Les bombardements en Bretagne lors de la Seconde Guerre mondiale

En raison de sa position stratégique, entre l’Allemagne et le Royaume-Uni, la France est, après le territoire du Reich,le deuxième pays d’Europe le plus bombardé par l’aviation alliée pendant la Seconde Guerre mondiale. En l’espace de cinq ans, 22 % des bombes larguées atterrissent dans l’hexagone, provoquant la mort de 50 à 70 000 personnes1. Comme des centaines de milliers de Français, les Bretons connaissent le sentiment d’angoisse qui se propage dès les premiers hurlements des sirènes.

Une rue de Lorient en 1944. Carte postale. Collection particulière.

Epargnée lors de la Grande Guerre, même si des rumeurs ont pu faire croire à certaines menaces, la Bretagne se prépare à d’éventuels bombardements dès la fin des années 19302. Si la chose peut sembler encore abstraite, elle répond à l’évolution des stratégies militaires qui font désormais de l’aviation une arme à part entière. Elle renvoie également à l’érosion manifeste de la frontière distinguant le civil et le militaire, dans un processus que l’on a pu qualifier de totalisation de la guerre. Le 17 juin, cette perspective devient réalité. Alors qu’ils s’apprêtent à entrer dans la ville, les Allemands bombardent la gare de Rennes et touchent un wagon chargé de…. munitions, provoquant la mort d’un millier de personnes. A une centaine de kilomètres, au large de Saint-Nazaire, c’est le Lancastria qui est la cible de la Luftwaffe, laissant périr plus de 4 000 soldats britanniques.

La signature de l’armistice ne signifie pas l’arrêt des bombardements. Ces derniers, désormais menés par l’aviation britannique, reprennent au début de l’automne 1940. Dans un premier temps, la Royal Air Force concentre ses frappes contre les trois villes bretonnes qui accueillent des sous-marins allemands : Brest, Lorient et Saint-Nazaire. Londres tente ainsi de limiter l’action des redoutables U-Boote qui torpillent les convois de ravitaillement. Mais ce n’est véritablement qu’à la fin de l’année 1942, avec le renfort de l’US Air Force, que les bombardements s’intensifient. A Saint-Nazaire, la journée du 9 novembre 1942 est encore aujourd’hui dans les mémoires celle du « massacre des apprentis » : plus de 180 personnes périssent sous les bombes américaines. Début 1943, les trois ports bretons transformés en bases de sous-marins allemands sont partiellement détruits et progressivement évacués. La région lorientaise est particulièrement meurtrie : en l’espace d’un mois, du 14 janvier au 13 février, 236 personnes trouvent la mort, 5 000  immeubles sont détruits, 40 000 habitants sont évacués3.

Mais les bases sous-marines ne sont pas les seules cibles de l’aviation alliée. Cette dernière s’attaque en effet très vite aux infrastructures ferroviaires, aux installations militaires et aux usines qui travaillent pour l’Occupant. En janvier 1943, c’est le célèbre viaduc surplombant Morlaix qui est ciblé par six Boston de la Royal Air Force : les « dommages collatéraux », comme on ne les appelle pas encore, sont très importants et les victimes se répertorient en dizaines. En septembre 1943, l’aviation américaine survole Nantes dans l’espoir d’infliger un maximum de dégât au port, aux chantiers navals ainsi qu’à l’aéroport de Château-Bougon. Le bilan est terrible puisqu’aux côtés des 2 500 blessés, la Loire-Inférieure déplore la mort de plus de 1 500 civils. Ces opérations permettent à Vichy de mener une intense propagande. En condamnant la « lâche agression » des « assassins américains », les autorités souhaitent détourner la population de la Résistance. Malgré l’ampleur des destructions matérielles et humaines, la majorité des Bretons continue d’accorder sa confiance aux alliés mais les traces dans le souvenir sont réelles et la mémoire parfois ambigüe.

Les ruines de Brest. Wikicommons.

Les préparatifs du Débarquement relancent les missions de bombardements. Près de 80 % des bombes lancées sur la France pendant la guerre ont lieu en 1944. L’objectif est désormais de paralyser l’Allemagne en s’attaquant aux infrastructures censées leur permettre de réagir à l’offensive terrestre des Alliés. Même si Brest continue d’être pilonnée, la Bretagne n’est pas autant bombardée qu’en 1943, ce qui rend l’année 1944 moins « spectaculaire » de ce point de vue. Elle n’en demeure pas moins tragique. Dans la nuit du 7 au 8 mai 1944, la Royal Air Force mène une opération visant à détruire un dépôt de munitions dans la région rennaise. Des bombes tombent finalement sur la petite commune de Bruz, provoquant la mort de 183 habitants, soit près du quart de la population de la commune ! Puis les combats de la Libération entrainent de nouvelles destructions et provoquent des centaines de morts...

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

 

1 Les chiffres sont cités par QUELLIEN, Jean, « Les bombardements alliés », LELEU, Jean-Luc, PASSERA, Françoise et QUELLIEN, Jean (dir.), La France pendant la Seconde Guerre mondiale : atlas historique, Paris, Fayard/Ministère de la Défense, 2010, p. 242-245.

2 Lorient réalise ainsi ses premiers exercices de défense passive au début de l’année 1939. « La ville… parterre lumineux », Le Nouvelliste du Morbihan, 10 mars 1939, p. 4.

3 LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre (1939-1945), Mayenne, ERO, 1977, p. 203-204.