Alphonse Arzel, le maire en lutte contre les marées noires

A sa mort, le 21 février 2014, les hommages sont unanimes pour saluer la mémoire d’Alphonse Arzel. Jean-Yves Le Drian, portant à l’époque la double casquette de ministre de la Défense et de président de la région Bretagne, parle alors d’un homme qui a « incarné cette Bretagne qui ne renonce jamais et qui sait mobiliser toutes ses forces lorsque le combat est loin d'être gagné, mais lorsque le combat est juste ». Cet ultime hommage fait bien entendu référence au long combat mené à la suite du naufrage de l’Amoco Cadiz en 1978, qui a amené le maire de Ploudalmézeau jusque sur les bancs  des  tribunaux de Chicago.

Alphonse Arzel. Archives Ouest-France.

Alphonse Arzel nait le 20 septembre 1927 à Ploudalmézeau, cette commune à la fois rurale et maritime – avec le port de Portsall – située à l’extrémité ouest du Léon. Le certificat d’études primaires sera son seul diplôme avant qu’il ne vienne travailler dans la ferme de ses parents. C’est au sein de la Jeunesse agricole chrétienne (JAC) qu’il poursuit son éducation, entre 1943 et 1952. Ce mouvement de jeunesse se donne alors pour mission de faire émerger les  futurs leaders du monde agricole.

Devenu agriculteur à son compte en 1952, il s’engage progressivement dans des responsabilités syndicales et politiques. Démocrate-chrétien de culture et de conviction, Alphonse Arzel voit dans la personnalité du Finistérien André Colin un mentor, ce qui l’amène naturellement à  adhérer au Mouvement républicain populaire. Il est élu conseiller municipal de Ploudalmézeau en 1959, avant d’en devenir le maire dès 1961. Un poste de premier magistrat qu’il conserve jusqu’en 2001, quand  il décide de décrocher de la vie politique, après cinq mandats consécutifs. Au-delà de son emblématique poste de maire de Ploudalmézeau, Arzel conquière d’autres mandats électifs. Il est ainsi conseiller général entre 1967 et 1985. En 1980, il devient sénateur centriste, mandat qu’il conserve jusqu’en 1998. Par ailleurs, il est vice-président de la région Bretagne  entre 1982 et 1986. En revanche, il échoue par trois fois aux élections législatives. Deux fois face au « lion de Coat-Méal », le  gaulliste Gabriel  de Poulpiquet, en 1962 et 1973, puis en 1978 face au maire de Plabennec, Jean-Louis Goasduff.

Mais c’est le 16 mars 1978 que la carrière politique d’Alphonse Arzel prend – tragiquement  – une envergure nationale. Ce jour-là, le pétrolier Amoco Cadiz s’échoue en face de Portsall. La marée noire ravage le littoral breton et le maire de Ploudalmézeau prend la tête de la lutte contre cette catastrophe. Deux ans plus tard, il crée avec Charles Josselin, alors président du Conseil général des Côtes-du-Nord, le Syndicat mixte de protection et de conservation du littoral nord-ouest de la Bretagne qui rassemble l’ensemble des communes touchées par la pollution pétrolière. Ensemble, 92 maires bretons, derrière la figure d’Alphonse Arzel,  engagent un  combat  judiciaire  contre  la  société américaine Amoco. L’enjeu est alors clair : faire en sorte que l’impunité qui a prévalu après le Torrey Canyon ne puisse avoir de nouveau cours. En 1993, Arzel revient sur cette aventure pour les micros de France culture :

« On ne savait pas d’ailleurs quand on lançait cette procédure vers quoi on se dirigeait. Nous ne pensions jamais que ce serait quelque chose d’aussi dur, d’aussi long et on a dû déployer beaucoup d’énergie pour permettre de tenir en haleine tous les acteurs de cette longue procédure. »1

A Chicago, en 1982, lors du procès tenu à Chicago, Alphonse Arzel, au centre, mène la délégation de maires bretons. Collection particulière.

C’est ainsi que, le 11 janvier 1988, le tribunal de district de Chicago condamne la société pétrolière à  indemniser l’Etat français, ainsi que les communes victimes de la marée noire. Mais la somme est jugée insuffisante : 85,2 millions de francs, contre les 600 millions que les Bretons réclamaient. Quatre ans plus tard, lors  du procès en appel, Amoco est condamné beaucoup plus lourdement par la Cour d’appel des Etats-Unis,  à une compensation financière d’1,257 milliard de francs. Ce combat judiciaire contre la pollution marine se  double d’un engagement politique au niveau sénatorial. Alphonse Arzel signe ainsi de nombreux rapports sur le sujet, comme sur l’aménagement et la protection du littoral. Mais le portrait de cet emblématique maire finistérien ne serait pas complet si l’on n’évoquait pas le militant de la langue bretonne. En effet, il contribue à la création de la première école Diwan, qui propose l’apprentissage du breton en immersion, en 1977 dans la commune voisine de Lampaul-Ploudalmézeau.

Thomas PERRONO

 

 

 

 

 

1 INA – L’Ouest en mémoire. « Souvenirs du procès contre Amoco », Le pays d’ici, France culture, 17 février 1993, en ligne.