La journée du 28 mai 1958 en Ille-et-Vilaine et la constitution de comités de vigilance antifasciste

Face au mouvement insurrectionnel algérois du 13 mai 1958 lancé par les généraux français qui demandent un nouveau régime et appellent Charles de Gaulle au pouvoir, les autorités administratives métropolitaines, craignant une menace directe sur la République, renforcent les mesure de sécurité au sein du territoire. On voit donc que le souvenir du 6 février 1934 et de la montée des ligues n’est pas que le fait des opposants au général de Gaulle, il imprègne également l’action des autorités.

Rennes, la place de la gare à la fin des années 1950. Carte postale. Collection particulière.

C’est également le cas en Ille-et-Vilaine, bien que les risques d'un soutien à la révolte des généraux dans le département soient moindres. En effet, l'interpellation du Comité de salut public d'Alger afin de défendre la politique du général de Gaulle n'a aucune résonnance dans le département. Les Renseignements généraux font état du « sang-froid de la population », malgré son « attachement au régime républicain ». Mieux, ils indiquent que la population résidant en Ille-et-Vilaine a pris peur après ce fameux 13 mai 1958, se ruant alors sur le poste radio pour suivre les événements. Mais cette réaction est de courte durée1.

Dans le calme général, la population d'Ille-et-Vilaine s'organise en comités de vigilance contre le « renversement » du pouvoir civil par les militaires. Dès le 14 mai 1958, le PCF annonce la tenue d'un meeting contre « les événements d'Alger » : Deux cents personnes y assistent et signent une motion demandant la mise hors-la-loi du général Massu. Le « Comité de défense des institutions démocratiques et républicaines » créé par les organisations politiques et syndicales ainsi que le « Comité de vigilance antifasciste » sont très actifs à Rennes comme à Saint-Malo : ils planifient de nombreuses réunions et renouvellent leur confiance dans le gouvernement légitime.

Ces comités bretons participent d'ailleurs à la journée du 28 mai 1958 : une grande manifestation qui regroupe cinq mille personnes à Rennes, demandant la constitution d'un « gouvernement de défense républicaine ». Cette journée d'action est suivie, deux jours plus tard, par la grève et la manifestation des enseignants pour la « défense des libertés républicaines », mouvement largement suivi à Rennes. Enfin, de nombreuses motions de censure sont déposées, notamment à la préfecture d'Ille-et-Vilaine, refusant le pouvoir personnel et le retour du général de Gaulle.

Rennes, la place de la République à la fin des années 1950. Carte postale. Collection particulière.

Malgré cette activité réelle, il n’en demeure pas moins que ce mouvement ne prend pas d'autre ampleur, ne parvient pas à se développer et prend fin une fois le danger militaire écarté. Ce faisant, il constitue un passionnant objet d’histoire. Certes, à l’instar du Finistère, L’Ille-et-Vilaine constitue en 1958 un département que l’on peut qualifier de « tranquille ». Mais il n’en demeure pas moins que cette année y est aussi vécue intensément, gravement, révélant les ondes bretonnes de choc des séismes déclenchés à Alger puis Paris2.

Charlène DROGUET

 

 

1 Arch. dép. I&V : FRAD035 510 W 3,  Fonds de la préfecture – Cabinet du préfet, « Rapport des RG d’Ille-et-Vilaine, 21/06/1958 », FRAD035 510 W 3,  Fonds de la préfecture – Cabinet du préfet.

2 Pour de plus amples développements on renverra à DROGUET, Charlène, « Algérie : l’Ille-et-Vilaine est-elle en guerre ? », in LE GALL, Erwan et PRIGENT, François, C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France, Rennes, Editions Goater, 2018.