Ciné-archives : quand le Parti communiste valorise ses archives audiovisuelles

Pont-L’abbé, 7 août 1938. Le Parti communiste organise une fête folklorique qui met en scène l’alliance du communisme et de la petite patrie : point d’orgue de la journée, l’Internationale est entonnée en langue bretonne. Cela fait désormais deux ans que le Front populaire est au pouvoir et le directeur de L’Humanité, Marcel Cachin, paimpolais de naissance, y développe, sur fond d’images d’une Bretagne rurale et maritime très traditionnelle, un discours qui ancre la société bretonne dans la lutte des classes : « travailleurs de la mer » contre « capitalistes de la conserve », mais aussi « exploités ruraux […] voués à une existence très dure » contre « hobereaux qui prétendent maintenir leurs privilèges d’autrefois ».  La trace de cette journée est conservée grâce à Breiz Nevez (Bretagne nouvelle), un film de 11 minutes en noir et blanc produit par la société Les Films populaires1. Cette société de production est créée en 1937, tout comme La Marseillaise, par un Parti communiste soucieux d’investir le champ des médias audiovisuels afin notamment de  diffuser les théories du parti en direction des militants et des sympathisants.

Une interface simple mais efficace.

Soucieux de son histoire, le Parti communiste français se montre attentif à la conservation de ces archives audiovisuelles ainsi qu’à leur valorisation. En effet, depuis les années 1970, l’association Ciné-archives a pour mission de « gérer le fonds audiovisuel du Parti communiste français et du mouvement ouvrier et démocratique ». A ce jour, plus de 1 200 films sont conservés par l’association, dont le plus ancien date de 1928 : La fête de Garches. Le fond audiovisuel rassemble des films produits par le PCF, mais aussi par le Secours populaire, le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les peuples (MRAP), la Fédération Sportive et Gymnique du travail (FSGT), ou l’Union des Femmes Françaises (UFF).

XXIe siècle oblige, la cinémathèque du PCF a été mise en ligne sur le site cinearchives.org. Simple d’utilisation, la plateforme propose un catalogue d’exploitation de 774 films consultables gratuitement en ligne. Outre le film Breiz Nevez, on peut y trouver également un film présentant plus de trente années de la vie publique de Marcel Cachin, tout comme le film La vie est à nous du célèbre réalisateur Jean Renoir. Il nous est également permis de nous plonger dans l’ensemble de la collection via des parcours thématiques, parmi lesquels on retiendra « Banlieue, la ceinture rouge parisienne » et  la fête de l’Humanité. La diaspora bretonne à Saint-Denis a en effet joué un rôle important dans l’implantation du communisme dans la banlieue nord, ainsi que dans l’émergence d’un Front populaire local face à Jacques Doriot2.

A travers la rubrique « ressources », Ciné-archives donne une grande profondeur à la mise en valeur de son fond d’archives. On y trouve un « trombinoscope » des personnalités présentes dans les films. Classées par ordre alphabétiques, ces fiches comprennent une courte notice biographique ainsi que les liens vers tous les films liés à cette personnalité. Marcel Cachin fait bien entendu partie de ce trombinoscope, tout comme Eugène Hénaff, syndicaliste CGT puis membre du Comité central du PCF. Outre l’entrée documentaire par les personnes, une entrée par les structures liées au mouvement ouvrier est disponible : par exemple, l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC). Enfin, une bibliographie est mise à notre disposition.

Vivent les dockers, film de Robert Ménégoz, 1951 qui accorde une large place à la Bretagne et notamment à Saint-Nazaire.

Bref, par la richesse de son fond documentaire et la qualité de sa valorisation, le site Ciné-archives est une base audiovisuelle incontournable à tous ceux qui s’intéressent au mouvement communiste et ouvrier. Néanmoins, il convient de ne pas oublier le contexte particulier dans le quel sont sont créés ces films. Comme face à tout document produit dans un but politique, il est indispensable d’affuter son regard critique pour éviter de tomber dans le piège du biais idéologique.

Thomas PERRONO

 

 

 

 

 

1 Anonyme, Breiz Nevez, Les Films populaires, 1938, en ligne.

2 PERRONO Thomas, « Les Bretons de Saint-Denis : acteurs du Front populaire contre Jacques Doriot », in LE GALL Erwan et PRIGENT François (dir.), C'était 1936. Le Front populaire vu de Bretagne, Rennes, Editions Goater, 2016.