L’Ouest de la France vu par les soldats allemands

Les archives privées constituent une précieuse source pour écrire l’histoire, même si, bien entendu, ce type d'archives n'est pas sans poser certaines difficultés d'ordre méthodologique. C’est une nouvelle fois ce que nous démontre le très bel ouvrage d’Olivier Sierra L’Ouest occupé publié chez  OREP Editions1. A travers 700 photographies intimes et bien souvent inédites, l’auteur nous fait découvrir l’Occupation pendant la Seconde Guerre mondiale à travers le regard des soldats allemands. Si le livre accorde une place bien plus importantes aux illustrations qu’aux commentaires, il faut néanmoins saluer la qualité du travail d’Olivier Sierra qui a minutieusement organisé, vérifié et rectifié l’ensemble des lieux indiqués sur les originaux « en raison d’erreurs fréquentes de localisation ». L’auteur explique que cette maladresse initiale s’explique par le fait que « certains soldats ne passaient que peu de temps à un endroit et ne mémorisaient pas forcément la situation géographique exacte » (p. 6).

Saint-Brieuc en 1941. Cliché extrait de l'ouvrage d'Olivier Sierra (p. 254).

La première partie de l’ouvrage est consacrée à la campagne méconnue de 19402. La violence de certaines photographies rappelle, si besoin en est, que la guerre ne peut être résumée à une vulgaire partie de course à pied comme le suggère encore, de nos jours, l’imaginaire collectif. Pour rappel, entre le 10 mai et le 30 juin, la guerre fait près de 55 500 morts et 123 000 blessés côté français, et 30 000 morts et 117 000 blessés côté allemand3. L’évocation de ces chiffres permet de mieux comprendre la raison pour laquelle les soldats accordent une telle place à la mort dans leurs photographies. Aux cadavres de la page 20 répondent ainsi une série de sépultures temporaires aux pages 40 à 47. Quant à la violence des affrontements, elle est symbolisée par ces deux casques allemands dont la taille des impacts ne laisse « aucun doute sur le sort de ces hommes » (p. 28).

La spontanéité des clichés offre parfois des scènes moins éprouvantes, voire surprenantes comme dans cette image où l’on voit un prisonniers de guerre français, cigarette à la bouche, poser amicalement sa main sur l’épaule d’un Allemand (p. 60), ou encore lorsque des Waffen-SS se retrouvent à traire une vache pour en boire le lait encore frais (p. 73). Evidemment, rares sont les clichés concernant la Bretagne, région relativement épargnée par les combats du printemps 1940. On signalera malgré tout le cliché de l’entrée d’une unité cycliste à Rochefort en Terre le 19 juin (p. 115) ou encore le passage d’un char dans le bourg du Folgoët le 21 juin.

En revanche, le reste de l’ouvrage, consacré à l’Occupation, offre une large place à la Bretagne avec pas moins de 120 clichés. Hormis la photographie d’une sentinelle équipée d’un binoculaire à Plougrescant le 18 juillet 1940 (p. 154), ou encore celle de ce soldat surveillant le Pont-Lorois près d’Etel en 1943 (p. 365), rares sont les photographies qui mettent en scène les soldats dans leurs tâches militaires. Souvent, les soldats préfèrent immortaliser leurs temps libres passés à visiter la région, ses villes (Pouliquen, p. 366), ses monuments (forteresse de Fort-la-Latte, p. 153), et ses curiosités (dolmens de Locmariaquer, p. 208)4.

Allemands à Vannes, été 1940. Cliché extrait de l'ouvrage d'Olivier Sierra (p. 180).

On l’aura compris, il serait vain de dresser ici une liste exhaustive des clichés présentés par Olivier Sierra. Il convient, dès à présent, de se procurer ce bel ouvrage qui saura trouver sa place dans toutes les bibliothèques de celles et ceux qui s’intéressent à la Seconde Guerre mondiale.

Yves-Marie EVANNO

SIERRA, Olivier, L’Ouest occupé (1940-1944), Bayeux, OREP éditions, 2017.

 

 

 

1 SIERRA, Olivier, L’Ouest occupé (1940-1944), Bayeux, OREP éditions, 2017. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses.

2 Sur ce point, voir MARTENS, Stefan et PRAUSER, Steffen (dir.), La guerre de 1940, se battre, subir, se souvenir, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2014.

3 LELEU, Jean-Luc, « Le bilan de la campagne », in LELEU, Jean-Luc, PASSERA, Françoise, et QUELLIEN, Jean, La France pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, Fayard, 2010, p. 44.

4 Sur ces questions, on se permettra de renvoyer à EVANNO, Yves-Marie, « La belle saison à l'épreuve de la guerre : Réflexions sur les pratiques touristiques à l'échelle du Morbihan (1939-1945 », En Envor, revue d'histoire contemporaine en Bretagnen°3hiver 2014, en ligne.