Marie Follezou, figure féminine de la Résistance guingampaise

L’engagement dans la Résistance est une expérience de courage facilement assimilable à la virilité et donc à la masculinité. Pourtant, nombreuses sont les femmes à s’être engagées aux premières loges du combat contre l’occupant. Si Lucie Aubrac semble jouer, à ce titre, le rôle de figure tutélaire, la Bretagne rappelle que des personnalités féminines ont eu un rôle loin d’être secondaire au sein de l’armée des ombres. C’est notamment le cas de Jeanne Le Bohec, des sœurs Simone et Marie Alizon, ou bien encore de la guingampaise Marie Follezou1. Mais à l’heure où de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une plus grande visibilité des femmes dans l’histoire, force est de constater que le souvenir reste lui assez réfractaire au parcours de cette grande Résistante bretonne.

Le magasin Aux Dames de France où travaille Marie Follezou. Carte postale (détail), collection particulière.

Marie Follezou nait Marie Offret le 3 février 1910 à Saint-Agathon, bourg rural d’un millier d’âmes et limitrophe de Guingamp. Ses parents, Yves-Marie et Thérèse Mahé sont des artisans-commerçants (charron et débitante). Rapidement la famille s’installe place Saint-Michel, dans le quartier commerçant de la sous-préfecture des Côtes-du-Nord. Marie poursuit une scolarité sans accroc, jusqu’au certificat d’études primaires, avant de devenir apprentie couturière et d’obtenir un CAP. Jeune femme, elle fait carrière dans le commerce : en tant que vendeuse de lingerie, tout d’abord, au grand magasin « Aux Dames de France » situé sur la place du centre de Guingamp puis, après son mariage en 1932 avec Emile Follezou, en tant que gérante d’une confiserie.

Mais le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, et plus encore la défaite fulgurante du printemps 1940, marquent un véritable tournant dans la vie de Marie Follezou. La famille Offret, dont le père est membre du Parti communiste depuis les années 1920, entre dans la Résistance. Ils hébergent ainsi Pierre Le Queinnec, ancien dirigeant de la fédération communiste des Côtes-du-Nord, qui vient de s’évader du camp de Châteaubriant. Dans une ville occupée depuis le 19 juin 1940 et alors que le sous-préfet parle de « premiers contacts très corrects » avec l’occupant2, Marie Follezou se met à la disposition du Parti communiste devenu clandestin depuis sa dissolution le 26 septembre 1939. Avec sa belle-sœur Odette Offret, elle participe à la rédaction, l’impression et la diffusion de tracts. La confiserie se transforme en lieu de rendez-vous de la résistance communiste locale. Les FTP y cachent des armes. L’un de ses frères, Yves, meurt au camp de Neuengamme, après avoir été arrêté le 5 août 1943. Sa belle-sœur Odette est également arrêteé quelques jours plus tard, avant d’être déportée à Ravensbrück. Marie, désormais désignée par le pseudonyme « Jeanne », devient agent de liaison de l’intercadre FTP pour la Bretagne. Mais le 27 juillet 1943, alors qu’elle devait rencontrer au Mans Auguste Delaune, alias « Robert », dirigeant du PCF clandestin de la région Bretagne, en compagnie de Charles Mahé, alias « Max », survient l’arrestation. Marie Follezou est internée à Compiègne, avant d’être déportée à Ravensbrück le 1er février 1944. Là-bas, elle travaille dans une usine de caoutchouc pour fabriquer des masques à gaz. Elle reste internée dans ce camp de concentration réservé aux femmes jusqu’au mois de mai 1945.

A son retour à Guingamp, Marie Follezou poursuit ses activités politiques, puisqu’elle devient secrétaire de la section communiste de Guingamp. Le 8 juillet 1948, son fils Jean-Yves naît. Ce dernier deviendra par la suite un cancérologue de renom et collaborateur du journal L’Humanité. En 1952, après la mort de ses parents, Marie Follezou quitte les Côtes-du-Nord avec son fils, mais sans son mari. Elle rejoint son frère Louis en banlieue parisienne, qui travaille à Clichy comme gazier. Après avoir exercé plusieurs emplois différents, elle obtient le poste de gardienne de l’école Joliot-Curie, située rue Jean-Baptiste Baudin à Villejuif. En région parisienne, elle poursuit son engagement politique auprès d’associations proches des communistes : la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP), l’association France-URSS, le Secours populaire, ou bien l’Union des Sociétés Bretonnes d’Ile-de-France (USBIF), une association communautaire héritière des Bretons émancipés de Marcel Cachin. En 1983, comme si elle n'était pas complètement libérée des camps, elle effectue un pèlerinage pour le souvenir à Ravensbrück, en compagnie d’autres anciennes déportées.

Cliché: L'Echo de l'Argoat.

Marie Follezou meurt le 11 mars 2004 à Villejuif, atteinte par la maladie d’Alzheimer. Son action dans la Résistance lui a valu d’être titulaire des plus hautes distinctions : Légion d’honneur, Croix du combattant, Médaille du combattant volontaire de la Résistance, Médaille de la déportation et de l’internement pour faits de Résistance, Médaille de la France libérée et Médaille militaire. Chose curieuse, cette reconnaissance officielle ne va pas nécessairement de pair avec la vigueur du souvenir, même si l’époque entend faire émerger des figures féminines, aussi bien dans les livres scolaires que dans la dénomination de voies publiques. C’est ainsi qu’une rue Marie Follezou est inaugurée en 2013 à Guingamp, la ville de sa jeunesse. Il n’est pourtant pas certain que cette louable initiative permette de réveiller la mémoire de cette résistante quelque peu oubliée...

Thomas PERRONO

 

 

1 Pour plus de détails biographiques, se reporter à la notice du Maitron : notice FOLLEZOU Marie [née OFFRET Marie, dite « Jeanne »] par Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 10 avril 2009, dernière modification le 9 septembre 2017.

2 BOUGEARD Christian. « La vie quotidienne des Bretons pendant la guerre : quelques aspects », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, Tome 92, numéro 1, 1985. pp. 79-80.