Les Cinq chemins de Guidel : un ultime acte de bravoure ?

Le 17 juin 1940, pensant la défaite inéluctable, Philippe Pétain en appelle à « cesser le combat ». En dépit du prestige du « héros de Verdun », les hostilités perdurent encore durant quelques jours, particulièrement en Bretagne. C’est dans ce contexte qu’une poignée de militaire français livre, le 21 juin, un « ultime combat pour l’honneur » : le combat des Cinq Chemins de Guidel1.

Carte postale. Collection particulière.

Coïncidence de l’avancée des troupes, les Allemands entrent en Bretagne au lendemain du discours de Philippe Pétain. Le 18 juin l’aviation ennemie bombarde ainsi la gare de Rennes, provoquant au passage la mort de près de 1 000 civils. Comprenant dès lors que l’arrivée des Allemands n’est plus qu’une question d’heures, l’amiral Hervé de Penfentenyo, alors préfet maritime de Lorient, décide d’exécuter les instructions initialement prévues, c’est-à-dire évacuer « ce qui peut être évacué » et détruire le reste2. Dans cette perspective, les soldats mettent méticuleusement le feu aux réserves de mazout de la ville.

Dans la soirée, l’amiral de Penfentenyo reçoit un appel du chef d’état-major de l’amiral Darlan, l’amiral Le Luc, lui demandant finalement de défendre Lorient. L’ordre s’oppose formellement à celui du gouvernement qui vient de déclarer « villes ouvertes » les localités de plus de 20 000 habitants. En tant que militaire, le préfet maritime exécute l’injonction du son supérieur. Il cherche alors à sécuriser les civils en choisissant de livrer bataille sur un site éloigné des zones habitées : le carrefour des Cinq chemins à Guidel.

Les soldats français réunissent les armes qui n’ont pas été détruites et mettent en place un barrage de fortune constitué de charrettes, de tétraèdres antichars et de sacs de sables. Conscients qu’ils s’apprêtent à livrer un combat déséquilibré, la poignée de militaires français prend fièrement position. Le 21 juin, vers 10 heures, la première colonne motorisée allemande apparaît. Elle est directement prise sous le feu des mitrailleuses françaises. Mais l’avantage tourne court. Il faut à peine trois heures aux Allemands pour se défaire des vaillants militaires français. Echaudés par cette résistance imprévue, les Allemands préviennent la préfecture militaire qu’ils ne tolèreront pas un autre camouflet, sans quoi ils menacent de bombarder Lorient. Ce sont désormais les prisonniers français qui, tels de véritables boucliers humains, précèdent les soldats allemands lors de leur entrée dans la ville.

Dans le bourg de Guidel. Carte postale. Collection particulière.

Au final, si le combat des Cinq chemin de Guidel ne dure que quelques heures, il fait quatorze victimes militaires : six du côté français, huit du côté allemand. Faut-il au final y voir un acte de bravoure où une simple manœuvre inutile ?3 Si l’historien n’est pas apte à émettre de tels jugements, il observe néanmoins que cet épisode méconnu de « l’honteuse défaite » de 1940 met en lumière le fait que l’armée française de la Campagne de France n’est pas seulement une armée maladroite et sans envie comme on se plait encore à la décrire près de 80 ans plus tard

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 La formule est empruntée à SAINCLIVIER, Jacqueline, La Bretagne de 1939 à nos jours, Rennes, Ed. Ouest France, p. 26.

2  LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre (1939-1945), Mayenne, Ed. régionales de l’Ouest, 1977, p. 22.

3 Ibid., p. 27.