Guipavas dans la Grande Guerre

En découvrant l’ouvrage que Michel Boucher, Miliau Kermarrec et Paolig Combot consacrent à la commune de Guipavas dans la Grande Guerre, l’historien de ce conflit est vite tenté de refermer ce livre immédiatement après l’avoir ouvert tant les lacunes historiographiques sont criantes1. Cela serait néanmoins une erreur que de s’arrêter à cette première impression puisque ce petit volume témoigne aussi de réelles qualités, à commencer par l’exhumation de sources nouvelles.

Carte postale. Collection particulière.

Réalisé à l’initiative de l’association Guipavas Identité Patrimoine, ce livre richement illustré n’a donc malheureusement pas bénéficié du soutien d’un historien professionnel, ou tout du moins d’une personne témoignant d’une solide connaissance de la période 1914-1918. C’est là une différence majeure avec le travail mené, par exemple, sur la poudrerie de Pont-de-Buis, dans le Finistère, démarche entreprise en compagnonnage avec l’historien Jérôme Cucarull. On ne s’étonnera donc pas de voir resurgir dans ces pages, pour ne citer qu’un seul et unique exemple, la vielle lune des pantalons rouges de l’été 1914 (p. 19), vêtements dont on ne cessera pas de répéter qu’ils sont très rapidement couverts de boue du fait des conditions dans lesquelles s’effectuent les terribles marches de l’été 1914.  Mentionnons enfin la bibliographie adjointe à la fin du volume, compilation remarquable puisqu’elle ne comporte aucun livre d’histoire mais que des romans, des bande-dessinées ou des films ! (p. 84) Une sélection qui par ailleurs en dit long sur l’aptitude de l’historiographie à toucher le plus large lectorat…

Mais si cet ouvrage est assurément à connaître c’est qu’il bénéficie de la profonde insertion des auteurs sur le territoire de Guipavas, proximité qui permet de dénicher des sources confinées dans les greniers et les placards et donc difficilement accessibles au commun des mortels. Manifestement, les anciens résidants en EPAD ont été interrogés, et parfois bien avant le centenaire (p. 6), ce qui a permis de publier des témoignages intéressants. Mentionnons également la patte de Paolig Combot, président d’Ar Falz, illustre institution fondée par Yann Sohier, qui permet d’accéder avec ce petit ouvrage à quelques rares sources en breton (p. 5), mais malheureusement traduites en français – sans transcription originale – pour les nécessités du volume.

Parmi les témoignages qui sont ainsi portés à la connaissance du plus large public, il y a notamment celui de Jean-Marie Morvan, prêtre et brancardier au 2e régiment de chasseurs de Nantes et qui constitue, en quelque sorte, le fil rouge de l’ouvrage. Le livre est en effet construit de manière à embrasser le plus de facettes possibles du conflit : de la guerre sur mer (passionnant récit d’Alexis Pulhuen, p. 41-42) aux grandes batailles de 1916 (p. 46-50) en passant par la grippe espagnole (p. 58-59). Mentionnons enfin la présentation très nuancée de l’annonce de l’Armistice du 11 novembre 1918 telle qu’elle a été vécue à Guipavas. Il y a là des matériaux précieux qui, assurément, devraient enrichir plus d’un corpus bibliographique.

Carte postale. Collection particulière.

Au final, les éditions Skoll Vreizh proposent donc un petit livre qui n’est, certes, pas exempt de défauts mais qui doit pourtant être parcouru. En effet, les auteurs ont su labourer habilement leur territoire et livrent ainsi à la sagacité du lecteur un certain nombre de témoignages inédits. Ce faisant, ils font assurément œuvre utile et l’on se doit, pour cela, de les en remercier.

Erwan LE GALL

 

 

 

 

 

1 BOUCHER, Michel, KERMARREC, Miliau et COMBOT, Paolig, Une commune bretonne dans la Grande Guerre. Poilus, marins et aviateurs racontent, Morlaix, Skol Vreizh, 2018. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront dorénavant indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses.