Albert De Mun : la Bretagne comme tremplin politique

Les noms de rues seraient de précieux indicateurs qui permetteraient de mesurer la popularité d’un homme, plus rarement il faut bien l’avouer d’une femme, auprès de ses contemporains. Pourtant, trop souvent, les usagers ignorent tout de celui ou de celle dont la voie porte le nom. C’est sans nul doute le cas d’Albert de Mun1. Or, l’académicien a été l’un des principaux penseurs de son temps, ainsi qu'un homme politique de premier plan. Une réussite, qu'il doit en grande partie à la Bretagne.

Albert de Mun. Carte postale (détail). Collection particulière.

Issu d’une illustre famille de la noblesse française, Albert de Mun naît le 28 février 1841 à Lumigny en Seine-et-Marne. Très tôt, le jeune homme décide de rejoindre Saint-Cyr et entame une carrière militaire. Sous l’uniforme, il connaît le déshonneur de la défaite contre la Prusse durant laquelle il est, de surcroît, fait prisonnier. C’est donc en captivité qu’il découvre, impuissant, les échecs militaires de Louis-Jules Trochu aux abords de Paris. De cette période, il reste également marqué par l’insurrection parisienne de 1871. Il tente alors d’apporter sa réponse à la « question sociale » en prenant part, dès son retour en France, à la fondation des cercles catholiques ouvriers2.

Monarchiste et catholique convaincu, Albert de Mun quitte l’uniforme en 1875 pour se consacrer à la politique. Dès l’année suivante, il se présente aux élections législatives dans le Morbihan où, mettant en avant ses convictions religieuses, il assure être un « soldat de l’église catholique », et affirme que son « drapeau est le drapeau de la croix, et [s]es défenseurs sont les serviteurs de Dieu »3. Profitant des « encouragements » du pape et du soutien, non négligeable, de l’archevêque de Paris et de l’évêque de Vannes, il est facilement élu au deuxième tour4. Cette victoire est la première d’une longue série qui ne s’achève qu’en 18935. Il ne met toutefois pas longtemps avant de rebondir. Dès l’année suivante, il profite d’une réélection partielle dans le Finistère pour retrouver sa place sur les bancs de l’Assemblée nationale. Le département breton devient son nouveau fief électoral. Il s’y fera réélire pendant près de vingt ans.

Durant les quarante années qu’il passe au Palais Bourdon, il n’a de cesse de défendre le « catholicisme social », refusant de laisser à la gauche le monopole de la question ouvrière. Cette longue carrière lui permet d’assister aux premières loges aux multiples bouleversements politiques de son temps : il clame la culpabilité de Dreyfus 1894, s’oppose avec virulence à la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905… Mais la consécration de sa carrière, il l’a doit certainement à sa nomination à l’Académie française, en 1897, en remplacement du Lorientais Jules Simon6.

Carte postale. Collection particulière.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, le Président de la République Raymond Poincaré lui demande de le suivre jusqu’à Bordeaux, où le gouvernement s’est exilé. Le 6 octobre 1914, après avoir dîné en famille, il s’effondre brutalement, victime d’une crise cardiaque. Sa mort ne reçoit probablement pas un écho à la mesure de sa carrière. Du fait des restrictions de papier, les rédactions ne lui réservent qu’un court article nécrologique comme le regrette L’Ouest-Eclair7. Le quotidien catholique s’excuse même auprès de ses lecteurs et avance que « les circonstances de l’heure présente ne [lui] permettent pas de consacrer à l’illustre mort de longues pages bibliographiques »8.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

1 Plusieurs rues portent son nom en France (Meudon, Nantes, Bordeaux, Brest…) dont une avenue du 16e arrondissement de Paris.

2 « Mun, Adrien-Albert-Marie, Comte de », in BOURLOTON, Edgar, COUGNY, Gaston et ROBERT, Adolphe (dir.), Dictionnaire des Parlementaires, Paris, Bourloton, tome 4, 1891, p. 456.

3 « M. Albert de Mun adresse aux catholiques un dernier appel », Journal du Morbihan, 18 février 1876, p. 2.

4 « Mun, Adrien-Albert-Marie, Comte de », Bourloton, Edgar, Cougny, Gaston et Robert, Adolphe (dir.), op. cit., p. 456.

5 A l’exception d’une courte interruption entre le 16 décembre 1878 et le 21 août 1881.

6 « Le comte Albert de Mun », L’Arvor, 13 avril 1897, p. 2.

7 « Mort de M. de Mun député du Finistère », La Dépêche de Brest, 7 octobre 1914, p. 1 ; « Mort de M. de Mun », L’Ouest-Eclair, 7 octobre 1914, p. 1 ; et «  Mort du comte de Mun », Le Nouvelliste du Morbihan, 8 octobre 1914, p. 1.

8 « Mort de M. de Mun », L’Ouest-Eclair, 7 octobre 1914, p. 1.