L’Auto : l’incontournable de la presse sportive

Au début du XXe siècle, le sport connaît à travers le monde un développement spectaculaire. En France, comme en Bretagne, chaque discipline rencontre un public de plus en plus nombreux même si l’implantation de certains pratiques, on pense notamment au basketball, est parfois plus délicate que ce ne veut bien suggérer la vulgate mémorielle. Le sport devient dès lors, au-delà d’une simple compilation de résultats et de palmarès, un sujet véritablement légitime pour la recherche historique. Or ce champ peut aisément s’appréhender grâce à la presse. En situation de monopole pendant près de 40 ans, L’Auto constitue notamment une source incontournable pour celles et ceux qui souhaitent écrire l’histoire du sport breton.  

Carte postale. Collection particulière.

La naissance du célèbre quotidien, en 1900, tient presque du hasard. Elle est en effet la conséquence directe de l’affaire Dreyfus qui divise la société française. Alors que Le Vélo domine sans partage la presse sportive, son directeur, Pierre Giffard, décide d’en faire une tribune où il défend ouvertement l’officier français. Cette soudaine intrusion du politique n’est pas du goût de tous les collaborateurs de Pierre Giffard, ni de ses annonceurs. Mécontents, Jules-Albert de Dion, Adolphe Clément et Edouard Michelin confient le soin à Henri Desgrange de fonder un journal concurrent. Ce dernier est baptisé L’Auto-Vélo.

Le premier numéro, qui sort le mardi 16 octobre 1900, promet de chanter « chaque jour la gloire des athlètes » grâce aux « 542 correspondants qui, de province et de l’étranger, ont applaudi à notre programme »1. Malgré un intitulé restrictif, le quotidien souhaite faire la part belle à tous les sports, sans exception, à savoir « automobile, cyclisme, athlétisme, yachting, aérostation, escrime, hippisme, etc ». Preuve du développement fulgurant de certaines disciplines, le football, qui connaitra ses premières heures de gloires quelques années plus tard, est encore réduit à un vulgaire « etc ».

Face à un concurrent solidement installé, L’Auto-Vélo peine à trouver son lectorat. Pire, à la suite d’un procès intenté par Pierre Giffard, le journal subit l’humiliation d’abréger son titre en L’Auto2. Henri Desgrange ne se laisse pas abattre pour autant. Géo Lefèvre, le chef de la rubrique cyclisme, lui suggère de créer une épreuve surclassant toutes celles qui existent à l’époque. Ancien cycliste de haut-niveau, le rédacteur en chef se laisse facilement convaincre. Il lance, en juillet 1903, une course qu’il va façonner pendant près de 40 ans : le Tour de France. Le succès populaire de l’épreuve est immédiat. Le tirage de L’Auto ne cesse de croitre et, 18 mois plus tard, le quotidien parvient à faire plier Le Vélo qui, impuissant, décide d’abandonner le combat. L’Auto n’a désormais plus de concurrents sur le marché de la presse sportive.

La une de L’auto du 1er juillet 1903 annonçant le départ de la première édition du Tour de France. Collection particulière.

De portée internationale, L’Auto n’en demeure pas moins une source précieuse pour étudier le sport breton. Au-delà des résultats, il permet également de voir comment la presse parisienne véhicule un certain nombre de stéréotypes sur les sportifs régionaux. Bien entendu, L’Auto ne doit pas être une source exclusive. D’autres journaux méritent également d’être consultés à commencer par Paris-Soir. Dans les années 1930, ce dernier titre joue d’ailleurs un mauvais tour au quotidien sportif en publiant dans la soirée, soit avec plusieurs heures d’avance, les résultats sportifs de la journée. Le journal parisien lutte également avec des armes similaires puisqu’il n’hésite pas à créer ses propres évènements sportifs à l’image du redoutable Manche-Océan entre Paimpol et Auray. La presse locale offre de son côté un regard plus fin en proposant des résultats qui n’ont pas toujours vocation à trouver leur place au sein des journaux nationaux. Enfin, pour la qualité de ses reportages photographiques, le chercheur pourra se diriger sans hésitation vers l’hebdomadaire Le Miroir des Sports.

Pour en revenir à L’Auto, il continue de paraître sous l’Occupation, ce qui lui vaut d’être interdit à la Libération. L’interruption n’est cependant que de courte durée. Henri Desgrange étant décédé au début de conflit, c’est son ancien collaborateur, Jacques Goddet, qui va entreprendre de relancer le journal. Il porte désormais le nom de L’Equipe.

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 « Notre programme », L’Auto-Vélo, 16 octobre 1900, p. 1.

2 « Editorial », L’Auto, 16 janvier 1903, p. 1.