De l’appel de balle à la Cour d’appel : Adolphe Touffait

Adolphe Touffait est peut-être la personnalité bretonne qui, au XXe siècle, incarne le mieux la célèbre maxime de Pierre de Courbertin selon laquelle le sportif idéal se définirait par « un esprit ardent dans un corps musclé ». Et pour cause, reconnu au début des années 1930 comme l’un des meilleurs footballeurs de sa génération, le Rennais devient, après-guerre, l’un des magistrats français les plus en vue.

Carte postale. Collection particulière.

Adolphe Touffait naît dans le chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine le 29 mars 1907. Dès son plus jeune âge, bercé par les exploits réguliers du Stade rennais, il se prend de passion pour le football. Lui-même démontre d’ailleurs de belles aptitudes balle au pied, ce qui lui permet de rejoindre le club phare de sa ville natale à la fin des années 1920 après avoir commencé à jouer aux Cadets de Bretagne, un patro du faubourg d’Antrain. Véritable leader sur le terrain, Adolphe Touffait ne tarde pas à s’imposer en tant que capitaine de l’équipe première. Ses performances individuelles lui ouvrent même les portes de l’équipe de France. Il est ainsi invité, le 10 avril 1932, à prendre part à la rencontre amicale qui oppose, à Colombes, les Bleus à l’Italie. Titulaire au milieu de terrain, il se blesse malheureusement au bout d’une vingtaine de minutes1.

Le Breton n’aura plus l’occasion de porter le maillot de l'équipe nationale par la suite. En effet, quelques mois plus tard, alors qu’il vient d’achever de brillantes études de droit, il devient, à 26 ans, le « plus jeune juge de France » et débute sa nouvelle carrière à Valenciennes2. En 1934, la presse sa passionne pour le magistrat breton lorsqu’il est pressenti pour juger une sombre affaire de paris hippiques truqués impliquant Alexandre Villaplane… qui n’est autre que l’ancien capitaine de l’équipe de France de football. La perspective d’un tel duel est d’autant plus alléchante pour les médias que les deux hommes se connaissent bien puisqu’ils se sont régulièrement affrontés en championnat3. Mais, au grand regret des journalistes, conscient de son impartialité, Adolphe Touffait se désiste de ce dossier et demande naturellement « à ses chefs de désigner un suppléant »4.

Sa nouvelle vie professionnelle l’oblige progressivement à s’éloigner des terrains. Jouant un temps avec le Stade rennais sous le pseudonyme de Delourme, le nom de sa mère, il met définitivement un terme à sa carrière en 1935. Après la Seconde Guerre mondiale, une période particulièrement délicate pour les professionnels de la justice, le Breton continue néanmoins son ascension professionnelle. Adolphe Touffait est ainsi nommé, en 1946, directeur du Service de recherche des crimes de guerre, puis prend la direction de nombreux cabinets ministériels entre 1947 et 19585.

Le palais de justice de Paris. Carte postale. Collection particulière.

Ayant repris le cours de sa carrière dans la magistrature après le retour au pouvoir du général de Gaulle, il se rend en Algérie au printemps 1962 en qualité d’inspecteur général des services judiciaires. Pris dans une violente fusillade, il est grièvement blessé6. Il revient pourtant rapidement sur le devant de la scène en intégrant le conseil fédéral de la Fédération française de football et, surtout, en étant nommé premier président de la Cour d’appel de Paris en septembre 19627. Enfin, entre 1968 et 1976, il termine sa prestigieuse carrière en tant que procureur général près de la Cour de cassation. « Ardent partisan de la construction européenne », il remplit toutefois une dernière mission en offrant son expérience à la Cour de justice des Communautés européennes 8. Adolphe Touffait décède le 12 mars 1990.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

 

1 « A Colombes, l’Italie bat la France », L’Ouest-Eclair, 11 avril 1932, p. 6.

2 « Deux as du football vont s’affronter », Le Petit journal, 15 septembre 1934, p. 4.

3 Ces derniers s’affrontent notamment en octobre 1932 lors d’un match opposant Antibes à Rennes « Antibes continue », Match, 4 octobre 1932, p. 5.

4 « Les échos », L’Intransigeant, 25 juin 1935, p. 2.

5 ROZES, Simone, « Nécrologie : Adolphe Touffait », Revue internationale de droit comparé, 44-2, 1990, p. 1135-1336.

6 « Adolphe Touffait grièvement blessé par une patrouille de la force locale », France soir, 20 mai 1952, p. 1.

7 En dépit de ce retour rapide, ses blessures lui infligent « de grandes souffrances jusqu’à la fin de sa vie », ROZES, Simone, « Nécrologie … », art. cit.

8 Ibid.