Des archives à grande vitesse ?

Prendre le train permet, bien entendu, de se déplacer. Mais prendre le train c’est également partir à la découverte des territoires et de leurs histoires. Comment, en effet, ne pas s’émerveiller en découvrant l’architecture d’une vieille gare, l’orfèvrerie d’un ouvrage d’art enjambant une vallée ou une rivière, la puissance formidable d’une antique locomotive à vapeur ? En mettant à disposition près de 1 400 documents d’archives sur la ressource Sncf Open Archives, la SNCF offre la possibilité aux historien.nes, aux généalogistes, aux passionné.es, et autres curieux.ses, de se replonger dans la fabuleuse histoire des chemins de fer : de la construction des premières lignes jusqu’à l’arrivée du TGV, en passant par le rôle primordial des trains durant les guerres.

Carte postale. Archives de la SNCF: CP_GUER_1. On profitera de l’occasion pour indiquer la carte postale n’est pas  bien légendée puisque datée de 1914. Or les soldats qui sont figurés ici sont dotés de l’uniforme bleu-horizon, apparaissant au cours de l’année 1915.

Il faut dire que la SNCF possède de nombreux trésors qui, jusqu’à peu, étaient uniquement consultables aux Archives historiques de la SNCF au Mans. Ses collections remontent en effet le temps bien au-delà de sa propre création en 1937, certaines archives datant du milieu du xixe siècle. Certes, les documents numérisés sur ce site ne représentent qu’une infime partie de ce trésor mais la SNCF promet la mise en ligne régulière de nouvelles sources.

La plateforme est d’autant plus séduisante qu’elle réunit une grande variété d’archives (papier, audio et vidéo…). On y trouve aussi bien des plans – comme celui du « bâtiment des voyageurs de 1e classe et halle aux marchandises, applicable aux stations de Plomodiern, Ploéven et Crozon-Morgat (1913) » – que de magnifiques brochures illustrées comme celle présentant les principaux lieux touristiques de la Bretagne en 1938.

La navigation sur le site est plutôt agréable. L’internaute pourra, à sa guise, utiliser le moteur de recherche ou alors se laisser orienter par les trois thématiques proposées : « Le tourisme ferroviaire », « Du train à vapeur au TGV : les innovations » et « Au cœur des gares ». Enfin, il convient de mentionner la possibilité de faire apparaître les résultats de la requête posée au site sur une carte de France afin de ne retenir que les références que l’on souhaite consulter. Cette option facilite grandement la recherche pour celui ou celle qui s’intéresse à l’histoire d’une zone géographique délimitée.

Finalement, notre seul regret est de n’y trouver, pour l’instant, que peu de documents concernant la Bretagne. Cette situation nous parait d’autant plus regrettable qu’il y a là un prisme des plus opérants pour l’historien.ne de la Bretagne. Il n’est semble-t-il pas nécessaire d’insister ici sur la liaison intime qui existe entre développement du réseau ferroviaire et époque contemporaine, y compris au sein de la péninsule armoricaine. Le chemin de fer relie Saint-Nazaire à Paris en 1857 et Brest, pourtant éminemment stratégique du fait de son port militaire, en 1865. Il en résulte une compression des distances, une réduction de l’espace, qui ne fait que dilater le champ des possibles. Ainsi, alors qu’il faut quasiment une journée de trajet pour relier, par voiture hippomobile, Nantes à Paris en 1850, ce trajet ne nécessite 20 ans plus tard que 9 heures de train. On comprend dès lors combien l’émigration vers Paris, y compris temporaire, s’en trouve facilitée. De même, dans le second XXe siècle, comment comprendre les déséquilibres territoriaux qui traversent la Bretagne sans s’intéresser aux vieilles lignes de chemin de fer, délaissées au profit du TGV ?

Déroulage de câbles de télécommunications lors de l'électrification de la section Le Mans - Rennes, 1962.

Pour celles et ceux qui souhaiteraient approfondir leurs recherches ferroviaires, en attendant que se développe ce site au potentiel très intéressant, on rappellera que les archives départementales (et municipales) possèdent également de nombreuses archives, principalement produites par les services des Ponts et Chaussées1, et dont le contenu est parfois similaire (plans, affiches…) et bien souvent complémentaire (gestions des grèves, analyses de projets…). Ce, sans évoquer la richesse inégalée des Archives historiques de la SNCF au Mans, dont la visite demeure incontournable.

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 Essentiellement mais pas exclusivement. Il convient en effet de consulter les archives produites par le cabinet du préfet, par la police (surveillance)…