7 août 1975, Pont-de-Buis : la poudrerie devenue poudrière

La chose militaire structure l’aménagement du territoire. Ainsi, ce sont bien des considérations guerrières qui amènent au percement du canal de Nantes à Brest dans la première moitié du XIXe siècle alors que cet outil est réclamé depuis l’Ancien régime. De la même manière, ce sont bien des réflexions d’ordre militaire qui placent des villes comme Saint-Malo ou Concarneau derrière des remparts et permettent la construction de casernes. A Pont-de-Buis, dans le Finistère, c’est l’installation d’une poudrerie, afin de répondre à d'évidents besoins militaires, qui fait vivre la commune et qui, fondamentalement, structure la vie politique locale. Mais cette proximité du civil et du militaire, si elle est un bienfait pour l’économie, fait aussi planer, comme une sorte d’épée de Damoclès, de nombreux risques sur la population.

Les dégâts provoqués par l'explosion du 7 août 1975. Musée de Bretagne: 986.0028.15624.

En 1974, la poudrerie de Pont-de-Buis emploie 530 personnes et produit 1 400 tonnes de poudre : 80% à destination civile, essentiellement pour la chasse, et 20% à des fins militaires. Bien entendu, les autorités ne sont pas sans ignorer les dangers qui accompagnent nécessairement de telles installations et, régulièrement, des exercices sont organisés afin de développer une certaine culture du risque. Mais les installations sont vétustes et les consignes pas toujours respectées… Dans la torpeur de cet été 1975, personne du reste ne semble trop s’en soucier. Il fait beau en ce 7 août et le thermomètre affiche 25 degrés lorsqu’à 13 heures 15, à l’heure du déjeuner, une explosion dévaste un séchoir à poudre, déclenchant une redoutable réaction en chaîne.

Au total, 12 tonnes de poudre explosent en l’espace de quelques secondes. La poudrerie de Pont-de-Buis n’est plus qu’une vaste zone de guerre, comme un champ de bataille ravagé par les combats. Les bâtiments sont volatilisés et l’on ne distingue plus que des cratères, dépressions signalant ce qui furent des fondations. La déflagration s’entend à plus de 40 kilomètres à la ronde et la population croit voir dans le nuage de fumées qui s’empare du ciel bleu un gigantesque champignon atomique. Le bilan humain est lui très lourd : trois ouvriers sont tués, 60 sont blessés et 21 Pont-de-Buisiens, personnes civiles ne travaillant pas à la poudrerie, sont atteints. Il est vrai que dans un rayon de 500 mètres autour de l’explosion, pas un toit, pas une fenêtre n’est indemne. Au total, près de 400 foyers subissent à des degrés divers des dégâts matériels. Et encore, sur le plan humain, le bilan aurait pu être beaucoup plus dramatique si l’accident était survenu quelques minutes plus tôt ou plus tard : à 13 h15, l’essentiel des ouvriers est à la cantine. Sans compter qu’en cette période estivale, nombreux sont les employés en congé.

L’enquête parvient à identifier les causes de l’accident. Alors qu’un cariste pose un caisson avec son engin de chargement, quelques innocentes étincelles sont provoquées par un frottement sur le sol. Malheureusement, en raison de l’entretien défectueux des locaux, subsistent des traces de poudre qui, immédiatement, explosent. Le corps du malheureux ouvrier, qui manœuvrait en marche arrière et n’avait donc pas les moyens de repérer les résidus au sol, est soufflé par la détonation tandis qu’un morceau de son chariot élévateur pesant 30 kilos est retrouvé à 200 mètres de l’accident. Cette distance à elle seule dit la violence de l’accident. Un témoignage évoque d’ailleurs une 2CV qui se serait littéralement envolée avec le souffle de l’explosion…

Les dégâts provoqués par l'explosion du 7 août 1975. Musée de Bretagne: 986.0028.15623.

Le drame choque d’autant plus la population que le bilan est lourd, très lourd, et que des manquements aux règles de sécurité sont avérés. Des leçons sont néanmoins tirées et de nouvelles normes imposées en ce qui concerne les quantités de production stockées sur un même site. De plus, les mesures de prévention et de protection sont renforcées. Il n’en demeure pas moins que le risque est permanent et inhérent à la vie de la commune. Aussi, lorsqu’en juillet 2014 une nouvelle explosion, blessant cette fois-ci trois employés, se produit en la poudrerie de Pont-de-Buis, chacun a en tête la journée du 7 août 1975.

Erwan LE GALL