Une riche exposition

C’est en grandes pompes et devant de nombreuses autorités civiles et militaires qu’a été inaugurée hier à Vannes l’exposition Les Morbihannais dans la guerre 14-18 conçue par les Archives départementales. Nous avons pu profiter de quelques instants de calme avant ces festivités pour la visiter  et vous livrer nos impressions à propos de cette exposition  dont nous attendions beaucoup, et ce pour au moins trois raisons.

Une scénographie travaillée. Cliché E. Le Gall.

D’abord parce que le Morbihan est probablement l’un des départements bretons les plus singuliers de ce conflit. Outre ses garnisons, Lorient et Vannes principalement, le camp de Coëtquidan, dont l’histoire pendant la guerre fut l’objet d’une communication par Michaël Bourlet au récent colloque La Grande Guerre des Bretons, confère nécessairement un statut particulier au Morbihan. De plus, ajoutons que la guerre sous-marine y est certainement plus intense qu’en Bretagne-nord où le niveau d’eau de la Manche, surtout à mesure que l’on se rapproche du fond de la baie de Mont-Saint-Michel, constitue une limite sérieuse à l’action des sous-marins allemands. L’exposition le rappelle d’ailleurs très bien en présentant une belle cartographie des navires coulés au large des côtes morbihannaises, certaines de ces épaves offrant par ailleurs de très appréciés terrains de jeux aux plongeurs, de l’accessible Nann Smith au beaucoup plus sélectif Elisabethville. Enfin, ajoutons que nous étions avides de visiter cette exposition à la lumière du récent Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine, gigantesque ouvrage collectif regroupant sous la direction d’Eric Joret et Yann Lagadec une cinquantaine d’auteurs1.

L'expérience combattante. Cliché E. Le Gall.

Inutile de faire durer inutilement le suspens, nous avons été séduits par ce que nous avons vu et ne pouvons que conseiller le détour par les Archives départementales du Morbihan pour voir, jusqu’au 26 juin 2015, ces Morbihannais dans la guerre 14-18. Le propos est structuré de manière cohérente, ce qui n’était sans doute pas gagné d’avance lorsque l’on songe aux contraintes imposées par les lieux, tandis que la scénographie est moderne et semble-t-il, à en juger du moins par les réactions observées hier, performante. Classiquement, l’exposition propose d’entrer dans le conflit par l’intermédiaire de trois principaux témoins et offre au visiteur un serpentement chronologico-thématique : les années d’avant-guerre et la forge du citoyen, la guerre à l’arrière, la guerre maritime, l’expérience combattante et, pour finir, la mémoire.

Des bornes tactiles permettent aux visiteurs certains approfondissements et proposent notamment à partir d’une cartographie interactive une riche plongée dans la galaxie des établissements de santé créés dans la Morbihan. De même, il est possible d’entendre des témoignages lus pour se plonger au plus près de l’expérience combattante et de visionner des photographies stéréoscopiques des tranchées. De surcroît, précisons pour que le propos soit complet que l’exposition est prolongée par un catalogue dont nous n’avons malheureusement pas pu être encore destinataires.

Des bornes interactives viennent enrichir le propos. Cliché : E. Le Gall.

Mais c’est surtout certains objets présentés  lors de cette exposition qui, à notre humble avis, justifient le plus le déplacement. Les amateurs de militaria seront nécessairement séduits par le sabre du général de Langle de Cary, régional de l’étape qu’il eut été inconcevable d’ignorer, ou encore par un authentique fusil de bataillon scolaire et sa munition en bois. Pour notre part, un objet a tout particulièrement retenu notre attention. Véritable miracle de conservation si l’on songe quelques instants à la fragilité du papier qui le constitue, il s’agit d’un plateau servant à jouer au Tacticien, jeu qui offre la victoire à celui ou celle qui parvient à prendre la ville de Reims, sous-entendu à la délivrer de l’occupation allemande. Il s’agit là d’une pièce d’un grand intérêt pour quiconque s’intéresse à l’histoire culturelle du premier conflit mondial. En effet, comment ignorer la puissance symbolique de ce jeu lorsque l’on sait le poids de Reims dans les représentations mentales de l’époque et que le brevet est déposé en novembre 1914, soit quelques semaines seulement après l’incendie de la célèbre cathédrale ? Et c’est là sans doute que ce Tacticien interpelle le plus : quel décalage entre la naïveté de cette représentation enfantine et l’intensité des combats qui se déroulent en ces lieux à l’automne 1914 ! Particulièrement frappante est à cet égard la case du fort de la Pompelle lorsque l’on sait que c’est à coup de 75 pointé à bout portant dans la tranchée adverse que l’on se bat2. A lui seul, ce passionnant petit plateau de jeu nous semble justifier la visite de cette très riche exposition qui, gageons-le,  ne manquera pas de faire l’unanimité.

Erwan LE GALL

 

1 JORET, Eric et LAGADEC, Yann (dir),Hommes et femmes d'Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Conseil général d’Ille-et-Vilaine / Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, 2014.

2 Pour plus de détails on se permettra de renvoyer à détaillée LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre. Le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo au combat (août 1914 – juillet 1915), Talmont-Saint-Hilaire, éditions CODEX, 2014.