Passionnant Griffon !

La commune est un échelon essentiel de la vie des sociétés et, logiquement, leurs archives sont d’une grande richesse pour les chercheurs, qu’ils soient historiens ou généalogistes. Le cadastre ou les délibérations des conseils municipaux en sont d’éclatantes preuves. Mais il est une autre source, moins connue, qui est également très riche pour qui s’intéresse à la vie d’une localité précise : le journal municipal. Et cela tombe bien car les Archives municipales de Saint-Brieuc proposent depuis peu la consultation gratuite et en ligne des 250 premiers numéros du Griffon, le magazine communal du chef-lieu du département des Côtes-du-Nord, aujourd’hui Côtes d’Armor.

Dans le 33e numéro du Griffon. Archives municipales de Saint-Brieuc.

Le premier « bulletin municipal d’information » de Saint-Brieuc est publié à l’été 1965. « Diffusé gratuitement pour favoriser l’essor et le renom de notre ville », ce premier Griffon, du nom de cette créature légendaire qui est aussi l’emblème de la ville, est non seulement une initiative du maire Yves Le Foll mais la réalisation d’une promesse de la campagne victorieuse de l’édile tout juste élu. Celle-ci est d’ailleurs présentée comme une grande avancée :

« Nous considérons en effet qu’une vraie démocratie suppose un contrôle permanent des électeurs sur l’activité de leurs élus. Ce bulletin leur permettra, non seulement d’être tenus au courant des réalisations, mais encore de suivre l’élaboration des projets pour pouvoir, individuellement ou par leurs organisations, nous faire part en temps utile de leur observations, de leurs suggestions, de leurs critiques. »

Plus de cinquante ans après qu’elles soient écrites, ces lignes candides font aujourd’hui sourire tant il est vrai que ce type de bulletin est avant tout un élément de marketing politique, pour ne pas dire de propagande municipale. C’est donc avec un regard particulièrement critique qu’il convient de lire ce Griffon, de même que l’ensemble des publications du même ordre.

Pour autant, il n’en demeure pas moins que l’initiative des Archives municipales de Saint-Brieuc doit être largement applaudie tant ce bulletin communal est riche. Loupe particulièrement puissante permettant d’observer la vie politique locale, le Griffon comporte une partie magazine qui se révèle d’un grand intérêt. C’est ainsi par exemple que le n°2 propose en 1966 un passionnant historique de la société de gymnastique et de tir La Bretonne1, que le numéro 3 s’intéresse pour sa part au Stade briochin, quelques semaines seulement après un remarquable parcours en Coupe de France de football, que le numéro 24 publie un instructif historique de la caserne Charner ou que le numéro 72 sorti en 1985 rappelle l’histoire du grand orgue de la cathédrale. L’iconographie, si elle n’est pas dans les premières années nécessairement très riche, est néanmoins particulièrement intéressante tant elle permet de suivre l’évolution de certains quartiers de la ville et rues pas nécessairement photographiés par les éditeurs de cartes postales.

Photographie de la rue du 71e régiment d'infanterie avant son élargissement publiée dans Le Griffon en 1969. Archives municipales de Saint-Brieuc.

En définitive, le Griffon se révèle être une source d’une grande richesse, une archive qui doit être consultée par toute personne s’intéressant à Saint-Brieuc. Les thématiques qui y sont abordées sont innombrables et, plus intéressant encore, ce bulletin communal permet parfois de faire le lien entre la vie du chef-lieu du département et certains éléments nationaux. C’est ainsi par exemple que le dixième numéro du Griffon paraît avec plusieurs semaines de retard, « du fait des évènements qui, en ce mois de mai 1968, ont bouleversé notre pays ». Une anecdote qui à elle seule dit tout l’intérêt qu’il y a à porter aux magasines communaux.

Erwan LE GALL

 

1 Le propos n’est d’ailleurs pas sans parfois interpeller tant il parait par bien égards dépassé sur le plan historiographique. C’est ainsi qu’on peut lire dans cet historique : « Les gars de La Bretonne, tireurs d’élite, rompus aux exercices du corps, aux marches d’épreuve, à l’école du combat, devaient payer leur tribut à l’holocauste de 1914-1918, que ce fût dans la guerre de mouvement ou dans les tranchées de l’Argonne, de la Somme, de Verdun… ».