Les lois scolaires et la presse conservatrice bretonne

Au début des années 1880, le gouvernement français impose une série de lois scolaires qui vont profondément réformer l’enseignement en France. C’est en effet à cette époque que l’école devient gratuite et obligatoire. Portées notamment par Jules Ferry, ces mesures ne font pas l’unanimité au sein de la population, particulièrement en Bretagne où l’on craint que qu’elles ne viennent progressivement porter atteinte à la religion. Les conservateurs, conscients de posséder une nouvelle carte à abattre en vue des prochaines échéances électorales, critiquent avec virulence leurs adversaires républicains qu’ils qualifient de « sectaires »1.

Carte postale. Collection particulière.

L’adoption par le Sénat du projet de loi sur la gratuité de l’enseignement primaire dans les écoles publiques, le 16 juin 1881, soulève ainsi de violentes critiques. Les conservateurs dénoncent avec véhémence le contenu d’une mesure qui, selon eux, constitue « une atteinte à la foi religieuse » dans la mesure où « l’instruction religieuse ne [fera] plus partie des matières obligatoires » 2. Ils estiment que l’absence de cadres et de repères religieux chez les enfants entrainera, à terme, la décadence de la société.

Un an plus tard, Le Courrier des Campagnes, publication catholique en terre blanche, affirme que cette tendance est déjà enclenchée. Le journal établit un lien de causalité entre la politique menée par le gouvernement et l’augmentation des activités anarchistes dans le pays. Il assure que « jamais, en aucun temps, les attentats contre les personnes et contre les biens n’ont été aussi nombreux » 3. Mieux, si l’on ose écrire, le périodique va encore plus loin en assurant que

« l’armée des voleurs s’accroit dans des proportions tellement effrayantes, que le moment va forcément arriver où tous les édifices publics devront être convertis en prison, et il paraîtra dès lors assez logique de donner aux malfaiteurs, pour dernier asile, les écoles sans Dieu où ils auront reçu au préalable une excellente éducation. »4

Carte postale. Collection particulière.

Bien évidemment, la presse républicaine tente de rassurer la population en réaffirmant les bienfaits des lois scolaires, tout en égratignant, au passage, ceux qu’elle qualifie de « réactionnaires ». Cette rivalité n’en est pourtant qu’à ces balbutiements. L’Avenir du Morbihan prévient d’ailleurs ses lecteurs qu’ils assisteront « prochainement à une lutte »5. Le journal ne pensait pas bien dire. La Bretagne entre de plein fouet dans une guerre scolaire qui va durer plusieurs décennies6.

Yves-Marie EVANNO

 

1 « La loi sur l’enseignement obligatoire au Sénat », Le Morbihannais, 22 juin 1881, p. 2.

2 Ibid.

3 « Bulletin de la semaine », Le Courrier des Campagnes, 2 avril 1882, p. 1.

4 Ibid.

5 « Bulletin politique », L’Avenir du Morbihan, 1er avril 1882.

6 Sur ce point, on se permettra de renvoyer à GERAUD, Marie, « La difficile application des lois Ferry dans une commune où s'exerce encore le pouvoir aristocratique : l'exemple de Missillac (1880-1914) », En Envor, Revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°5, hiver 2015, en ligne.