Tanguy Prigent en 1958. L’opposant socialiste au général de Gaulle.

Député SFIO de Morlaix depuis 1936, chef régional du mouvement de Résistance Libération-Nord, ministre de l’Agriculture de 1944 à 1947, Tanguy Prigent, l’ancien petit fermier de Saint-Jean-du-Doigt (Finistère), est une importante personnalité socialiste. Ami proche de Guy Mollet, le secrétaire général de la SFIO, Tanguy Prigent est nommé ministre des Anciens combattants en 1956 après la victoire électorale du Front républicain, un poste qui ne l’intéresse guère. Accompagnant le président du Conseil en Algérie lors de la désastreuse « journée des tomates » à Alger le 6 février 1956 – Guy Mollet est conspué –, Tanguy Prigent n’en soutient pas moins sans état d’âme la politique du chef du gouvernement qui intensifie la guerre d’Algérie. Mais, il semble que le bombardement de Sakhiet en Tunisie (8 février 1958) ébranle quelque peu ses certitudes.

Tanguy Prigent, au milieu, en visite à Plounévézel, dans le Finistère, dans els années 1950. Archives municipales Plounévézel.

La crise du 13 mai 1958 modifie radicalement son positionnement politique. Ferme défenseur de « la légalité républicaine », il appuie le gouvernement Pflimlin contre l’émeute algéroise et est favorable, au sein des instances socialistes, à l’appel à la classe ouvrière pour « Défendre la République » et les libertés républicaines contre « les factieux ». C’est ce qu’il explique le 19 mai dans un article publié par Le Monde et dans Le Populaire, le jour de la conférence de presse du général de Gaulle à Paris.Il écrit au général de Gaulle, son ancien chef de gouvernement, pour lui indiquer qu’il refuse les conditions dans lesquelles son retour est en train de s’opérer, concluant : « mon exigence consciente de républicain me commande impérativement de monter sur la barricade pour contribuer à vous barrer la route du pouvoir ».

Dans les jours qui suivent, hanté par le souvenir des putschistes franquistes et de la guerre civile espagnole, Guy Mollet se rallie à de Gaulle acceptant même d’entrer dans son gouvernement comme ministre d’État. Le 28 mai 1958, le Finistérien est en tête du cortège parisien (environ 150 000 personnes), avec les leaders de la gauche qui tentent encore de défendre le régime. Le 1er juin 1958, lors du débat d’investiture du général de Gaulle, comme François Mitterrand et Pierre Mendès France, Tanguy  Prigent prend la parole au nom des opposants socialistes ; Maurice Deixonne défend la position des partisans. Tanguy Prigent ne met pas en cause la personne du général de Gaulle mais l’homme qui s’est refusé à condamner les factieux : il rejette « l’homme providentiel, l’homme miracle » et le pouvoir personnel. 43 députés SFIO votent contre l’investiture de De Gaulle, 42 pour et 3 s’abstiennent.

Profession de foi de Tanguy Prigent pour les élections législatives de 1958. Archives du CEVIPOF.

 Le 15 juillet 1958, soutenu par la fédération socialiste du Finistère dont il est secrétaire fédéral, Tanguy Prigent démissionne du comité directeur de la SFIO mais il ne va pas jusqu’à rejoindre le nouveau Parti socialiste autonome (PSA) à l’issue du congrès d’Issy-les-Moulineaux à la mi-septembre. Sa rupture, douloureuse, avec Guy Mollet est consommée durant l’été. Dans sa fédération désormais divisée, Tanguy Prigent fait campagne pour le non au référendum et est battu aux élections législatives de novembre 1958.

 

 

Christian BOUGEARD

 

Pour de plus amples développements, on se rapportera à BOUGEARD, Christian, Tanguy Prigent, paysan ministre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002.