Donner Brest à voir

Au même titre que Lorient, Saint-Nazaire et Saint-Malo, Brest figure parmi les villes bretonnes emblématiques des bombardements de la Seconde Guerre mondiale et de ce que l’on a appelé ensuite la reconstruction. C’est ce qu’invite à découvrir Bruno Calvès dans ce petit livre ingénieux1 qui propose tout simplement de donner à voir la cité du Ponant en confrontant des images d’un même lieu pris sous un même angle, mais à des périodes différentes. Ce faisant, l’auteur parvient à faire prendre conscience au lecteur qu’en 1945 la « Brest intra-muros dessinée par Vauban est une tabula rasa » et que la commune qui existe aujourd’hui résulte en grande partie d’une ambition architecturale et urbanistique inédite : ériger une ville nouvelle selon les normes alors en vigueur du fonctionnalisme (p. 5). Une sorte de constante pour une cité née d’une décision royale dont on a constamment ou presque décrié le manque d’histoire…

Divisé en 7 chapitres, l’ouvrage permet d’ausculter la ville en 77 points plus ou moins névralgiques, de la place des Portes (p. 10-11) aux halles Saint-Martin (p. 92) en passant par l’église Saint-Louis, dont on oublie trop souvent qu’elle est en France le plus grand édifice religieux de la reconstruction (p. 18-19). Une attention toute particulière pourra être portée aux trois clichés illustrant l’histoire de la rue Amiral Linois (p. 34-35), photographies qui ont l’immense mérite d’aller à l’encontre de la vulgate binaire construction sous Vauban / reconstruction après 1945. C’est en effet passer sous silence le développement constant de la ville et, en l’occurrence, les réalisations en termes d’urbanisme de la Troisième république.

Carte postale. Collection particulière.

On le voit, résolument tourné vers le plus grand public, ce livre n’en est pas moins intelligemment conçu. Surtout, il pourra s’avérer un très utile outil de travail aux chercheurs qui, étudiant Brest, souhaiteraient localiser avec précision des lieux aujourd’hui disparus !

Réalisé par un Brestois – manifestement autant attaché à sa ville qu’il en est fin connaisseur – ce livre est aussi le fruit du travail d’un journaliste qui, entre autres titres, collabore à L’Histoire. Il en résulte un ouvrage malin destiné au plus large public qui, pour être parfait, aurait pu être enrichi d’une bibliographie permettant au lecteur désireux d’approfondir tel ou tel point de disposer de références. Ce  faisant, il rappelle si besoin était que ce qui fait patrimoine est avant tout, comme le rappelaient en 2000 Alain Croix et Jean-Yves Veillard, dans notre regard . Et en nous permettant de confronter ces deux Brest qui ne se sont jamais rencontrées, Bruno Calvès contribue ni plus ni moins à donner ses lettres de noblesse à la cité surgie des ruines de la Seconde Guerre mondiale. Car comme il le rappelle très justement (p. 7), il suffit de feuilleter les pages de ce petit livre « pour mesurer à quel point Brest est une ville unique, surprenante, formidablement ressuscitée après avoir failli disparaître ».

Erwan LE GALL

CALVES, Bruno, Hier & aujourd’hui, Brest, Rennes, Editions Ouest-France, 2014.

 

 

1 CALVES, Bruno, Hier & aujourd’hui, Brest, Rennes, Editions Ouest-France, 2014. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront dorénavant indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses.

2 C’est ainsi que ces deux auteurs définissent le patrimoine non comme « une réalité matérielle, mais un regard porté sur certaines réalités, matérielles ou non ». CROIX, Alain et VEILLARD, Jean-Yves, Dictionnaire du patrimoine breton, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013 (réed.), p. 9.