Le Centre d'information du Morbihan ou la difficile application d'une propagande locale durant la guerre 39-40.

 

Il ne fait aucun doute que dès les toutes premières heures de la Seconde Guerre mondiale la propagande est une arme de toute première importance. Pourtant, si les structures nationales sont bien connues, les déclinaisons locales, sur le terrain, constituent encore des angles morts. D’où l’intérêt de l’étude du Centre d’information du Morbihan entreprise par Yves-Marie Evanno, histoire qui interroge justement la portée de la propagande en tant qu’arme.

Par Yves-Marie EVANNO

 

« Eclairer l’opinion publique [est une] mission particulièrement importante au cours d’une guerre où le moral de la nation est une des forces exceptionnelles. »1

Le 17 octobre 1939, six semaines après le déclenchement des hostilités, le commissaire général à l’information, le dramaturge et romancier Jean Giraudoux, rappelle aux préfets la force de la propagande. Les autorités parisiennes craignent un relâchement des efforts en province alors que le conflit entre dans une phase déconcertante que certains appelleront bientôt « drôle de guerre »2. Si l’efficacité de l’arme psychologique n’est plus à démontrer, elle suscite en revanche de nombreuses polémiques auprès des parlementaires, des journalistes et, par extension, de l’opinion publique3. Mais ce débat né de la Première Guerre mondiale est ambivalent. Si l’opinion a conscience que la « propagande d’Etat » est une nécessité, elle l’assume difficilement, arguant de la défense de la démocratie et de la liberté d’expression.

Face à ce dilemme, la propagande française prend durant l’entre-deux-guerres des formes plus ou moins officielles : le Service d’information et de presse à l’étranger des Affaires étrangères, le 2e bureau de l’Armée, ou encore le ministère du Tourisme en sont à un moment ou un autre responsables4. En 1938, un éphémère ministère de l’Information voit le jour. Il ne se maintient qu’un mois. En juillet 1939, face à la menace allemande, le Gouvernement donne vie au Commissariat général à l’information dont l’organigramme est secrètement prévu depuis près d’une dizaine d’années. Mais la guerre ne suffit pas à le pérenniser. Miné par la résurgence des critiques sur la propagande, il est englobé en mars 1940 dans un nouveau ministère de l’Information censé être plus transparent.

L’hôtel Continental à Paris, siège du Commissariat général à l’information. Carte postale. Collection particulière.

Dès les lendemains de la défaite, le Commissariat général est mis au pilori. Accusé d’être incompétent, il est rapidement devenu le symbole d’une défaite honteuse, celle de juin 1940. Pour ses contradicteurs, cette institution est le reflet d’une IIIe République décadente, incapable de faire face aux périls des totalitarismes. Depuis les années 1970, son action est néanmoins très largement réévaluée par l’historiographie5. Les travaux de J.-L. Crémieux-Brilhac et, plus récemment, ceux de D. Georgakakis permettent de mieux appréhender les enjeux auxquels sont confrontés Jean Giraudoux et ses collaborateurs6. En effet, le travail sur les sources, trop longtemps négligé par les détracteurs, permet selon D. Georgakakis de « tempérer l’idée d’une inaction ou d’une paralysie complète de l’information et de la propagande »7. Selon lui, l’échec du Commissariat général tient davantage aux luttes internes et au cruel manque de budget. Sur ce point, la comparaison avec le ministère de Joseph Goebbels est presque indécente tant elle laisse deviner l’inégale bataille entre « une flûte et un trombone »8.

Néanmoins, la majorité des travaux récents ne se sont intéressés qu’au seul prisme parisien. C’est pourquoi il nous a semblé intéressant de nous attarder sur l’application locale de la propagande, en d’autres termes d’en faire une histoire par « le bas ». Cette démarche nous semble d’autant plus féconde que Jean Giraudoux lui-même qualifie les Centres départementaux de l’information comme les « piliers » de la diffusion de la propagande9. Et pour cause, l’action de proximité permet de « coordonner l’information » en fonction des attentes spécifiques des populations10. Cette mécanique, validée en 1936, offre en effet de belles perspectives. Pourtant, dans le Morbihan, confiée à du personnel inexpérimenté et face au manque de moyens en tout genre, cette belle mécanique s’enraye rapidement.

 

Le Centre d'information, « pilier » de la propagande dans le département

Les critiques à l’égard du Commissariat général à l’information sont presque consécutives à sa création. Qualifié de structure improvisée, il lui est ouvertement reproché de ne pas avoir pu anticiper une politique de propagande appropriée. Pourtant cet argument ne tient pas plus que celui de l’inexpérience de Jean Giraudoux, lui qui a longtemps œuvré dans des fonctions similaires11. En effet, lorsque le conflit éclate, les dispositions concernant l’orientation de l’information sont prévues et validées à l’échelle départementale depuis de nombreuses années.

Anticiper le contrôle et l’orientation de l’information en cas de guerre

Avant toute chose, il convient de distinguer rigoureusement le « contrôle de l’information » et « l’orientation de l’information ». Le contrôle de l’information, plus communément appelé censure, est une prérogative militaire depuis la Première Guerre mondiale12. Anticipant dès 1929 toute éventualité de conflit, le ministère de la Guerre décide en 1932 de procéder au recensement exhaustif des villes dans lesquelles sont publiés des journaux de façon à pouvoir y établir rapidement des bureaux de contrôle13. Pour chaque commune  répertoriée, un local est prévu pour que les membres désignés dès 1932 puissent, le cas échéant, commencer à remplir leur mission. Dans le Morbihan, Vannes, Ploërmel, Pontivy, Hennebont et Lorient sont concernées. Précisons également que le bureau de Lorient est désigné pour coordonner l’action départementale en fonction des instructions qui lui sont transmises par le commandant de la XIe région militaire, à Nantes14.

Le siège du XIe corps à Nantes. Carte postale. Collection particulière.

Dans un second temps, en 1936, le ministère de l’Intérieur formalise l’organisation de l’orientation et de la diffusion de l’information en cas de guerre. Le 16 mars, le ministère adresse aux préfets une instruction « rigoureusement secrète » qui instaure un Centre d’information départemental15. La préfecture est chargée de désigner un personnel soigneusement sélectionné parmi des fonctionnaires non mobilisables, qu’ils soient ou non en activité. Deux secrétaires de la préfecture sont également mises à disposition.

Dans le Morbihan, le choix du préfet porte rapidement sur Stéphane Faye pour prendre la tête de ce service fantôme. Cet ancien professeur, âgé de 69 ans, a notamment enseigné au prestigieux collège Chaptal à Paris. Mais sa véritable renommée, il la doit à son imposante et éclectique bibliographie16. Son profil correspond parfaitement aux attentes du ministère. En plus de manier la plume avec aisance, il dispose d’une solide formation en droit acquise sur les bancs de l’Université. Mais surtout, Stéphane Faye est parfaitement intégré dans de nombreux réseaux de sociabilité morbihannais et bretons étant, entre autres, membre de la Société polymathique et délégué de la section bretonne de la Société des Gens de Lettres de France17. Enfin, habitant à moins de 4 kilomètres de la préfecture, il est en mesure de commencer rapidement son activité18.

Stéphane Faye est secondé par un adjoint désigné par l’autorité militaire. Pierre Costard, propriétaire d’une luxueuse horlogerie à Lorient, est capitaine réserviste du 137e régiment d’infanterie19. Trois correspondants locaux sont enfin désignés : Jules Kersuzan à Ploërmel est membre de la Chambre de commerce20 ; Joseph Le Calvé à Pontivy est premier adjoint au maire ; et Pierre Duran, conseiller général en activité, fut également sous-préfet de l’arrondissement entre 1921 et 193421. Ils ont tous en commun de posséder un important réseau de sociabilité qui leur permet d’avoir un accès direct ou indirect avec les personnalités locales, les groupements de tous ordres (anciens combattants, syndicats ouvriers, organisations confessionnelles…) et la presse, conformément aux exigences du ministère de l’Intérieur22.

La préfecture du Morbihan, là où s’installe le Centre d’information du Morbihan. Carte postale. Collection particulière.

Selon les dispositions de 1936, le Centre départemental est placé sous le contrôle du Service de l’information à Paris. Ce dernier fusionne en août 1939 avec le Commissariat de Jean Giraudoux. L’anticipation de la guerre à venir porte manifestement ses fruits puisque le personnel désigné pour contrôler et orienter l’information se met au travail dans les heures qui suivent l’arrivée des télégrammes ordonnant leur mise en activité. Malgré le décès de sa mère quelques heures plus tôt, le 29 août, à 5 h du matin, Stéphane Faye rejoint pour la première fois son bureau à la préfecture23.

Distribuer et collecter l’information à l’échelle du département

Un mois avant la mobilisation des Centres départementaux, Edouard Daladier signe le décret du 29 juillet instituant le Commissariat général24. Les prérogatives alors accordées à Jean Giraudoux sont dans les faits assez étendues et parfaitement résumées par D. Georgakakis :

« le CGI [Commissariat général à l’information] comprend toutes les définitions de la propagande : la censure, mais aussi l'information française et étrangère qui comprend des bureaux aux tâches spécialisées en fonction des zones géographiques pour l'étranger, et des groupements sociaux pour la France. Il a encore en charge la rédaction de revues de presse, la diffusion dont le service emprunte ses subdivisions aux médias (édition, cinéma, photo, rédaction d'articles, radio), tâches auxquelles s'ajoutent celles du service de documentation. »25

A l’échelon départemental, les sphères de compétences sont bien plus limitées. Ainsi, Stéphane Faye n'a pas la main sur la censure et n'exerce nullement une propagande destinée à l'étranger, ce qui semble logique dans un département qui n’a de frontière qu’avec l’océan. En réalité, la mission accordée au Centre départemental se limite à la stricte orientation des informations militaires, économiques et politiques à travers les différents médias présents dans le département. L’objectif est très précis : il faut rassurer les Morbihannais en leur expliquant que toutes les décisions prises par les autorités sont les meilleures26. L’expérience de la Grande Guerre n’est pas étrangère à cette volonté gouvernementale tant de nombreuses mesures exceptionnelles reçoivent un accueil hostile (rationnement, emprunts, impôts...). Enfin, le Centre est chargé d’assurer une contre-propagande « destinée à neutraliser l’action ennemie »27. Cette mission s’avère d’autant plus importante que, depuis la déclaration de guerre, la propagande défaitiste s'intensifie dans le Morbihan comme le déplore le ministre de l'Intérieur en octobre28.

Après deux mois d'expérience, Jean Giraudoux apporte quelques ajustements afin d’améliorer le fonctionnement des Centres départementaux29. Pour maîtriser les flux d’informations et harmoniser la propagande, il décide de publier chaque semaine, à partir du 21 octobre, un recueil d'articles officiels. Mais surtout, l’écrivain souhaite désormais profiter de ces oreilles locales pour sonder l’opinion provinciale. Les chefs deviennent désormais des « collecteurs », ce qui implique de leur part la rédaction mensuelle d’un rapport renseignant l’état d’esprit de l’opinion30. Jean Giraudoux souhaite se servir des plaintes, mécontentements et autres rumeurs de façon à orienter les articles de son Bulletin hebdomadaire31.

Une propagande adaptée aux spécificités locales dans le Morbihan

Dans les faits, les Centres départementaux doivent relayer auprès des médias locaux les articles officiels de la propagande nationale. Ils bénéficient néanmoins d’une large autonomie dont profite Stéphane Faye qui fait le choix d’adapter ses propositions aux spécificités locales plutôt que de proposer un simple décalque des informations parisiennes. Ce dernier est en effet persuadé qu’un « texte convient à telle région, à tel journal » et que « le fond et la forme doivent varier suivant la nuance du journal et sa clientèle »32. Il applique cette règle dès le mois de septembre 1939 en rédigeant, en l’espace de deux mois, une centaine de brèves destinées à la presse33. Il estime alors être en mesure d’atteindre a minima un « Morbihannais sur onze », soit près de 50 000 personnes34.

Carte postale. Collection particulière.

La presse écrite est le premier terrain d’action de Stéphane Faye. Le département se partage essentiellement entre trois titres. Le plus lu est le quotidien rennais L'Ouest-Eclair qui propose une édition morbihannaise. Il est concurrencé dans le sud-est du département par le quotidien nantais Le Phare de la Loire, et surtout dans l'ouest par Le Nouvelliste du Morbihan, édité à Lorient35. Aux côtés de ces trois poids lourds, une dizaine d'hebdomadaires tentent de séduire le lectorat par une approche plus locale36. Enfin, s’ajoutent à cet inventaire les nombreuses publications spécialisées (associatives, religieuses, professionnelles…) qui, en ciblant un public initié, ne concurrencent pas nécessairement les périodiques généralistes37. Globalement, cet état des lieux reste stable tout au long de la drôle de guerre. Certes, comme en 1914, quelques journaux tels Le Rappel du Morbihan ou L’Action laïque cessent brutalement de paraître suite à la mobilisation de leurs équipes éditoriales38 et rares sont ceux qui parviennent à se relancer, comme L’Action laïque en avril 194039. D'autre part, aucun journal morbihannais n'est suspendu à la suite du décret-loi du 27 août 1939, et peu de lecteurs sont privés d’un abonnement souscrit auprès d’un périodique publié hors du département 40.

Avec 21 000 postes recensés à la fin de l’année 1939, la radio est assurément le deuxième média le plus suivi dans le Morbihan41. Précisons que son audience est toutefois plus difficile à mesurer puisque l’écoute est bien souvent collective, en famille, le soir, et s’appréhende sans doute plus par le prisme du foyer que de l’individu. Semblable remarque peut d’ailleurs être formulée à propos du journal, dont on sait la lecture également très collective, un exemplaire pouvant circuler de mains en mains et/ou être commenté lors de la veillée. Quant aux informations filmées diffusées dans les cinémas du département, elles demeurent plus confidentielles42.

Enfin, pour les Morbihannais qui n’auraient pas accès à ces médias, le Centre départemental dispose théoriquement de moyens d’action plus large. Il peut publier ses propres brochures, distribuer celles du Commissariat général mais surtout, tels des colporteurs, ses membres diffusent oralement l’information dans leurs réseaux en espérant qu’elle se propage. Aussi, comme lors de la précédente guerre, le personnel ne doit pas hésiter à se montrer dans les lieux publics (marchés, réceptions…) et espérer, là encore, qu’il parvienne à influencer, par ricochet, l’opinion. Cela reste bien aléatoire…

La publication du Bulletin hebdomadaire à la fin du mois d’octobre n'entame en rien l’opiniâtreté de Stéphane Faye. Ce dernier réaffirme en janvier 1940 que les articles parisiens proposés par Jean Giraudoux « ne sont jamais réédités dans leur forme originale ou intégrale », ils sont adaptés pour les rendre plus vivants et plus appropriés aux goûts des lecteurs43. Les productions de l’écrivain breton restent malgré tout parfaitement conformes aux attentes parisiennes puisqu’il s’inspire exclusivement de la documentation officielle (Livre blanc anglais, Notre Combat, bulletin du ministère des Colonies…)44. Jusqu’en juin 1940, Stéphane Faye s’astreint à cette discipline et institue une sorte de propagande de proximité, très largement adaptée aux spécificités locales. Faute d’études comparatives, il  nous est malheureusement impossible d’établir des comparaisons entre les différents chefs départementaux. Impossible donc d’affirmer si le zèle de Stéphane Faye est unique, ou s’il est tout simplement en adéquation avec celui de ses homologues français.

 

Une pratique peu conforme à la théorie

Après quatre mois d’activité, le Centre d’information du Morbihan semble afficher des résultats satisfaisants. Ainsi, 252 articles ou communiqués sont publiés dans la presse locale sans que l’on sache, toutefois, comment ils sont perçus par la population45. Néanmoins, derrière cette apparente efficacité, se cache en réalité de nombreuses difficultés qui altèrent la diffusion de l’information. Aux lourdeurs administratives s’ajoute la redoutable concurrence de la presse locale.

Les problèmes de coordinations entre la censure et la propagande

Bien que créées de longue date, il va sans dire que les administrations en charge du contrôle et de l'orientation de l'information souffrent de leur inexpérience. D’inévitables manquements jalonnent le long mois de septembre 1939. Le plus caractéristique est très certainement celui dont fait preuve la section lorientaise de la censure qui s'obstine pendant plusieurs semaines à adresser les directives officielles et confidentielles du ministère de la Guerre à la préfecture, alors qu’elle pensait les envoyer à son homologue vannetaise. Le préfet s'en étonne d’autant plus que les instructions affirment scrupuleusement depuis 1932 que la censure est une prérogative militaire et non civile. Ceci explique très certainement le ton, un brin ironique, d’un courrier adressé le 15 septembre par le préfet au responsable de la section lorientaise, le capitaine de vaisseau en retraite Salaün :

« Je crois devoir vous confirmer que cette section siège non pas à la préfecture, mais dans les locaux militaires de la place de Vannes. Dans ces conditions et en vue d’éviter tout retard de transmission, peut-être estimerez-vous opportun de lui adresser désormais directement toutes les communications que vous pourriez avoir à lui faire. »46

Or, le 25 septembre, il doit de nouveau intervenir auprès de la section lorientaise et demande de lui « préciser dans quel but lui a été adressée la note », rappelant au besoin que « la censure n’est pas assurée par [s]on administration »47. L'erreur du coordinateur départemental de la censure est d'autant plus déconcertante qu’elle se reproduit dans trois des quatre sections censées être sous sa délégation. En effet, les informations destinées aux sections de Pontivy et Ploërmel arrivent respectivement à la sous-préfecture et à la mairie tout au long des quinze premiers jours du mois de septembre48. L’officier Salaün reconnaît, le 17 septembre, qu'il n’avait « aucun renseignement relatif aux sections de Vannes, Pontivy, Ploërmel », un comble lorsque la préfecture est elle-même au courant depuis 1932 de l’identité des locaux désignés par le général commandant la XIe région militaire49

L'Ouest-Eclair du 19 décembre 1939. Collection particulière.

Malgré ces premières errances, la coopération entre ces deux services se montre plutôt efficace tout au long de la drôle de guerre. Contrairement à certaines rivalités observées à Paris, les militaires sont peut-être davantage enclins à admettre que la propagande puisse ne pas être de leur seul ressort dans la mesure où le Morbihan est un département de l’arrière, loin du front terrestre, et où cohabitent essentiellement des civils50. Peut-être faut-il y voir tout simplement l’habile collaboration de militaires et de civils dans chacune des structures. Ainsi, si deux militaires travaillent pour le Centre départemental – même si l'activité de l'administrateur principal de l’Inscription maritime du quartier de Vannes est quasi-inexistante –, chaque section du contrôle de l'information est composée paritairement de réservistes et de civils. Cette particularité permet au correspondant lorientais du Centre départemental, Pierre Duran, de devenir lui-même membre de la section lorientaise de la censure51. Il ne fait pas de doute que ces imbrications facilitent les échanges.

Cette bonne coopération n’épargne pas, parfois, quelques incompréhensions, comme lorsqu'un article de propagande rédigé par Stéphane Faye est malencontreusement censuré... Cette situation gênante a lieu au début du mois de février lorsque le Centre départemental propose un article adapté du Bulletin officiel (27 janvier) concernant les affectés spéciaux, sujet hautement polémique52. L'affaire est d'autant plus cocasse que le journaliste, comprenant la faille, profite que Stéphane Faye lui redemande la semaine suivante de republier l'article pour le « chapeaut[er] de réflexions ironiques » sans que la censure n'y voit à redire, pensant qu'il s'agissait du texte initial53. Certes anecdotique, cette affaire met néanmoins en évidence un problème de coordination entre les autorités militaires et civiles, non pas à l’échelon local, mais bien à l'échelle nationale. En effet, si les listes des informations prohibées parviennent – trop lentement au goût de Stéphane Faye54 – à la préfecture, il n'en va pas de même pour le Bulletin hebdomadaire du Commissariat général. Ce dernier n'est pas adressé au contrôle de l’information, ce qui explique en partie comment la propagande française a pu être parfois censurée par ses propres agents55

La difficile séduction d’une presse obnubilée par « l’attrait de l’inédit » 56

L'action de Stéphane Faye est également limitée par le fait que deux des trois journaux les plus distribués possèdent leur siège hors de sa zone de prérogative, à Nantes et à Rennes. Le Centre départemental dispose à leurs égards de leviers limités, ne lui permettant pas réellement d’atteindre « un Morbihannais sur onze ». Ce constat n'est pas gênant dans l'absolu puisque ces 50 000 lecteurs sont malgré tout sensibilisés par la propagande nationale, mais elle n’a certainement pas l’impact revendiqué par Stéphane Faye. Qui plus est, les propositions adressées par ses homologues aux rédactions de L’Ouest-Eclair et du Phare de la Loire contrarient sa planification minutieuse. Les conséquences peuvent alors être fâcheuses puisqu’un article proposé 12 ou 24 heures trop tard peut être refusé par un journal local « sous prétexte que c’est du déjà lu, ou du déjà entendu »57. De ce point de vue, le principal ennemi du chef de la propagande morbihannaise est vite désigné. Il s’agit de la radio nationale qui serait écoutée par un lecteur morbihannais sur deux. Cette dernière profite en effet de sa proximité parisienne avec le Commissariat général pour obtenir puis diffuser en exclusivité des informations à peine publiée dans le Bulletin hebdomadaire, avant même que ce dernier ne soit parvenu dans les préfectures58.

L'Ouest-Eclair du 2 novembre 1939. Collection particulière.

Cette quête de l'inédit prend une telle ampleur que les rédactions finissent par démarcher directement le Commissariat général. En février 1940, Le Nouvelliste du Morbihan obtient un exemplaire du Bulletin hebdomadaire, ce qui entraîne l'ire de Stéphane Faye59. Et pour cause, non seulement le quotidien ne tient plus compte des articles que lui propose le Centre départemental, mais, et c'est très certainement le plus dommageable, plus aucune information n'est filtrée ni adaptée au lectorat. Stéphane Faye déplore alors le 24 février « qu'aucun hebdomadaire ne consentira désormais à insérer une copie déflorée par la publication dans Le Nouvelliste »60. Il conclue dès lors que son « rôle vis-à-vis de la presse est frappé de diminution »61.

Jean Giraudoux confirme qu'il est à l'origine de cette distribution et justifie que le Commissariat général n’a « pas trouvé jusqu’ici de solution plus favorable que celle qui consiste en l’envoi direct du Bulletin hebdomadaire »62. Cette réponse apparaît très clairement comme un désaveu à l’encontre des Centres départementaux tant elle ne tient pas compte des spécificités rencontrées localement. Si Stéphane Faye obtient malgré tout l'arrêt de la distribution du Bulletin hebdomadaire auprès de la rédaction du Nouvelliste du Morbihan, la décision n’est pas sans conséquence. Ses relations avec le directeur du quotidien lorientais vont désormais se dégrader.

Une action de moins en moins efficace vers la presse

Depuis la fin de la Grande Guerre, le métier de journaliste s’est très largement professionnalisé63. De nombreuses rédactions nationales expriment leur malaise à publier des articles qu’elles savent orientés, non conformes à la vérité journalistique et qui rappellent le « bourrage de crâne » tant décrié lors du précédent conflit64. Ce souvenir persistant est évoqué le 24 février par Stéphane Faye qui affirme à Jean Giraudoux que « le public n’aime pas lire les articles qui sentent le communiqué officiel et constituent une production standardisée »65. Toutefois, dans le Morbihan, en l’état de nos recherches, aucune source ne semble accréditer un quelconque refus d’article au motif de la déontologie. Au contraire, selon Stéphane Faye, tout ce qui importe aux rédactions, c’est de plaire à ses lecteurs. La quête de l’inédit importe bien plus que celle de l’authenticité.

Le collège Chaptal à Paris où enseigne Stéphane Faye dans les années 1920. Carte postale. Collection particulière.

Après plusieurs semaines de conflit, comme ce fut le cas lors de la précédente guerre, les journaux doivent réduire drastiquement leur nombre de pages en raison des risques de pénurie66. Ainsi, au début de l’année 1940, les hebdomadaires sont ainsi limités à deux pages, ce qui réduit d’autant plus la place accordée aux informations que les rédactions jugent superflues ou trop longues. Les articles du Centre départemental sont bien souvent les premières victimes de ces choix éditoriaux67. A la fin de l’hiver 1940, Stéphane Faye constate amèrement que les journaux « deviennent moins hospitaliers, malgré notre douce pression »68. En mai, la situation se complique encore davantage puisque les périodiques doivent désormais insérer les communiqués relatifs aux réfugiés ainsi que les annonces légales69. Le nombre de pages ne pouvant être augmenté, les rédactions délaissent de plus en plus les articles du Centre départemental, réduisant encore davantage le champ d’action de la propagande locale.

Alors que Stéphane Faye comprend qu’il perd progressivement la main sur les hebdomadaires, il doit également accepter la rupture des relations avec Le Nouvelliste du Morbihan à la fin de l’hiver 1940. Son directeur, Alexandre Cathrine, s’offusque du comportement du Centre départemental, très certainement après que ce dernier se soit opposé à la distribution directe du Bulletin hebdomadaire en février, même s’il prétexte officiellement que « les autorités responsables, préfectorales et militaires n’ont pas assez d’égard pour les directeurs de journaux et pour leur collaborateurs »70. Stéphane Faye est de son côté convaincu qu’il faut lire entre les lignes et que cette rupture des relations est intéressée :

« Ce directeur rêve d’affectations spéciales grâce auxquelles son journal pourrait obtenir son plein rendement et il reste excité par le souvenir d’incidents qui, au début des hostilités, l’ont mis en fâcheuse posture. »71

Mais les raisons d’une telle rancœur importent finalement moins que le résultat. Plus aucun article n’est publié dans les colonnes du Nouvelliste du Morbihan jusque l’arrivée des Allemands. Dès lors, le Centre départemental doit se résoudre à concentrer exclusivement son action sur les publications morbihannaises à faible tirage… Quant à Alexandre Cathrine, peut-être en quête de sensationnalisme, il obtient en exclusivité départementale la première proclamation allemande en se présentant spontanément au Commandement allemand « avant même l’arrivée des troupes »72.

 

Le Centre d’information, une structure sans moyens ?

Au delà des réalités auxquelles le Centre départemental se trouve confronté sur le terrain, il convient de se demander si sa véritable faiblesse ne réside pas dans son organisation. Dès les premières semaines, Stéphane Faye déplore qu’il manque de moyens, aussi bien humains que financiers, pour mener une propagande efficace. Mais ne faut-il pas y voir également la faillite de certains de ses membres, éprouvés par l’usure de l’âge ?

Un personnel compétent ?

Jean Giraudoux s’aperçoit très rapidement que l’efficacité d’un Centre départemental dépend avant tout de la personnalité des membres qui le composent. En octobre 1939, il demande ainsi aux préfets de révoquer les chefs n’ayant pas « d’autorité morale » et, surtout, qui ne maîtriseraient pas l’art du consensus73. A aucun moment, et ce malgré l’altercation avec Alexandre Cathrine, ni Stéphane Faye ni ses collaborateurs ne sont incriminés par le Commissariat général. Pourtant, leurs aptitudes interpellent à plus d’un titre.

A l’exception des secrétaires, l’ensemble du personnel travaille bénévolement malgré l’imposante charge qui leur incombe74. Dans le Morbihan, Stéphane Faye et Pierre Costard déclarent consacrer quotidiennement près de 7h30 pour servir leur pays75. Bien qu’ils soient volontaires, les membres du Centre départemental s’interrogent rapidement sur le préjudice financier lié à leur mission. Ainsi, Stéphane Faye estime que le renoncement à toute activité éditoriale lui serait dommageable d’environ 12 000 francs par an. C’est la raison pour laquelle il sollicite une prime d’activité76. Il est frappant de voir que, contrairement à la solde qu’elle accorde à ses soldats, la France laisse  sa « quatrième arme » être manœuvrée sur le terrain par une escouade de bénévoles, non formés et peut-être, peu motivés. Dans le Morbihan, la motivation des membres du Centre départemental paraît s’essouffler dans le courant du premier semestre 1940. Stéphane Faye se lasse de quémander des moyens qui n’arrivent pas… Pire, la suppression d’un poste de secrétaire surcharge l’écrivain de tâches administratives, réduisant en conséquence le temps disponible pour les missions pour lesquelles il avait été initialement désigné. Et encore, il peut se satisfaire de disposer d’une secrétaire, ce qui n’est pas le cas de la section lorientaise du contrôle de la censure77.

Sans tomber dans l’éloge du jeunisme, il convient d’admettre que la pauvreté des effectifs n’est pas compensée par un personnel en pleine force de l’âge. En imposant le recrutement d’individus inaptes à prendre les armes, le Centre départemental doit composer avec des agents retraités ou dont la mobilité est réduite. Blessés par onze impacts d’obus en septembre 1916, Pierre Costard porte encore les stigmates de la précédente guerre dans sa démarche. Reconnu invalide à 20% par la commission de réforme de Vannes, il boîte et déclare être gêné dans de nombreux déplacements. Stéphane Faye, de son côté, ne semble pas souffrir de ses 72 ans en septembre 1939. En revanche, neuf mois plus tard, en juin 1940, il montre d’importants signes de fatigue. Et pour cause, depuis le mois de mai, Pierre Costard, victime des restrictions drastiques d’essence, ne peut plus venir chercher son supérieur hiérarchique à son domicile. Stéphane Faye est contraint d’effectuer jusque trois allers-retours par jour entre son foyer et la préfecture, soit près de 25 kilomètres. S’en est trop pour Stéphane Faye qui menace le 8 juin de renoncer à ses fonctions affirmant que « [s]es forces ne [lui] permettent pas semblable surmenage »78.

La préfecture du Morbihan, là où se trouve le bureau de Stéphane Faye. Carte postale. Collection particulière.

Les capacités physiques du correspondant de Pontivy, Joseph Le Calvé, interpellent également. Agé 75 ans, Stéphane Faye le dit « vieilli et souffrant » en mars 1940 et estime qu’il « ne suffit pas au rôle qui lui a été confié »79. Depuis plusieurs mois, il est aidé dans ses attributions par l’essayiste Stéphane Strowski, lui-même enseignant retraité80. Mais, lorsque ce dernier accepte de reprendre un enseignement au lycée Joseph Loth de Pontivy, il décide de limiter ses contributions. Stéphane Faye prend conscience que Joseph Le Calvé ne peut plus exercer son rôle et, plutôt que de le seconder une nouvelle fois, il obtient du préfet son remplacement par l’entrepreneur de travaux publics, Joseph Vernery81.

Un manque évident de budget

Pendant près de neuf mois, Stéphane Faye n’a de cesse de revendiquer que l’on augmente les moyens mis à sa disposition, budgétisant même les besoins annuels à 51 915,20 francs82. Mais ses demandes restent vaines. Il manque de tout. Dans ces conditions, impossible d’imprimer ses propres brochures, solution qui semblait pourtant pouvoir compenser la baisse d’influence du Centre départemental sur la presse83. La situation est d’autant plus cocasse qu’aucun crédit n’est alloué pour acquérir la presse quotidienne84. Seules les acquisitions personnelles des agents leur permettent de surveiller la bonne diffusion de leur propagande. A cet égard, le service de Stéphane Faye subit de plein fouet le « sous-financement » de la propagande française85. En effet, jamais Jean Giraudoux ne parvient à obtenir le budget adéquat pour véritablement donner à la propagande les moyens de ses ambitions86. Un de ses collaborateurs estime en septembre 1939 que le Commissariat devrait être doté d’un « budget mensuel de 200 millions [pour] permettre à la France de faire connaître au monde ses buts de guerre »87. C’est à peine la somme qu’obtiendra l’écrivain français pour l’année 1940.

Victime collatérale des querelles internes – en particulier de la part des agents de la commission des finances –, le fonctionnement du Centre départemental repose en grande partie sur le budget des préfectures comme le regrette le préfet dès le mois de novembre 1939 :

« En ce qui concerne les dépenses d’administration (fourniture de bureau, frais de correspondance, de téléphone, d’éclairage et de chauffage), ceux-ci ont été supportés, jusqu’à maintenant par la Préfecture, sur le crédit global pour les bureaux. Mais la modicité des crédits inscrits à ce titre au budget départemental ne permettra pas d’assumer plus longtemps cette charge. Il y a lieu de prévoir […] une somme de 4 100 francs à mettre annuellement à ma disposition. »88

Le bénévolat s’avère être une chance pour l’Etat qui se décharge d’une masse salariale qu’elle n’aurait pu prendre en charge autrement que sur les budgets départementaux. Au regard du litige posé par la mise à disposition gratuite de deux secrétaires, il ne fait nul doute qu’assumer un personnel qualifié auraient entraîné une vive réaction de la part des élus du Conseil général.

Un désir du terrain bridé par le « haut »

Enfin, on peut s’interroger à quel point, ce personnel âgé et non formé ne serait pas le tenant d’une propagande dépassée, celle qui conçoit que l’action doit se faire individuellement sur le terrain puisqu’on « n’établit pas de liaisons en demeurant sédentaire, on n’influe sur le moral que lorsqu’on intervient là où il fléchit », selon les propres mots de Stéphane Faye 89. Faute de moyens, il limite ses interventions à quelques opérations de faible envergure comme le 27 avril 1940 lors du discours inaugural de la soirée du gala des Bons d’armement à Vannes90.

De son côté, le Commissariat général ne semble pas convaincu par de telles actions, ce qui ne décourage pas Stéphane Faye. Ce dernier continue au contraire de solliciter des crédits pour aller à la rencontre des premiers réfugiés qui arrivent en mai. Plus que jamais, il estime que son rôle est d’agir auprès de réfugiés désabusés de façon à maintenir la paix sociale tant il présage que « des incidents fâcheux pourraient se produire entre nos concitoyens et des réfugiés belges » si rien n’est fait pour « faciliter l’acclimatation et l’accommodation et d’inviter à sympathiser, à fraterniser »91.

Lassé de l’absence de réaction des dirigeants parisiens, Stéphane Faye abandonne ses illusions de propagande de proximité en juin 1940. Il regrette alors que :

« depuis neuf mois, aucune réponse n’a été faite à nos requêtes ; nous nous abstiendrons de les renouveler. Nous resterons donc sédentaires et entravés dans un moment où la situation requiert un surcroît d’activité et nécessite une intervention personnelle. Il serait pourtant simple d’accorder à l’officier adjoint en possession d’une voiture la quantité d’essence qui lui est indispensable pour de petits déplacements, l’absence de crédits interdisant de faire davantage. »92

Si la conception d’une propagande de proximité peut faire sourire au regard des méthodes utilisées par les Allemands, c’est aussi le mépris du Commissariat général puis du ministère de l’Information qui interpelle. Ces derniers paraissent occulter totalement les demandes des agents départementaux qui se sentent dès lors abandonnés à leur sort. C’est ce que déplore Stéphane Faye en mai 1940 : « nous aimerions à être aidés par une propagande d’en haut »93.

Au centre, Joseph Goebbels, incarnation des méthodes allemandes de propagande. Bundesarchiv: Bild 146-1978-118-24A.

Le prisme départemental est tout particulièrement éclairant pour comprendre les enjeux de la propagande française lors de la guerre de 1939-1940. Sur le papier, l’organisation de la propagande française paraissait suffisamment bien préparée pour assurer une information adaptée aux spécificités locales, en étant moins généraliste et moins stéréotypée que celle pouvant être produite sur Paris. Elle devait en outre permettre de ne pas reproduire les erreurs constatées lors de la Grande Guerre en proposant cette fois une propagande pédagogique, expliquant le bien fondé des agissements de l’Etat. Pourtant, très vite, le Centre d’information du Morbihan est happé par la réalité d’un drôle de conflit qui s’éternise. Sans avoir les moyens adéquats, Stéphane Faye et ses collaborateurs ont alors progressivement perdu la main sur leurs prérogatives.

Ce n’est au final ni l’inaction, ni la paralysie complète de l’information qui expliquent la faillite du Comité d’information du Morbihan. Il faut davantage y voir les conséquences d’une politique de propagande dont les moyens mis à sa disposition sont sans commune mesure avec ses ambitions. Il n’est d’ailleurs pas certain que la césure entre la Troisième République agonisante et Vichy soit de ce strict point de vue très marquée. Les vicissitudes de la mise en œuvre de la propagande de Vichy en Ille-et-Vilaine étudiées par F. Loko invitent en tout cas à fortement en douter94.

Quant à Stéphane Faye, il retourne à ses activités associatives et littéraires dès l’été 194095. A son décès en 1947, la presse locale lui accorde un hommage de circonstance96. Si sa vie associative et littéraire est rappelée avec détail, il n’est en revanche jamais fait référence à son action au sein du Comité d’information du Morbihan, cette structure qui symbolise tant la défaite honteuse de 1940.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

1 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, Jean Giraudoux, commissaire général à l’information aux préfets, 17 octobre 1939.

2 La paternité de l’expression est accordée sans certitude à Roland Dorgelès. Dans le Morbihan, son utilisation est attestée dans la presse au moins depuis le mois de décembre 1939, lorsqu’elle reprend le discours du député de l’Aube Emile Brachard. « Il faut aussi savoir gagner ‘‘la drôle de guerre’’ », Le Progrès du Morbihan, 10 décembre 1939, p. 1.

3 La définition de la propagande n’est pas connotée comme elle peut-être actuellement. Sur ce point voir D’ALMEIDA, Fabrice, « Propagande, histoire d’un mot disgracié », Mots. Les langages du politique, n°69, 2002, p. 137-148.

4 GEORGAKAKIS, Didier, « La République contre la propagande d'État ? Création et échecs du Commissariat général à l'Information (juillet 1939-avril 1940) », Revue française de science politique, 48e année, n°5, 1998, p. 609. En ce qui concerne le ministère du Tourisme, on signalera par exemple sa participation au financement de la collection d’ouvrages intitulée La France dévastée. Sur ce point voir, EVANNO, Yves-Marie et VINCENT, Johan, « Tourisme et Première Guerre mondiale. Pratique, prospective et mémoire (1914-2014) », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n° 6,‎ été 2015.

5 Pour un résumé historiographique, se rapporter à MARCEAU, Guillaume, La propagande française pendant la drôle de guerre : L’échec du Commissariat général à l’information (1939-1940), Montréal, Université de Québec, mémoire de maîtrise, sous la direction de Barros, Andrew, 2007, p. 12-45.

6 CREMIEUX-BRILHAC, Jean-Louis, Les Français de l'an 40, tome 1, Paris, 1990. GEORGAKAKIS, Didier, La République contre la propagande : aux origines perdues de la communication d'État en France, 1917-1940, Paris, Economica, 2004.

7 GEORGAKAKAIS, Didier, « Le Commissariat général à l'information et la drôle de guerre », Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée, 1996/1, p. 43.

8 BETZ, Albrecht, « Guerre psychologique et propagande en 1940 : Allemagne - France – Belgique », in MARTENS, Stefan et PRAUSER, Steffen (dir.), La guerre de 1940, se battre, subir, se souvenir, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du septentrion, 2014, p 158.

9 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le commissaire général à l’information aux préfets, 17 octobre 1939.

10 GEORGAKAKIS, Didier, « Le Commissariat général à l'information et la drôle de guerre », art. cit., p. 39.

11 Sur ce point, le portrait dressé par D. Georgakakis est particulièrement éclairant : « Sa nomination est loin de représenter une erreur funeste, contrairement à ce qu'ont réussi à faire admettre ses concurrents de l'époque. […] En tant qu'écrivain et homme de théâtre, Jean Giraudoux est d'ailleurs reconnu pour de telles compétences : les critiques parlent de lui comme d'un ‘‘sorcier’’, d'un ‘‘magicien’’, autant de qualifications qui disent bien les pouvoirs importants qui lui sont prêtés et qui correspondent étroitement aux représentations sociales du bon propagandiste. […] Si sa carrière diplomatique est connue, moins connues sont ses attributions d'abord au Bureau des communications avant la première guerre mondiale, ensuite au Service des œuvres à l'étranger puis au Service d'information et de presse, deux services qu'il finit par diriger à la fin des années vingt puis au début des années trente. C'est en outre, comme l'indique son dossier personnel, pour ses compétences de propagandiste qu'il est nommé inspecteur des ambassades en 1935 ». GEORGAKAKIS, Didier, « La République contre la propagande d'État ? », art. cit., p. 619.

12 Sur ce point, on se permettra de renvoyer à FORCADE, Olivier, « Information, censure et propagande », in AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane et BECKER, Jean-Jacques (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre, Paris, Bayard, 2004, tome 1, p. 568-667.

13 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, instruction n°3225 Mo 2/11 du ministère de la Guerre, 19 juillet 1932.

14 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, brouillon de la réponse faite par le préfet du Morbihan au général, commandant la XIe Région, 18 août 1932.

15 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, instruction sur l’organisation et le fonctionnement du Service de l’information en France, 16 mars 1936.

16 On peut par exemple citer les références suivantes : La Terre qui console, Paris, La Renaissance du livre, 1929 ; Morale, Instruction civique. Droit privé. Economie politique. Ouvrage rédigé conformément aux nouveaux programmes de 1920. 1e, 2e, 3e années, Paris, Hachette, 1921 ; (avec José Germain), Un fils de France: le général Laperrine, grand Saharien, Paris, Plon, 1922 ; (avec José Germain), Bretagne en France et l'union de 1532, Paris, J. Tallandier, 1931. Il est également l’auteur des chapitres « Maroc » et « Madagascar » de L’Histoire Universelle illustrée des pays et des peuples, Librairie Aristide Quillet, Paris 1930.

17 Il fut également vice-président de la Ligue nationale contre le taudis, membre du Comité Morbihannais de défense contre la tuberculose, président du Comité Radical Socialiste de Vannes… « Stéphane Faye n’est plus », La Liberté du Morbihan, 18 novembre 1947, p. 3.

18 Il réside en effet à Plaisance (Saint-Avé), à moins de 4 kilomètres du centre-ville de Vannes.

19 Arch. dép. du Morbihan, R 1964, matricule n°791, classe 1906 (bureau Lorient).

20 Arch. dép. du Morbihan, 5 ETP 18, dossier Jules Kersuzan.

21 Si un représentant du préfet maritime est également nommé, ce dernier n’exerce en réalité aucune fonction au sein du Centre départemental.

22 Ces exigences sont réaffirmées par J. Giraudoux le 17 octobre 1939.

23 « Nécrologie », Le Progrès du Morbihan, 27 août 1939, p. 3.

24 MARCEAU, Guillaume, La propagande française…, op. cit., p. 95.

25 GEORGAKAKIS, Didier, « La République contre la propagande d'État ? », op. cit., p. 612.

26 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, instruction sur l’organisation et le fonctionnement du Service de l’information en France, 16 mars 1936.

27 Ibid.

28 Arch. dép. du Morbihan, M 4498, le préfet du Morbihan au ministre de l'Intérieur, 26 octobre 1939. « Par la dépêche du 7 octobre 1939, vous m'avez informé que le CGI vous a signalé que les distributeurs de tracts défaitistes font preuve d'une activité particulière dans le Morbihan ». Le préfet, signale notamment la quinzaine de brochures « URSS ? » retrouvée sur la voie publique à Vannes.

29 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le commissaire général à l’information aux préfets, 17 octobre 1939.

30 Ibid.

31 Ibid. 

32 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du  mois de février 1940, 4 mars 1940.

33 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du 3 novembre 1939.

34 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport de fin d’année du Centre d’information du Morbihan, 3 janvier 1940.

35 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le Centre d’information du Morbihan au Commissariat général, 25 septembre 1939.

36 On peut citer à titre d’exemple L’Ouest républicain, L’Eveil du Morbihan, Le Progrès du Morbihan, Journal vannetais, Le Journal de Pontivy, Le Ploërmelais

37 Pour chaque spécialisation, les principaux titres publiés dans le département sont Le combattant du Morbihan, La semaine religieuse du diocèse de Vannes et Le Semeur...

38 Eprouvée par deux années de conflit, la situation de la presse quotidienne morbihannaise est dramatique en 1916. Ainsi, seules cinq publications parviennent à se maintenir : Le Nouvelliste du Morbihan, Le Morbihannais, Le Progrès du Morbihan, Le Journal de Pontivy et L’Avenir du Morbihan. Arch. dép. du Morbihan, R 1671, lettre du préfet du Morbihan à son homologue de Meurthe-et-Moselle, septembre 1916.

39 BACO, Jean, « A tous nos amis, à tous les laïcs du Morbihan », L’Action laïque, avril-mai 1940, n°29, p. 1.

40 « Décret-loi du 27 août 1939. Contrôle de la presse et de publications en temps de guerre (saisie de toute publication faite en violation des mesures prévues par la loi du 11-07-1938) », Journal officiel du la République française, 28 août 1939, p. 10 805 et Arch. dép. du Morbihan, M 4498, le commissaire de Police de Pontivy au préfet, 31 août 1939.

41 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport de fin d’année du Centre d’information du Morbihan, 3 janvier 1940.

42 Le préfet du Morbihan délègue cette prérogative au Centre départemental qui donne, ou non, son aval à la diffusion d’un film. En réalité, la véritable marge de manœuvre de Stéphane Faye n’est pas tant sur les scénarii que sur la communication faite autour  des films. En effet, conformément à l’arrêté préfectoral du 9 septembre 1939, « en dehors des affiches officielles, aucune affiche ne pourra être apposée ou placardée sans que son texte ait été approuvé au préalable par l’autorité préfectorale ». Cette règle s’appuyant par extension aux programmes et autres supports de communication. Arch. dép. du Morbihan, 4 M 228.

43 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport de fin d’année du Centre d’information du Morbihan, 3 janvier 1940.

44 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du  mois, 4 mars 1940 et Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport de fin d’année du Centre d’information du Morbihan, 3 janvier 1940.

45 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport de fin d’année du Centre d’information du Morbihan, 3 janvier 1940.

46 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le préfet au président de la section principale de contrôle des informations de presse, 15 septembre 1939.

47 Ibid.

48 Ibid.

49 Ibid.

50 GEORGAKAKIS, Didier, « La République contre la propagande d'État ? », art. cit., p. 619.

51 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, lettre du général commandant la XIe région au préfet, 27 septembre 1939.

52 L’article en question est extrait du Bulletin hebdomadaire du 27 janvier 1940. S. Faye précise qu’il ne s’agit que d’un exemple parmi d’autres. Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du 10 février 1940.

53 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du 10 février 1940.

54 Ibid. Les listes sont rédigées à Paris avant d'être expédiées dans les chefs-lieux de région militaire, en l'occurrence Nantes, puis vers la section principale du contrôle de l’information, avant d’arriver à Vannes, à un kilomètre de la préfecture.

55 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du 3 novembre 1939. Pour éviter ce genre de mésaventures, Stéphane Faye demande au Commissariat général : « Peut-être les Centres d’Information et bureaux de censure pourraient-ils être gratifiés du Bulletin hebdomadaire. Peut-être Centres d’Information et bureaux de censure pourraient-ils constituer, en province, un service unique ».

56 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du  mois de février 1940, 4 mars 1940.

57 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du 24 février 1940.

58 Ibid.  S. Faye prend ici l'exemple de l'information « Libertés en France », diffusée sur la Radio nationale le 18 février alors que le Bulletin hebdomadaire n'est arrivé à Vannes que le lendemain.

59 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du 24 février 1940.

60 Ibid.

61 Ibid.

62 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, lettre n°10 295 du Commissariat général au Centre départemental du l’information du Morbihan, mars 1940, référence citée dans le rapport du mois d’avril 1940.

63 En effet, La Charte des devoirs professionnels des journalistes français est rédigée en juillet 1918 (révisée en janvier 1938). Quant à la loi Brachard, en créant de la carte de presse en 1935, elle donne un statut professionnel aux journalistes. « Loi du 29 mars 1935 relative au statut professionnel des journalistes », Journal officiel du la République française, 30 mars 1935, p. 3 595.

64 Sur ce point voir, DELPORTE, Christian, « Journalistes et correspondants de guerre » in AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane et BECKER, Jean-Jacques(dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre, op. cit.,  p. 263 et 264.

Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du 24 février 1940.

66 En effet, lors du précédent conflit, les arrêtés du 7 février 1917 et du 30 avril 1917 réduisent à quatre ou deux pages le tirage des journaux en fonction des jours. Arch. dép. du Morbihan, M 4786, courrier du sous-préfet de Lorient au préfet du Morbihan, 7 septembre 1917.

67 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du  mois de février 1940, 4 mars 1940.

68 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du  mois de mars 1940, 10 avril 1940.

69 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du  mois de mai 1940, 7 juin 1940.

70 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du  mois de mars 1940, 10 avril 1940. L’altercation entre Alexandre Cathrine et l’Amiral de Penfentenyo, en août 1939, explique également cette irritation. S’opposant à la suspension de son journal, Alexandre Cathrine est mis aux arrêts puis finalement acquitté en octobre par le tribunal militaire du XI1 Corps d’Armée. Sur ce point, voir, VAN MEEUWEN, Gil, L’aventure du Nouvelliste du Morbihan, Lorient, Université de Bretagne Sud, mémoire de maîtrise, sous la direction de Estienne, René, 2001, p. 42-43.

71 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du  mois de mars 1940, 10 avril 1940.

72 Propos du colonel Duhautois rapportés dans LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Mayenne, Joseph Floch Editeur, 1978, p. 27.

73 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le commissaire général à l’information aux préfets, 17 octobre 1939.

74 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le commissaire général à l’information aux préfets, 17 octobre 1939.

75 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport de fin d’année du Centre d’information du Morbihan, 3 janvier 1940.

76 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du 3 novembre 1939, et Arch. dép. du Morbihan, M 5207, note du Centre d’information au préfet du Morbihan, sans date (octobre 1939) : « il subira du fait de la guerre une diminution grave sur des pourcentages d’éditions qui oscillaient annuellement entre 4 000 et 8 000 francs ; il ne percevra aucun droit sur des textes inédits et reproductions de textes », soit une perte estimée par le préfet à « 12 000 francs ».

77 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, courrier du président de la section de contrôle des informations de Lorient au préfet du Morbihan, 7 septembre 1939.

78 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, courrier de Stéphane Faye au préfet du Morbihan, 8 juin 1940.

79 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, courrier Stéphane Faye au préfet du Morbihan, 3 avril 1940.

80 Ibid.

81 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le préfet au ministre de l’Information, 4 avril 1940.

82 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, projet de budget annuel par le préfet du Morbihan, 3 novembre 1939.

83 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le Centre d’information au Commissariat général de l’information, 25 septembre 1939 : « Si nous devons éditer nous-mêmes [des tracts], sur quels fonds devrons-nous compter ? Les préfectures ne disposent d’aucuns ».

84 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, note du Centre départemental du Morbihan au Commissariat général, 20 novembre 1939.

85 L’expression est utilisée par JACKSON, Peter, « Returning to the Fall France : recent Work on the Causes and Consequences of the Strange Defeat of 1940 », in Modern & Contemporary France, vol. 12, n°4, 2004, p. 530, cité par  MARCEAU, Guillaume, La propagande française, op. cit.,  p. 105.

86 Sur ce point, on se permettra de renvoyer à MARCEAU, Guillaume, La propagande française, op. cit., p. 105-114.

87 Archives nationales, F/41 16, note à l’attention de Jean Giraudoux, 8 septembre 1939, référence citée par MARCEAU, Guillaume, La propagande française, op. cit.,  p. 107.

88 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, le préfet du Morbihan au Commissariat général de l’information, 3 novembre 1939.

89 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport de fin d’année du Centre d’information du Morbihan, 3 janvier 1940.

90 « Gala des ‘‘Bons d’armement’’ », L’Avenir du Morbihan, 4 mai 1940, p. 2.

91 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du  mois de mai 1940, 7 juin 1940.

92 Ibid.

93 Arch. dép. du Morbihan, M 5207, rapport du  mois d’avril 1940, 9 mai 1940.

94 LOKO, Fabiola, « Mise en œuvre et limite de la propagande du régime de Vichy en Ille-et-Vilaine (10 juillet 1940 – 5 juillet 1944) »,  En Envor, revue d'histoire contemporaine en Bretagne, n°3, hiver 2014, en ligne.

95 « L’assemblée générale du Comité départemental antituberculeux », Le Progrès du Morbihan, 29 mars 1942, p. 2. « Séance du 11 décembre 1947 (procès-verbal) », Bulletin et mémoires de la société polymathique du Morbihan, 1947, p. 103.

96 « Stéphane Faye n’est plus », La Liberté du Morbihan, 18 novembre 1947, p. 3 et « Séance du 11 décembre 1947 (procès-verbal) », op. cit., p. 103.