Le Moniteur des Côtes-du-Nord, un titre familial en perpétuelle évolution

Le dernier quart du XIXe siècle correspond assurément à l’âge d’or de la presse écrite. Presque chaque préfecture, sous-préfecture ou chef-lieu de canton dispose d’un ou parfois même plusieurs titres. Ces différents journaux sont autant d’organes de presse exprimant la diversité des opinions. Certains titres connaissent un rayonnement régional et une postérité certaine :  L’Ouest-Eclair, le quotidien rennais d’obédience démocrate-chrétienne et La Dépêche de Brest, son concurrent finistérien acquis au radicalisme. D’autres titres de moindre envergure n’en ont pas moins un fort ancrage départemental, comme Le Nouvelliste du Morbihan ou Le Moniteur des Côtes-du-Nord.

La une du Moniteur du 1er janvier 1938, consultable sur le site  des Archives départementales des Côtes-d’Armor.

Ce journal voit le jour le 9 juillet 1870, deux mois avant la proclamation de la Troisième République. Basé au 4, de la rue Saint-Gilles à Saint-Brieuc, dans les Côtes-du-Nord donc, il paraît tous les samedis. Son fondateur est l’imprimeur Francisque Guyon, né le 4 octobre 1836 à Saint-Brieuc dans une famille d’imprimeurs-libraires originaires du Finistère. Après avoir repris l’entreprise familiale en 1857, il fonde donc en 1870 un « journal d'annonces, littéraire, agricole, industriel et commercial » qui se veut indépendant politiquement. Le Moniteur des Côtes-du-Nord est une vraie saga familiale puisqu’à la mort de Francisque Guyon le 30 janvier 1917, c’est son fils – prénommé Francisque lui aussi – qui devient le directeur de la publication. En 1930, le directeur est une directrice en la personne de « Mme Francisque Guyon ». La féminisation des postes de direction a donc ses limites…

Au cours des premières années de parution, Le Moniteur des Côtes-du-Nord n’est pas éditorialisé. On y trouve pêle-mêle dès la une : les résultats des concours agricoles du département, les résultats des courses hippiques, la programmation du théâtre de Saint-Brieuc, la liste des prix de ventes des céréales sur les marchés du département, des annonces légales, ou le « bulletin des ventes ». Dans l’édition du 17 novembre 1872 est publié in extenso un « message du président de la République », Adolphe Thiers1.

Progressivement, on trouve quelques informations générales dans la rubrique « Nouvelles de Bretagne ». Une quinzaine d’années après le début de sa parution, le journal briochin est imprimé à 6 000 exemplaires. Le Moniteur est étoffé des « chroniques hebdomadaires » des débats à l’Assemblée nationale. Des dialogues entre parlementaires y sont retranscrits. Au cours de la première décennie du XXe siècle, le titre est enrichi de divers suppléments plus ou moins éphémères : Supplément illustré, Petit Moniteur, et Grand Illustré. A partir des années 1910, le tirage approche les 25 000  exemplaires et le contenu du journal évolue. Pendant quelques années, le sous-titre change pour devenir « le journal hebdomadaire absolument indépendant du département et des Bretons émigrés ». La ligne éditoriale est conservée, mais est plus affirmée politiquement. De plus on constate le souci de conserver un lien avec la diaspora bretonne qui se dissémine à Paris ou au Havre notamment. Un souhait qui n’est pas totalement étonnant quand on sait que les Côtes-du-Nord sont  le département le plus frappé par l’émigration. Dans l’entre-deux-guerres, la rédaction prend de l’ampleur, avec notamment à sa tête le journaliste et romancier briochin Paul Beaufils.

Le supplément illustré du Moniteur des Côtes-du-Nord, que l’on peut consulter sur Gallica, fait la part belle aux dessins qui attirent l’œil du lecteur et encouragent l’acte d’achat. Ici, la collision entre deux navires sur la Seine, en une de l'édition du 8 avril 1900.

Le journal continue de paraître sous l’Occupation. Il disparait donc à la Libération, après un dernier numéro le 12 août 1944 qui proclame que « la Bretagne n’est plus le joug de l’oppresseur ». C’est la fin d’une grande aventure de presse et d’une source qui, pour les historiens ou les généalogistes, offre une masse considérable d’informations concernant Saint-Brieuc  et le département des Côtes-du-Nord2.

Thomas PERRONO

 

 

 

 

1 AD22, JP 58. « Message du Président de la République », Le Moniteur des Côtes-du-Nord, 17/11/1872, pp. 1-3, en ligne.

2 Les archives départementales des Côtes-d’Armor conservent une grande partie de la collection des archives du Moniteur des Côtes-du-Nord sous la cote JP 58. Celles-ci sont disponibles en ligne. Les suppléments illustrés du Moniteur peuvent ête consultés sur Gallica, le site de la Bibliothèque nationale de France.