Quand Lénine passait ses vacances à Pornic

C’est à croire que la Bretagne, petite patrie de Marcel Cachin, est la destination favorite de l’élite communiste internationale ! Si l’on croit apercevoir Trotsky à Saint-Malo au milieu des années 1930, en 1910, c’est bien Lénine, alors âgé de 40 ans qui passe ses vacances en pays de Retz, à Pornic précisément. Une manière, si l’on ose dire, bien agréable de conjuguer plaisir et travail…

Carte postale. Collection particulière.

De son vrai nom Vladimir Ilitch Oulianov, Lénine est déjà en 1910 un théoricien de premier plan. Exilé de Russie suite à l’échec de la révolution de 1905, il parcoure l’Europe avec sa femme, Nadejda Kroupskaïa, tentant de placer sous son autorité le mouvement bolchevique international. Bénéficiant de soutiens financiers, il vit dans un relatif confort ce qui permet d’expliquer comment il peut se retrouver dans une station de villégiature telle que Pornic, même si elle n’est assurément pas aussi huppée que peut l’être, par exemple, Dinard.

Pour autant, ces seules considérations balnéaires ne suffisent pas à expliquer ce séjour breton car, chez un homme comme Lénine, le repos n’est jamais totalement déconnecté des activités politiques. De prime abord, le couple Oulianov parait mener dans le petit port une existence bien anodine. C’est Nadejda Kroupskaïa qui arrive la première. Elle réside quelques jours à l’Hôtel de la Noëveillard avant de louer deux pièces dans la villa « Les Roses », rue Mondésir, à l’arrivée de son mari, le 23 juillet 1910. Lénine, lui, s’adonne aux plaisirs de la baignade et de la pêche à la crevette…

Mais derrière l’hôtel de la plage de la Noëveillard se cache une autre réalité puisque l’édifice a été racheté quelques temps auparavant par le Parti socialiste unifié qui en fait une colonie pour les familles de militants appelée « Le Grand air ». Celle-ci est inaugurée le 15 août 1910 et on peut alors y croiser de nombreux responsables socialistes dont Albert Thomas, futur ministre de l’armement pendant la Première Guerre mondiale. Rencontre-t-il à cette occasion Lénine ?

L’hôtel de la plage de la Noëveillard transformé en coloie socialiste Le Grand air. Carte postale. Collection particulière.

Rien n’est moins sûr. En effet, si le couple Oulianov loue rapidement deux pièces dans la villa « Les Roses », c’est qu’il se sent isolé, ce qui pourrait être le signe de certaines dissensions politiques. Des années plus tard, après la mort de son mari, Nadejda Kroupskaïa écrira :

« Notre vie dans la colonie ne s’arrangea pas comme il aurait fallu. Les Français menaient une vie très fermée, chaque famille se tenait à l’écart des autres. A l’égard des Russes, on témoignait une certaine animosité. »1

En revanche, il est à peu près certain que Lénine noue alors des contacts avec Jean Crémet. Chaudronnier à l’arsenal d’Indre, non loin de Nantes, et à l’époque militant socialiste très engagé, il deviendra le fondateur du parti communiste en Loire-Inférieure avant même de devenir espion au service de l’Union soviétique, alors dirigée par Staline.

Erwan LE GALL

 

1 KROUPSKAÏA, Nadejda, Ma vie avec Lénine, Paris, Payot, 1933, p. 145-146.