1947, le Tour de France reprend enfin son cours après sept années d’interruption à cause de  la Seconde Guerre mondiale. Le 20 juillet, à l’issue de l’ultime étape entre Caen et Paris, c’est le Breton Jean Robic, alias « Tête de cuir », qui remporte la Grande boucle. Au début de cette même année, le 20 janvier, naît à  Bouguenais, dans le pays nantais, Cyrille Guimard, celui qui deviendra « le Druide » du cyclisme breton.

Cyrille Guimard sous le maillot de l'équipe Hutchinson. Collection particulière.

Cadet d’une famille de six enfants, il grandit dans une famille populaire. Le père est maçon. A l’adolescence, le jeune Guimard décroche un CAP ajusteur, mais surtout  commence à gagner ses premières courses de vélo et devient même l’un des meilleurs jeunes  français. Il décroche notamment deux podiums lors des championnats de France cadet et junior en 1963 et 1964. L’année de ses vingt ans, en 1967, il revêt enfin le maillot tricolore en remportant l’épreuve de route du championnat de France amateur. Il termine également 4^e du classement général et 1^er du classement par points du Tour de l’Avenir, une course considérée comme à l’égal du Tour de France pour les futurs champions.

En 1968, Cyrille Guimard signe son premier contrat professionnel au sein de l’équipe Mercier-BP-Hutchinson dirigée par l’ancien champion Antonin Magne et dont le leader n’est autre que Raymond Poulidor. Auréolé de son palmarès chez les amateurs, le jeune Breton a alors tout pour devenir le digne successeur de Jean Robic et de Louison Bobet. En effet, depuis une dizaine d’années, le cyclisme breton peine à produire un nouveau champion capable de remporter les plus grandes courses, le Tour de  France a fortiori^1. Au tournant des années 1950-1960, c’est le duel entre le Normand Jacques Anquetil et le Limousin Raymond Poulidor qui tient le haut du pavé du cyclisme français. Guimard ne tarde pas à  trouver sa place parmi les meilleurs coureurs du peloton. Il est 7^e du Paris-Roubaix dès sa deuxième saison chez les  professionnels, puis champion de France de vitesse et deuxième du championnat de France sur route en 1970. La saison suivante, il brille sur les plus grandes courses : 3^e du Tour des Flandres, 7^e du Tour de France, vainqueur du classement par  points et de deux étapes du Tour d’Espagne, 3^e du championnat de France sur route et surtout médaillé de bronze aux championnats du monde.

En 1972, il tient la dragée au « Cannibale » Eddy Merckx. Il remporte la première étape à Saint-Brieuc et revêt ainsi le maillot  jaune sur ses terres natales. Il porte la tunique de leader pendant 8 jours et remporte trois autres étapes. Il s’installe à la place de dauphin du champion belge, mais il doit abandonner à 48 heures de l’arrivée à Paris, victime de douleurs aux genoux. Ces problèmes de santé empêchent Cyrille Guimard de poursuivre sa progression vers les sommets du cyclisme. Lors des quatre saisons suivantes, il décroche de beaux accessits, mais aucune victoire de prestige. Il termine sa carrière de cycliste, âgé de seulement 29 ans, sur une victoire aux championnats de France de cyclo-cross 1976.

Pour autant, Guimard ne raccroche pas le vélo. Il passe directement de la selle au siège de directeur sportif de l’équipe Gitane-Campagnolo. Là, il prend  sous son aile un jeune coureur Breton que l’on promet à un grand avenir : Bernard Hinault. Derrière son volant, Guimard s’impose comme le meilleur directeur sportif des décennies 1970-1980 : sept Tour de  France – avec Lucien Van Impe, Bernard  Hinault et Laurent  Fignon –, deux Tour d’Espagne et trois Tour d’Italie. Plus encore, le « Druide », doté de la science cycliste infuse et d’une poigne de fer,  permet l’éclosion de jeunes champions parmi les meilleurs des décennies 1980-1990 : Hinault bien sûr et Laurent Fignon, mais également l’Américain Greg LeMond et les Français Marc Madiot, Jean-René Bernaudeau, Charly Mottet, Thierry Marie, Jacky Durand et Luc Leblanc.

Cyrille Guimard, alors que Directeur sportif de Système U. Crédits: Flickr, BeWaPa.

Le tournant des années 1990 et 2000 est plus sombre pour Cyrille Guimard. S’il est  désormais éloigné des feux de la rampe du vélo, il devient un commentateur avisé et à la langue acérée du monde cycliste. En 2017, Guimard est nommé sélectionneur de l’équipe de France masculine de cyclisme sur route. A l’âge de 70 ans, il a désormais en charge l’avenir de la nouvelle génération  de coureurs français. Des  jeunes champions qui n’étaient pas encore nés quand  Guimard brillait à la tête des équipes Gitane et Renault… Quand le « Druide » se transforme en Phoenix.

Thomas PERRONO

¹ A ce propos d’une « fin de cycle » pour le cyclisme breton à partir de 1958, nous nous permettons de renvoyer à l’article : EVANNO Yves-Marie, PERRONO Thomas, PRIGENT François, « Fin de cycle pour le  cyclisme breton », in LE GALL Erwan et PRIGENT François  (dir.), C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France, Rennes, éditions Goater, 2018, p. 484-505.