D’une guerre à l’autre : Henri Avril

La séparation des pouvoirs est en démocratie un principe fondamental qui implique qu’une personne ne saurait, sauf au gré de circonstances exceptionnelles, occuper les fonctions de préfet et de député. Il s’agit là de deux carrières bien distinctes, l’une relevant d’un grand corps de l’état et du pouvoir exécutif, l’autre du pouvoir législatif et s’apparentant à l’aboutissement d’un long cursus honorum politique. Or non seulement Henri Avril occupe ces deux charges dans ce qui était alors le département des Côtes-du-Nord, mais rien ne semblait l’y prédestiner.

Carte postale. Collection particulière.

Né le 4 décembre 1888 à Cavan, petite bourgade située entre Lannion et Guingamp, il est un fils d’instituteur qui, lui aussi, se destine à l’enseignement. C’est d’ailleurs une véritable vocation puisqu’outre son père, son oncle et son frère exercent ce métier. Aussi, après une année de Philosophie au Lycée de Rennes puis deux  ans de scolarité au sein de l’Ecole normale de Saint-Cloud, dont il sort premier de promotion, débute sa carrière professionnelle. Après un court passage à Nancy, il est nommé en 1913 professeur à l’Ecole normale de Saint-Brieuc.

Mais le déclenchement de la Première Guerre mondiale vient rapidement bouleverser cette paisible destinée. Sous-lieutenant de réserve au 41e RI depuis 1912, Henri Avril est rappelé sous les drapeaux dès le 2 août 1914. Transféré au 269e RI puis au 44e bataillon de Chasseurs à pied, il est nommé capitaine et enfin chef de bataillon, le 22 mai 1918. Blessé en juillet 1915 puis en février 1916, par des éclats de grenade et d’obus, il est titulaire de cinq citations à l’ordre du régiment, de la division et de l’armée, ce qui lui autorise le port de la Croix de guerre et de la Légion d’honneur1.

Démobilisé en juillet 1919, Henri Avril ne compte manifestement pas cesser de servir son pays. Ses brillants états de service constituant alors un capital politique sans équivalent, il se lance dans la course à la députation. Inscrit en deuxième position sur la liste d’Union républicaine, il décroche le 16 novembre 1919 sa place au Palais bourbon, la liste sur laquelle il figure étant intégralement élue ! Parlementaire, il se spécialise dans les questions d’éducation et intègre la prestigieuse Commission de l’enseignement et des beaux-arts. Mais peu à peu le poids de la guerre semble se faire moins important sur les épaules des électeurs, ce qui inévitablement amène l’étoile politique d’Henri avril à pâlir. Battu aux élections législatives de 1924, il retourne à la vie civile.

21 juillet 1945: Henri Avril, en uniforme de préfet, reçoit le général de Gaulle à Saint-Brieuc. Carte postale. Collection particulière.

Nommé professeur puis directeur de l’Ecole primaire supérieure de Lamballe, Henri Avril occupe ce poste jusqu’en 1933. Le 14 janvier 1934, vingt ans quasiment après la mobilisation générale, retiré de toute vie politique, il est élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur au cours d’un important congrès d’anciens combattants se déroulant à Saint-Brieuc2. Cette date sonne a posteriori comme un drôle de clin d’œil de l’histoire tant cette année est trouble, début d’une longue période de montée des périls marquée notamment par une nuit d’émeutes à Paris, le 6 février. Conscient du danger, Henri Avril, quoique déjà âgé et non mobilisé en 1939, s’engage très vite dans la Résistance. Son passé militaire lors de la Grande Guerre, son expérience et son républicanisme sans faille lui confèrent rapidement une grande autorité morale qui l’amène à présider le Comité départemental de Libération puis à être nommé préfet des Côtes-du-Nord, en juin 1945. Chargé de restaurer l’ordre public, tâche qui n’est pas mince dans ce département, il est malheureusement victime d’un malaise le 17 janvier 1949 et s’effondre dans son bureau. Il décède le jour même.

Erwan LE GALL

 

 

 

1 Arch. Dép. CdA : 1 R 1981.1852.

2 Arch. Nat : LH 19800035/54/6585.