L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France

La Seconde Guerre mondiale compte assurément parmi les périodes les plus complexes de l’histoire France. Durant ces « années noires », les Français sont divisés. Tandis que le général de Gaulle entend incarner de Londres, puis d’Alger, la France, le gouvernement de Vichy collabore avec l’Allemagne nazie, participant à la répression contre la Résistance intérieure et aux persécutions contre les Juifs.

Mais la Seconde Guerre mondiale est également l’une des périodes les plus douloureuses de l’histoire de France, cause de tenaces plaies dans la conscience nationale. Là est bien la différence entre l’histoire, qui désigne à la fois le temps passé et la discipline scientifique qui se consacre à son étude, et les mémoires, représentations subjectives de ces périodes révolues, facultés d’organiser l’oubli pour reprendre la savoureuse formule de la philosophe Hannah Arendt. Aussi est-il au final possible d’ériger en objet d’histoire les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France, quand bien mêmes celles-ci sont plurielles et parfois antagoniques, et d’en analyser les évolutions.

En effet, à partir de 1944, année du début de la Libération et du rétablissement de la République, les gouvernements diffusent une mémoire dite résistancialiste afin de rétablir l’unité de la population. Cependant, à partir des années 1970, les victimes de la guerre se mobilisent pour faire reconnaître leurs souffrances et juger les coupables. Les Français font enfin face à leur passé, y compris dans ce qu’il a de plus sombre, à savoir les crimes commis par le régime de Vichy. Les historiens, qui jouent un rôle majeur dans cette prise de conscience tout en se désolidarisant progressivement de l’injonction au « devoir de mémoire », rappellent que leur rôle ne peut être rempli sans une certaine liberté accordée à la recherche.

La France du mythe résistancialiste

Au nom de la concorde nationale, l’Etat mène au sortir de la Seconde Guerre mondiale une politique de réconciliation. Les procès de l’épuration cessent et laissent la place à l’image d’une France unie dans la Résistance, souvenir entretenu par les deux grandes forces politiques que sont les gaullistes d’une part, les communistes d’autre. La France vit en plein mythe résistancialiste.

Pour en savoir plus...

Le miroir se brise

Longtemps refoulées, les mémoires de Vichy et de la Shoah opèrent un brusque retour sur scène au cours des années 1960-1970 pour au final occuper une place majeure dans les dernières décennies du XXe siècle. Mais qui dit retour sur le devant de la scène du discours public ne signification pas nécessairement acceptation pleine et entière de ce passé qui au contraire ne passe pas toujours.

Pour en savoir plus...

L’histoire face à la mémoire ?

L’irruption du « devoir de mémoire » constitue un véritable tournant en ce qu’au nom de cette formule, la France fait désormais face aux heures les plus sombres de son passé. Mais, devenu enjeu électoraliste, le souvenir est de nouveau à l’origine de nombreuses polémiques, comme si l’émotion associée à la mémoire s’éloignait définitivement de la rationalité de la science historique.

Pour en savoir plus...

Bibliographie indicative :

Ouvrage collectif, La mémoire, entre histoire et politique, Cahiers français de la Documentation française, n°303, juillet-août 2001.

LEDOUX, Sébastien, Le Devoir de mémoire. Une formule et son histoire, Paris, CNRS éditions, 2016.

ROUSSO, Henry, Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Seuil, 1990 (réed)

WIEVIORKA, Olivier, La Mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres, de la Libération à nos jours, Paris, Seuil, 2010.