La presse des Bretons de Paris au tournant des XIXe et XXe siècles

S’il y a un besoin impératif quand on est parti vivre loin de sa région d’origine, c’est bien celui de continuer à avoir des nouvelles du « pays ». En même temps que l’émigration bretonne à Paris croît de façon exponentielle au tournant des XIXe et XXe siècles,  un certain nombre de bulletins ou de journaux d’associations voient le jour. Partons pour un petit tour d’horizon de ces principaux titres, qui constituent l’une des sources principales pour qui s’intéressent aux Bretons de Paris, qu’il s’agisse d’historien.nes ou de généalogistes parti.es sur les traces de leurs ancêtres.

Créée en 1889, la revue littéraire et artistique mensuelle La Pomme semble être la pionnière. Elle émane de la société fondée en 1877 à l’initiative de l’ethnologue et artiste breton Paul Sébillot et du journaliste et homme politique normand Elphège Boursin. En effet, comme le suggère le nom de la société savante, elle rassemble les originaires de Bretagne et de Normandie à Paris. Elle disparait dans les années 1930.

Carte postale émise par la Paroisse bretonne de Paris. Collection particulière.

En avril 1899, l’abbé François Cadic, recteur de la Paroisse bretonne à Paris sise dans l’église Notre-Dame-des-Champs à quelques encablures de Montparnasse, crée un bulletin mensuel – La Paroisse bretonne – chargé de porter la bonne parole de son association d’entraide mutuelle d’essence catholique. Sur une dizaine de pages, on retrouve des rubriques religieuses, « Action de la paroisse », « rappel et instruction du sermon », mais aussi des chroniques avec une optique plus bretonne comme « histoire de Bretagne », ou « légende et contes ».1 Au tournant du siècle, le journal ne reste pas neutre face à l’affaire Dreyfus ou la séparation des Eglises et de l’Etat. Il s’oppose notamment à l’association des Bleus de Bretagne, anticléricale et républicaine. Le journal Le Breton de Paris fondé par Jean Camper en 1898, mène d’ailleurs un combat similaire comme l’affirme sa devise – empruntée à Gambetta – qui s’étale en une : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ». Après la Première Guerre mondiale, La Paroisse bretonne perd de son influence au sein de la diaspora. Conséquemment son journal voit fondre le nombre de ses lecteurs. Le bulletin cesse de paraître en avril 1929, trois mois avant le décès de son fondateur. Pour autant, La Paroisse bretonne à Paris est pour sa part restée fidèle, au fil des décennies, à son combat – un brin schizophrène – contre l’émigration bretonne en région parisienne, tout en accueillant pour le mieux ceux qui ont réalisé le voyage.

Au début du XXe siècle, une presse bretonne laïque prend également son essor avec Le Breton de Paris, deuxième du nom ! Cet hebdomadaire est fondé en mai 1908 par le docteur René Le Fur. Le contenu du journal est varié : informations générales qui touchent à la Bretagne, faits-divers qui se déroulent dans les rues de Paris ou dans les communes du « pays », actualité des différentes associations communautaires, performances de l’Union sportive des Bretons de Paris, adresses des commerces bretons à Paris et des employeurs recommandés… La ligne éditoriale se veut neutre, mais on ne peut que constater une forte inclinaison à relayer les actions de l’Union régionaliste bretonne du marquis de l’Estourbeillon. Le journal édite également un annuaire de ses lecteurs vivant à Paris et dans le département de la Seine, notamment pour l’année 19112, ce qui représente une source massive et fondamentale pour le généalogiste qui voudrait trouver l’adresse d’un ancêtre breton parti vers la capitale, tout comme pour l’historien qui souhaite établir une cartographie de l’implantation bretonne à Paris ou appliquer les méthodes de la prosopographie. Au cours de la Grande Guerre, le journal continue de paraître dans une version remaniée dans l’optique d’apporter du soutien matériel aux poilus bretons, notamment les fusiliers marins. Malgré tout, à l’instar de La Paroisse bretonne, le journal du docteur Le Fur souffre dans les années d’après-guerre. Il cesse de paraître dès 1922.

Les années 1920 voient donc disparaître la première génération de journaux communautaires de la diaspora bretonne à Paris. Toutefois, pour le chercheur du XXIe siècle, elle est relativement difficile à étudier d’une façon systématique puisque, si l’on trouve de nombreux numéros dans les services d’archives départementaux de Bretagne, les collections ne sont jamais complètes. Pour contourner cet obstacle de l’exhaustivité, il faut se rendre à la bibliothèque de recherche de la BNF. Mais celle-ci est malheureusement payante, sauf à être inscrit dans le cadre d’études universitaires… La meilleure solution réside certainement dans une numérisation – prochaine on l’espère ! – sur le formidable portail Gallica, comme c’est le cas, par exemple, pour Le Creusois de Paris.

Thomas PERRONO

 

 

 

1 LEMANS, Constance, Les Bretons et leurs associations à Paris entre les deux guerres, Perros-Guirec, éd. Anagrammes, 2009, p. 41.

2 Annuaire des Bretons de Paris, Paris, Le Breton de Paris, 1911.