Un documentaire historien ? L’Affaire du sous-marin rouge

A quoi reconnait-on la force d’un événement ? Sans doute à sa capacité à s’inscrire dans la mémoire collective mais aussi à son aptitude à pouvoir supporter des approches variées. En tout cas, si on adhère à cette définition, force est alors de constater que l’affaire du C2 qui éclate à Brest en septembre 1937 est un événement fort puisqu’après une bande-dessinée concoctée par Kris, c’est au tour d’un passionnant documentaire produit par les Rennais de Vivement Lundi ! de se pencher sur ce dossier1.

Le fameux sous-marin C2, image extraite du film L'Affaire du sous-marin rouge.

Comme toujours dans les films d’Hubert Béasse, à qui l’on doit notamment un remarquable diptyque sur le Front de Libération de la Bretagne, la mise en scène est soignée, le rythme haletant, la musique efficace. Bref, il s’agit incontestablement d’un « bon » film, reposant sur de sulfureuses affaires d’espionnage et de complots. Pour autant, le propos ne saurait se limiter à ce seul constat.
Hubert Béasse sait en effet s’emparer d’un événement pour, à travers lui, détailler une problématique forte. Dans Après la guerre. Reconstruire la République, le réalisateur se saisit par exemple de la Libération de Rennes, et plus encore des locaux de L’Ouest-Eclair, pour poser la question des rapports entre l’exercice du pouvoir et la presse. Ici, il fait sienne cette affaire du sous-marin C2 pour décrypter les tensions politiques cristallisées par le Front populaire, analyser la situation ambigüe du gouvernement Blum par rapport à la Guerre d’Espagne et, au final, nous montrer une vie politique dont la violence est sans commune mesure avec ce que nous pouvons connaître aujourd’hui.

Il est d’ailleurs frappant de voir combien ce film, au final, est fidèle à l’ouvrage de Patrick Gourlay qui, le premier a travaillé sur cette question et qui d’ailleurs fait ici office de conseiller scientifique2. Sans doute s’agit-il d’ailleurs plus d’un documentaire historien qu’historique tant, justement, nombreux sont les historiens à y participer. Outre Patrick Gourlay, qui ici fait d’ailleurs office de conseiller éditorial, on retrouve quelques éminents spécialistes de la période parmi lesquels Olivier Dard, Gilles Morin ou encore l’Espagnol Juan Carlos Jimenez de Aberasturi.

Image extraite du film L'Affaire du sous-marin rouge.

On ajoutera enfin que l’un des grands mérites de ce documentaire est de donner un coup de projecteur sur la figure, aujourd’hui complètement oubliée, de Marx Dormoy, vigoureux personnage qui par ses fonctions de Ministre de l’Intérieur, se trouve au cœur de « l’affaire du sous-marin rouge ». Pire, par son tragique destin, il illustre la dérive de toute une partie de l’opinion française partie se jeter dans les bras réconfortants du vieux vainqueur de Verdun… Bref, un film à ne manquer sous aucun prétexte.

Erwan LE GALL

 

1 L’Affaire du sous-marin rouge, Vivement Lundi !, 2016.

2 GOURLAY, Patrick, Nuit franquiste sur Brest, Spézet, Coop Breizh, 2013.