre à partir de janvier 1985. »1

Quelques mois auparavant, au début du mois d’août 1984, c’est une rame prototype fabriquée par Alsthom qui circule sur la ligne Bellevue – Haluchère encore en construction. Le directeur technique du constructeur affirme que « c’est un matériel assez nouveau, [car] la France n’avait pas conçu de matériel tramway depuis plus de 25 ans ». Mais avant d’en arriver à ces premiers essais au pied du château des Ducs de Bretagne, le projet nantais a été semé d’embuches.

Carte postale. Collection particulière.

Pourtant, ce mode de transport n’est pas complètement inconnu des Nantais. La ville se dote d’un réseau de tramway dès 1877, qui est ensuite électrifié, sous l’impulsion du maire Paul Bellamy, à partir de 1911. Dans les années 1930, le réseau s’étend sur 20 lignes. Mais les bombardements lors de la Seconde Guerre mondiale endommagent les infrastructures. Après guerre, le tramway est jugé obsolète par rapport au transport automobile. Les autobus deviennent le mode de transport en commun privilégié dans le centre de Nantes. Le 25 janvier 1958, le dernier tramway nantais rentre définitivement au dépôt. S’ouvre alors un véritable âge d’or de la voiture dans Nantes, comme c’est le cas partout ailleurs.

Mais, les chocs pétroliers des années 1970 et l’engorgement des villes par l’automobile mettent fin à la doctrine du « tout automobile ». Dès 1975, Marcel Cavaillé, secrétaire d’Etat aux transports, tente de relancer le tramway en sollicitant les maires de huit villes françaises. Mais c’est une commune autre, celle de Nantes, qui se saisit du projet à partir de 1977, sous la houlette de son nouveau maire socialiste, Alain Chénard. En 1978, la réalisation d’une première ligne sur un axe est-ouest est retenue. Le tramway doit passer au plus près du cœur de la ville, sans pour autant la traverser. Les premiers travaux préparatoires débutent en 1981. Cependant, le projet soulève de fortes oppositions et « lors des dernières élections municipales de mars 1983, la réalisation de ce tramway [est] au centre des débats de la campagne ». Au point de faire chuter la municipalité sortante et de provoquer une alternance incarnée par le gaulliste Michel Chauty. Pourtant, après avoir tenté de  faire arrêter le chantier, la nouvelle équipe municipale est obligée de se résoudre à poursuivre les travaux, ceux-ci étant trop engagés pour revenir en arrière.

Les premiers essais ont donc lieu en août 1984, bien que

« les travaux ne sont pas complètement terminés. Il y a encore des travaux de finition. Mais les travaux principaux qui permettent au tramway de circuler sont terminés, aujourd’hui jusqu’à Commerce et à la fin août jusqu’à Bellevue, de manière à ce que lorsque les Nantais rentreront de vacances en septembre le tramway circulera sur toute la ligne. »

Pour autant il faut encore attendre quelques mois, pour que les Nantais deviennent des usagers. En effet, il faut encore réceptionner le matériel roulant et former les agents de conduite. C’est finalement au mois de décembre qu’une « opération portes ouvertes » est réalisée. A partir du mois de janvier 1985, il est prévu de lancer l’exploitation commerciale du tramway, qui doit permettre « la restructuration du réseau d’autobus ». Toutefois, on sent le besoin de rassurer les automobilistes nantais chez les responsables de l’exploitation des transports en commun nantais :

« le tramway respecte complètement les feux [de circulation]. Il n’y a pas de priorité absolue du tramway à la circulation, donc pas de perturbation de la circulation. »

Carte postale. Collection particulière.

Les Nantais, quant à eux, semblent plutôt enthousiastes. Ceux qui ont pu monter « en clandestins » dans la rame d’essai, tout du moins. Un jeune homme affirme qu’il compte bien l’utiliser souvent. Un homme plus âgé, qui « a bien connu l’ancien tramway » parle lui d’une « renaissance qui [le] réjouit », tout en vantant la modernité du projet. Et la journaliste de la télévision régionale de conclure : « pas grand-chose en commun entre le tramway de papa et celui des années 1980 ».

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1 INA, AURAN. « Essais du tramway », FR3 Rennes soir, 07 août 1984, en ligne.