Emile Poilvé : le « golgoth » des Jeux Olympiques de Berlin

La lutte est incontestablement l’une des disciplines les plus emblématiques des Jeux Olympiques modernes. Incorporée sous sa forme « gréco-romaine » dès 1896, puis sous sa déclinaison « libre » en 1904, elle est, au même titre que l’athlétisme, le sport qui évoque le mieux l’antiquité. Les Français y ont rarement brillé, ne ramenant à Paris que quatre titres en l’espace de 42 olympiades. Parmi ces quatre champions, on compte néanmoins un Breton, Emile Poilvé, héros discret mais valeureux des Jeux Olympiques de Berlin en 1936.

Emile Poilvé, avec son képi, policier à Vincennes. Cliché paru dans Le Miroir des sports. Gallica / Bibliothèque nationale de France.

Né à Jugon, dans les côtes-du-Nord, le 2 septembre 1903, Emile Poilvé se passionne, dès son plus jeune âge, pour la déclinaison locale de la lutte : le gouren. En 1925, il quitte la Bretagne afin de rejoindre la police parisienne. Affecté au commissariat de Vincennes, il s’initie à la lutte « gréco-romaine » et à la lutte libre. Il intègre, dès l’année suivante, l'équipe de la Préfecture de police1. Le succès ne tarde pas. En 1928, il acquiert le premier d’une douzaine de titres nationaux. Il devient, en quelques années, l’athlète le plus performant de sa catégorie de poids. A ce titre, il représente logiquement la France lors des compétitions internationales où il ne manque jamais de briller. En 1932, il participe ainsi pour la deuxième fois aux Jeux Olympiques. Mais, blessé durant le tournoi, il ne parvient malheureusement pas à exprimer tout son potentiel. La mort dans l’âme, il doit se contenter d’une quatrième place, au pied donc du podium2.

De nouveau sélectionné en 1936, il a parfaitement conscience qu’il participe probablement à sa dernière olympiade. A bientôt 33 ans, il décide alors de mettre « le paquet » sur sa préparation afin d’arriver à Berlin au sommet de sa forme3. Inscrit en lutte libre dans la catégorie « poids moyens », il survole la compétition. En finale, il balaye l’Américain Richard Voliva pour s’offrir la médaille d’or4. Mais, si le jour de gloire est arrivé pour le Breton, sa notoriété ne décolle pas. Sa prestation est totalement éclipsée, même dans la presse bretonne, par le phénomène Jesse Owens. Et puis, Emile Poilvé est bien trop discret pour attirer sur lui les projecteurs.

Le nom d’Emile Poilvé est gravé sur la plaque commémorative qui est installée à l’entrée du Stade olympique de Berlin. Wikicommons

Le lutteur s’éteint le 11 octobre 1962 à Lescouët-Jugon. En 2000 il est – discrètement – honoré par la Fédération des internationaux du Sport français qui l’incorpore à la liste des Gloires du sport, rejoignant ainsi un cercle fermé d’athlètes hexagonaux auquel appartiennent quelques Bretons comme Jean Robic, Louison Bobet ou encore Eric Tabarly. Huit ans plus tard, à l’occasion des Jeux Olympiques de Pékin, la France lui trouve enfin un successeur en la personne de Steeve Guénot5. C’est tout dire de la performance réalisée par le Jugonnais à Berlin, 62 ans auparavant. 

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

1 « Un gâs de chez nous », L’Ouest-Eclair, 10 janvier 1931, p. 8.

2 Dans le train qui le ramène de Berlin en 1936, il confie avoir difficilement accepté les critiques qui se développèrent sur son compte, quatre ans plus tôt, notamment celle d’être un « paresseux ». « Emile Poilvé, lutteur », Le Miroir des Sports, 25 août 1936, p. 3.

3 « J’ai mis le paquet déclare Emile Poilvé », L’Auto, 6 août 1936, p. 6.

4 « Poilvé, champion olympique de lutte libre », L’Auto, 5 août 1936, p. 6.

5 « Le lutteur Steeve Guénot remporte la médaille d’or française des Jeux », lemonde.fr, 13 août 2008, en ligne.