A propos de l’immatériel

Le Cercle celtique de Rennes organise pour la quinzième année les rencontres culturelles Sevenadur, mot signifiant culture en Breton. Au riche menu de ce festival on retrouve de nombreuses activités pour les enfants, des visites thématiques au Musée de Bretagne, des conférences ainsi qu’une exposition particulièrement stimulante, présentée à la Maison internationale de Rennes et intitulée A la découverte du patrimoine immatériel en Bretagne.

Danse bretonne en pays bigouden. Carte postale (détail). Collection particulière.

Fluctuante et même très évolutive, la notion de patrimoine est difficile à circonscrire. Sans revenir sur l’histoire de cette idée, rappelons que si le XIXe siècle privilégie exclusivement les monuments anciens, le XXe accorde progressivement une place au patrimoine mobilier, jusqu’à intégrer dans son inventaire un voilier de compétition – France 1 ayant participé à la prestigieuse Coupe de l’America armé par le baron Bich – ou une grue particulière, dite Pindavoine, qui trône sur les docks du port de Brest. La situation est telle que certains détracteurs crient aujourd’hui à une patrimonialisation excessive, arguant que tout est patrimoine, ce qui bloquerait le progrès et la refondation urbaine. A Rennes, de tels propos sont revenus régulièrement lors des quinze dernières années à propos du mur Dubonnet de la place Sainte-Anne ou de la tour de la brasserie Graff, rue Saint-Hélier. C’est cette évolution qui amène Alain Croix et Jean-Yves Veillard à définir en 1994, dans l’introduction de leur Dictionnaire du patrimoine breton, le patrimoine non comme « une réalité matérielle, mais un regard porté sur certaines réalités, matérielles ou non »1

A ce titre, une langue ou un jeu, voire un type particulier de danse ou de musique, peuvent être considérés comme relevant du patrimoine immatériel. Un animal tel que la poule Coucou de Rennes peut également entrer dans ce cadre lorsqu’en envisagé sous l’angle de la diversité culinaire. La notion de patrimoine immatériel est d’ailleurs définie par l’UNESCO et fait même l’objet d’une convention servant de base pour la constitution de politiques publiques de sauvegarde et de valorisation.

C’est cette réalité que propose de découvrir l’exposition – dont il est important de préciser qu’elle est gratuite - A la découverte du patrimoine immatériel en Bretagne en faisant évoluer le visiteur à travers des modules présentant des éléments aussi divers que les langues, la musique, les nœuds ou encore les recettes de cuisine. Et si cette exposition est si stimulante c’est, qu’au final, elle heurte de plein fouet un autre courant des sciences humaines qui tend à envisager certaines pratiques comme des folklores relevant d’identités culturelles construites. Interrogeant le lien entre le goût et ses référents géographiques, L’assiette du touriste publiée en 2013 revient ainsi sur tout le factice que peut avoir le goût « authentique »2. En Bretagne, cela renvoie inévitablement aux célèbres galettes de sarrasin qui, automatiquement, évoquent la gastronomie armoricaine alors que la Normandie est également une grande productrice et consommatrice de cette céréale. Semblable réflexion pourrait d’ailleurs être formulée à propos de la cotriade dont seuls le nom et la nature des poissons employés la distingue, in fine, de la bouillabaisse.

Carte postale entre promotion d'un patrimoine immatériel et folklorisation. Collection particulièère

Alors où se situe la limite entre patrimoine immatériel et identités culturelles construites autour d’un principe de folklorisation ? Il est bien difficile de le dire mais le grand intérêt de l’exposition présentée à la Maison internationale de Rennes est, justement, d’inviter à la réflexion.

Erwan LE GALL

 

Informations pratiques :

14h – 18h30 / Du 18 février au 27 février – Gratuit

Maison Internationale de Rennes – 7 Quai Châteaubriand – Rennes.

 

 

 

1 CROIX, Alain et VEILLARD, Jean-Yves, Dictionnaire du patrimoine breton, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013 (réed.), p. 9.

2 ANDRIEUX, Jean-Yves et HARISMENDY, Patrick (dir.), L'assiette du touriste. Le goût de l'authentique, Rennes, Presses universitaires François Rabelais / Presses universitaires de Rennes, 2013.