Pour faire ses premiers pas aux archives

Dans un monde qui ne parait plus franchement valoriser le savoir et la connaissance, sacrifiés au profit de l’émotion, le monde de la culture et plus encore de l’histoire et des archives peut effrayer, voire rebuter. C’est d’ailleurs précisément pour les démystifier et les rendre accessibles au plus grand nombre que nous animons, au quotidien, votre site En Envor. Aussi, nous ne pouvions qu’être intrigués par l’ouvrage que Yann Guillerm publie chez Archives & Culture, petit outil de travail sobrement intitulé « Retrouver ses ancêtres bretons »1.

A Douarnenez en octobre 1945, un mariage. Collection particulière.

Prioritairement destiné à celles et ceux qui souhaitent démarrer leur généalogie, ce guide servira aussi aux personnes désireuses de se lancer dans une monographie communale. On y trouve en effet de nombreux détails pratiques indispensables, à commencer par les coordonnées des différents services conservant des sources : archives départementales (p. 108-109) mais aussi communales ou encore diocésaines, fonds trop souvent ignorés et qui pourtant peuvent se révéler fort utiles.

Bien fait et bénéficiant d’une mise en page plaisante, l’ouvrage détaille tout un ensemble de documents pouvant être exploités dans le cadre de recherches : actes d’état-civil bien entendu mais également documents militaires (p. 29), listes nominatives de recensements (p. 54-55), archives cadastrales (p. 48-49) et judiciaires (p. 68-69) ou encore la presse ancienne. Les photographies ne sont pas oubliées et font l’objet d’une double page (p. 30-31) présentant quelques astucieux conseils méthodologiques : bien analysé, un cliché peut en effet permettre une datation, une identification précise d’un lieu… Très pédagogiques, les textes répondent à quelques questions essentielles qui pourront paraître de peu d’intérêt aux habitué.e.s mais qui sont néanmoins essentielles pour les débutant.e.s. Ainsi, où chercher les informations que l’on souhaite découvrir ? (p. 33) De même, on ne peut que souligner l’intérêt de certains conseils délivrés, comme bien noter la cote des archives consultées (p. 32).

Un aspect qu’il faut également saluer concernant ce manuel est qu’il ne se limite pas à une Bretagne étriquée à cinq départements mais qu’il permet de resituer la péninsule armoricaine en termes de flux de populations. Ainsi, Yann Guillerm se propose d’aider ses lecteurs à partir sur les traces d’ancêtres « étrangers » ayant fait souche en Bretagne mais aussi sur celles de Bretons partis s’établir en région parisienne (p. 91), au Havre ou encore à Jersey ou en Amérique-du-Nord (p. 94-95).

Carte postale. Collection particulière.

A ce tableau globalement très positif viennent malheureusement s’ajouter quelques erreurs qui, avouons-le, gâtent l’impression d’ensemble. Ainsi lorsqu’on peut lire (p. 60) qu’en Bretagne en août 1914 « les soldats partaient la fleur au fusil », assertion démontée en 1977 (!) par Jean-Jacques Becker dans sa magistrale thèse et présentée pourtant à l’orée du centenaire de la Grande Guerre comme l’un des principaux écueils à éviter2. Là est probablement la plus grande limite de cet outil de travail, la méconnaissance de l’historiographie conduisant parfois à des conseils qui ne nous semblent pas tout le temps avisés. Ainsi, pourquoi à propos des déportés par mesure de répression lors de la Seconde Guerre mondiale ne pas renvoyer au Livre-Mémorial de la déportation partie de France disponible sur le site de la Fondation pour la mémoire de la déportation ainsi que, pour les déportés par mesure de persécution, aux incontournables travaux des époux Klarsfeld ? Mais peut-être s’agit-il là de remarques qui s’adressent déjà à des personnes bénéficiant d’une certaine expérience ? Les novices, pour leur part, ne pourront que tirer bénéfice de ce petit livre qui sans être parfait pourra leur rendre de grands services… avant de passer à des contenus plus charpentés.

Erwan LE GALL

 

1 GUILLERM, Yann, « Retrouver ses ancêtres bretons », Paris, Archives & Culture, 2016. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront dorénavant indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses.

2 BECKER, Jean-Jacques, 1914, Comment les français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977.