D’une guerre à l’autre : Elie de Langlais

Dans la famille de Langlais, Xavier est certainement le plus connu. Originaire de Sarzeau, l’artiste découvre la culture bretonne au début du XXe siècle grâce notamment à son oncle Elie. Ce dernier est alors une figure montante de politique morbihannaise, née le 14 janvier 1880 à Sarzeau, dans la maison où l’écrivain Alain-René Lesage vit le jour deux siècles plus tôt1. Très jeune, il quitte la presqu’île de Rhuys pour mener ses études. Il intègre dans un premier temps le collège Saint-François-Xavier à Vannes avant de rejoindre le petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray. S’il envisage de devenir prêtre, il y renonce assez rapidement et, en 1904, il épouse une jeune femme issue de la noblesse orléanaise, Germaine Seurrat de La Boulaye.  

Maison natale d'Elie de Langlais. Carte postale. Collection particulière.

Catholique convaincu, Elie de Langlais mène son premier combat idéologique deux ans plus tard à l’occasion de la crise des inventaires. Il prend alors la tête d’un groupe de fidèles et tente de s’opposer aux soldats du 35e régiment d’artillerie venus procéder, sur réquisition de l’autorité civile, à l’ouverture de l’édifice. Mais ce n’est réellement qu’à l’occasion des élections municipales de 1912 qu’il décide de se lancer dans une carrière politique. Les choses s’enchainent alors rapidement : il est élu adjoint au maire en 1912 avant de récupérer, deux ans plus tard, le fauteuil du maire démissionnaire. Tout semble lui réussir puisque, dans la foulée, il devient conseiller général.

Quelques semaines plus tard, la Première Guerre mondiale éclate. Elie de Langlais, déclaré inapte, reste sur la presqu’île de Rhuys. Lors de l’été 1915, le conseil de révision réexamine son dossier2. Cette fois, il est déclaré « bon pour le service ». Devant les membres du conseil municipal, il se dit « bien triste de vous quitter » tout en assurant tirer une « grande fierté d’avoir été jugé Bon à servir mon pays »3. Il rejoint Meucon pour entamer sa période d’instruction puis, après avoir soigné une mauvaise bronchite, il rejoint la zone des armées au début du printemps 1917.

Elie de Langlais rentre en Bretagne en février 1919. Malgré son statut d’ancien combattant, le candidat conservateur ne résiste pas à l’ascension de son ainé, le républicain Sosthène Caillobote. Si l’expérimenté agent d’assurance remporte la mairie, Elie de Langlais conserve en revanche son siège au conseil général le temps d’un dernier mandat. Pendant près de 20 ans, les deux hommes se livrent une intense bataille politique dans le canton. Mais la réussite semble désormais fuir le riche propriétaire terrien. Adhérent aux Croix de feu, il n’obtient plus aucune charge politique dans un département résolument acquis aux républicains4. L’emploi du temps d’Elie de Langlais n’en demeure pas moins chargé : il devient président de la Caisse régionale de Bretagne d’assurances mutuelles, participe à la fondation de l’école d’agriculture de Ploërmel, s’implique auprès des scouts bretons, et défend inlassablement l’enseignement catholique.

Carte postale. Collection particulière.

En 1940, Elie de Langlais observe amèrement la défaite de la France depuis Sarzeau. C’est paradoxalement la guerre qui lui offre l’opportunité de revenir sur le devant de la scène politique locale. Au début de l’automne 1941, Sosthène Caillibotte quitte la mairie. Elie de Langlais récupère alors le siège qu’il avait été contraint d’abandonner vingt ans plus tôt. Pendant trois ans, il tente de s’opposer à l’Occupant en délivrant, notamment, des fausses cartes d’identités aux réfractaires. Mais son action, par nature silencieuse, n’est pas immédiatement reconnue. Il est remplacé le 13 septembre 1944 par Guillaume Bouillard. Lors des élections municipales du printemps 1945, il tente de récupérer son fauteuil en menant une campagne durant laquelle il est soupçonné de collaboration avec les Allemands. Elie de Langlais est sans surprise largement battu par Guillaume Bouillard. Son entrée au conseil municipal est suspendue dans l’attente de l’examen, par le Comité départemental de Libération, de son action sous l’Occupation. Innocenté en août 1945, il meurt six ans plus tard d’une crise cardiaque.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

1 Pour une biographique complète, se reporter à DE LANGLAIS, Gaëtan (avec la participation de RAISON DU CLEUZIOU, Annick), Histoire des Langlais.  Vol. 2, du Comté nantais au Bro Gwened, Le Faouët, Liv'éditions, 2015.

2 Arch. dép. Morbihan : R 1982, matricule n° 1969.

3 Arch. mun. Sarzeau : registre des délibérations du conseil municipal, session du 1er août 1915.

4 Sur ce point voir EVANNO, Yves-Marie, « Le Morbihan contre le Front populaire ? », in LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C'était 1936. Le Front populaire vu de Bretagne, Rennes, Editions Goater, 2016, p. 78-101.